Le promoteur immobilier John Garabedian s’est tourné vers la justice pour obtenir le permis de construction de la 3e et dernière tour du complexe de condominiums Aquablu, permis que la Ville lui refuse depuis 2020.
Dévoilé en 2014 et mis en chantier le printemps suivant, ce projet de développement alors estimé à 250 M$ prévoyait au départ 3 immeubles en bordure de la rivière des Prairies à l’ouest de l’autoroute 13 dans Sainte-Dorothée.
C’était bien avant que des résidents de la rue Étienne-Lavoie ne se plaignent de problèmes de circulation engendrés dans le secteur par l’occupation des 74 unités de condos livrées en 2016 et la mise en chantier d’une seconde tour de 21 étages l’année suivante.

Subterfuge
Le 2 juin 2020, à titre de Municipalité régionale de comté (MRC), Laval adopte une résolution de contrôle intérimaire afin d’interdire l’octroi de tout permis pour la construction d’un nouveau bâtiment résidentiel sur le lot qui devait accueillir une tour de 150 condominiums.
S’ensuit l’entrée en vigueur le 20 octobre 2020 d’un Règlement de contrôle intérimaire (RCI) qui impose alors une nouvelle restriction relative au nombre d’unités d’habitation permis sur les lots du complexe Aquablu.
Fixée à 38 logements par hectare, cette densité résidentielle maximale correspond aux 200 unités déjà autorisées lors de la délivrance des permis pour les deux premières tours en 2015 et 2016, sonnant ainsi le glas de la 3e tour.
Les avocats de M. Garabedian y voient un subterfuge utilisé par la Ville pour se soustraire à ses obligations, affirmant que l’administration municipale et le comité exécutif avaient approuvé en 2013 son projet de développement intégré qui comportait trois tours d’habitation.
En février dernier, Me Frédéric Legendre a plaidé devant le juge Stéphane Lacoste de la Cour supérieure que son client n’aurait jamais conclu en 2014 l’entente relative aux travaux municipaux à ses frais (prolongement de la rue Étienne-Lavoie, infrastructures municipales, mur/écran et talus acoustique) s’il avait su «que la Ville retirerait son approbation du projet ultérieurement en utilisant de manière abusive ses pouvoirs lui étant conférés en tant que MRC».
Toujours selon l’avocat du cabinet Fasken, en amont de cette entente de maîtrise d’œuvre privée (MOP), les parties s’étaient entendues sur une densité maximale de 352 logements dont 146 à l’emplacement de la phase 3.

Abus de pouvoir
Dans sa demande introductive d’instance, le promoteur demande au Tribunal de déclarer nuls la Résolution de contrôle intérimaire et le RCI qui en a découlé, aujourd’hui enchâssé dans le Code de l’urbanisme (CDU) de Laval.
«Une Ville agissant en vertu de ses compétences de MRC ne peut utiliser de tels pouvoirs afin de procéder à du rezonage parcellaire (spot zoning) intérimaire, dans l’unique but d’entraver la réalisation d’une construction conforme à la réglementation municipale et déjà approuvée par le truchement d’une entente relative aux travaux municipaux, pour laquelle la même Ville avait, au niveau local, déjà exercé sa discrétion favorablement», écrivent Mes Frédéric Legendre et Guillaume Pelegrin dans leur requête modifiée le 21 février 2024.
«[…] ce n’est que par l’entremise de la modification de son Règlement de zonage que la Ville, en tant que municipalité locale, pouvait imposer un seuil spécifique de densité d’occupation», poursuivent-ils en citant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, ce qui aurait contraint la Ville à soumettre sa volonté à l’approbation référendaire.

La Ville persiste et signe
En plaidoirie, Me Caroline Gelac, avocate au Service des affaires juridiques de la ville, a martelé qu’il n’y a jamais eu de «promesse claire» quant au nombre de tours autorisées dans le cadre du projet Aquablu, ajoutant que «la Ville était dans son droit» de recourir à un RCI pour modifier son schéma d’aménagement et de développement révisé (SADR).
Contrairement à un changement de zonage, un règlement de contrôle intérimaire «crée un effet de gel», a-t-elle expliqué devant la Cour.
Quant aux fonctionnaires municipaux venus reconnaître «candidement» durant les audiences que le choix de l’outil réglementaire avait pour but d’éviter la tenue d’un référendum, Me Gelac a cité la jurisprudence dans la cause opposant l’Association des villégiateurs et résidents du lac Cayamant à la Municipalité de Cayamant: «[…] il a été reconnu qu’une Municipalité qui adopte un règlement susceptible d’être soumis à l’approbation référendaire peut décider de retirer son règlement avant la tenue du référendum afin d’atteindre ses fins en procédant par un autre moyen, et ce, dans la mesure où elle poursuit un objectif légitime dans l’intérêt public».
Dans le dossier d’Aquablu, Me Caroline Gelac a plaidé que «cet objectif était de limiter la circulation pour le bien des citoyens du secteur».
Étude de circulation
Par ailleurs, s’il reconnaît un problème d’accès à l’autoroute 13 Sud via le boulevard Samson Ouest au moment où les plaintes citoyennes ont été déposées il y a 7 ans, Me Legendre allègue que la Ville a agi de mauvaise foi en négligeant de revalider les données de l’étude de circulation menée en février 2019 par la firme SNC-Lavalin avant de convertir en mesure permanente – en novembre 2022 – le règlement qui se voulait temporaire (RCI) en 2020 pour corriger une problématique alors jugée urgente.
D’autant qu’une seconde étude commandée en 2020 par la Ville à la firme de génie FNX-Innov arrivait à des conclusions diamétralement opposées à celles de SNC-Lavalin, et ce, en vertu des mêmes paramètres et mesures de mitigation proposées, souligne Me Legendre.
À cet égard, Me Gelac a indiqué qu’il «aurait été déraisonnable» de retirer le seuil de densité maximale de 38 unités de logement par hectare dans un «secteur enclavé», considérant que l’étude de FNX avait été effectuée en période pandémique et que les mesures d’atténuation à la circulation n’étaient pas en place au moment d’adopter le CDU à l’automne 2022.
Expropriation déguisée
Pour les avocats du promoteur, il s’agit d’une situation d’expropriation déguisée, ce que conteste la Ville qui fait valoir, entre autres usages permis sur le lot vacant de 55 000 pieds carrés, l’implantation possible de petits commerces de proximité.
«Ça ne fait aucun sens, a répliqué Me Legendre en chiffrant la valeur marchande du terrain à 8 M$. De venir dire que ce terrain-là manifestement [loti] à des fins de développement résidentiel pourrait accueillir un dépanneur ou une église, ce n’est absolument pas raisonnable»
Dans l’éventualité où le Tribunal débouterait leur client de sa demande, les avocats de John Garabedian ont signifié qu’ils intenteraient une poursuite de 20 M$ en dommage et intérêt contre la Ville de Laval.
Au terme des huit jours d’audience, le juge Stéphane Lacoste avait pris l’affaire en délibéré le 27 février dernier, précisant qu’il s’y pencherait vers la fin du mois d’avril.
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