L’organisme à but non-lucratif dédié à la clientèle adultes de 21 ans et plus vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA) Pas à Pattes et Cie (PAP) fermera ses portes d’ici l’été s’il n’obtient pas le financement nécessaire pour maintenir ses services.
Depuis sa fondation en 2019, PAP fonctionne grâce à une structure entièrement bénévole, soutenue par des intervenant.e.s du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval et une enseignante du Centre de ressources éducatives et pédagogiques (CREP).
L’équipe volante du CISSS de Laval supporte trois autres organismes lavallois offrant des services similaires à PAP et quatre milieux supplémentaires sont entièrement autonomes.
La population adulte vivant avec une déficience intellectuelle et/ou un TSA à Laval est composée d’environ 1000 personnes, dont 26 sont en attente de services.
25 participant.e.s fréquentent actuellement les ateliers de PAP. Toutefois, l’équipe est à bout de souffle d’avoir porté bénévolement sa structure pendant près de 6 ans et peine à trouver du financement.
«Combien de mois on va tenir encore? Je ne le sais pas, regrette Marie-Paule Ceuppens, fondatrice et présidente de PAP, mais aussi proche aidante pour son garçon vivant avec un handicap. Sincèrement, je ne le sais pas, parce qu’on n’a pas de financement pour le soutien à la mission globale. Il n’y a pas une entreprise privée ou une fondation qui va se substituer à la responsabilité du gouvernement de financer des organismes communautaires qui offrent des services essentiels.»
Fondation
Une seule subvention peut appuyer la mission globale des organismes communautaires en santé et services sociaux: le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).
Après avoir constaté un manque de services pour son fils, Marie-Paule Ceuppens a contacté Guy Bibeau, qui était directeur des programmations Déficience Intellectuelle, Trouble du Spectre de l’Autisme et Déficience Physique (DITSA-DP) au CISSS de Laval de 2019 à 2023, pour connaître son avis et solliciter son appui.
Enthousiaste, l’ex-directeur a signé une lettre de soutien à PAP en mars 2021 et aurait mentionné à la présidente de l’OBNL que l’obtention du financement via le PSOC serait possible après deux ans d’existence.
Rassurée par la perspective d’un soutien financier durable et convaincue par sa mission, la maman et directrice générale d’Acouphènes Québec est allé de l’avant.
Trois demandes, trois refus
Forte de ses années d’expérience dans le milieu communautaire, la citoyenne de Sainte-Rose a obtenu le financement nécessaire pour démarrer son organisme.
Chaque année depuis 2022, Marie-Paule Ceuppens et son conseil d’administration entièrement féminin ont rempli une demande de reconnaissance et d’admissibilité au financement du PSOC. Pour les trois années financières, l’aide financière leur a été refusée.
En 2022-2023, la lettre de refus du CISSS de Laval fait mention d’un historique très récent et souligne que l’organisme n’a pas su faire la démonstration de son travail en santé et en services sociaux ni de l’existence d’une vie associative et démocratique conforme.
Souhaitant obtenir une seconde chance de prouver l’admissibilité de PAP, Marie-Paule Ceuppens a demandé une révision au Comité régional des organismes communautaires (CROC), instance de concertation régionale en charge d’émettre les recommandations au CISSS de Laval en matière d’admissibilité au programme.
Les motifs du refus ont été répétés textuellement dans une seconde lettre envoyée le 10 février 2023, mentionnant au passage que la demande de révision était refusée, faute «de nouveaux éléments justifiant une révision de la décision». La communication électronique s’achevait en recommandant à PAP de contacter le Service d’organisation communautaire ainsi que la Corporation de développement communautaire (CDC) de Laval pour obtenir de l’aide en vue d’une prochaine demande.
PAP affirme avoir suivi les recommandations du Service du CISSS, mais a été invité à devenir membre de la CDC pour obtenir son aide, coût qu’il n’a pas pu justifier étant donné sa précarité financière.
Un an plus tard, rebelote: PAP accuse un second refus. Le CISSS de Laval écrit cette fois-ci que l’organisme ne répond pas aux critères du programme puisqu’il correspond à une entreprise d’économie sociale ou un organisme d’employabilité, ce qui est un critère d’exclusion régional, et que ses activités relèvent en majorité d’un autre ministère.
L’indépendance de PAP est aussi questionnée comme «ce sont les employés du CISSS de Laval qui accompagnent en tout temps les participants des plateaux de travail qui sont exclusivement des usagers du CISSS de Laval».
En 2024-2025, les conclusions du CISSS sont les mêmes que l’année précédente, ce qui signe un troisième échec pour PAP, dont les bénévoles sont à bout de souffle.
En février, PAP a sollicité une rencontre avec des intervenant.e.s du CISSS de Laval, dont sa PDG Jeanne-Évelyne Turgeon. Selon Marie-Paule Ceuppens, le CISSS aurait affirmé que le fait d’avoir un volet économie sociale ne constituerait pas un critère d’exclusion au PSOC. En entrevue avec le Courrier Laval, le CISSS nuance en disant qu’«il faut démontrer que ce n’est pas la majorité de son offre de services».
La réunion s’est conclue par la mise en contact de PAP avec un représentant du CROC, Marc Longchamps, qui est aussi directeur général de la CDC.
Marie-Paule Ceuppens lui a envoyé une communication électronique réclamant un entretien en personne dans les locaux de l’organisme dans le but de clarifier sa mission et ses activités.
«Puisque vous m’interpellez à titre de membre du comité CROC, ce n’est pas dans mon rôle de visiter différents organismes, et surtout, le temps me manque. Le peu de temps que la CDC de Laval dispose, elle le consacre à ses membres.» lui a répondu M. Longchamps avant de l’inviter à joindre les rangs de la CDC ou du Regroupement des Organismes de Promotion de Personnes Handicapées de Laval.
Face à cette nouvelle impasse, la présidente a tendu une ultime fois la main au CISSS en précisant que l’avenir de l’organisme était sérieusement menacé.
En réponse, Majorik Bouchard, directeur adjoint du CISSS, lui a présenté trois possibilités: de l’accompagnement pour mieux rendre visible le volet service social de PAP, une entente en partenariat avec la direction DITSA-DP à la hauteur de 90 000$ ou une lettre d’appui pour rechercher d’autres sources de financement.
Mauvaise compréhension ou mauvaise foi?
Ce qui était perçu en premier lieu par de l’incompréhension par l’équipe de PAP a basculé vers la mauvaise foi au fil des démarches infructueuses.
«On n’est pas un organisme en employabilité, assure Mme. Ceuppens. PAP, ce n’est pas un tremplin vers le marché de l’emploi. […] C’est pas ça notre rôle. C’est de leur offrir un milieu adapté où ils peuvent poursuivre leur cheminement, [faire] des apprentissages, s’épanouir et se sentir utile dans la société. […] J’en perds mon latin et je suis pas la seule: on ne comprend pas.»
Soulignons que plusieurs organismes comportant un volet d’économie sociale bénéficient du PSOC, comme StimuleArts ou la Ferme Jeunes au travail.
Pour l’exercice 2024-2025, plus de 36 M$ ont été accordés à 95 organismes à Laval. En moyenne, les bénéficiaires ont perçu plus de 375 000 en support à la mission.
«C’est clair net et précis qu’on est en santé et services sociaux, poursuit Marie-Paule Ceuppens. On accueille une clientèle vulnérable en situation d’handicap qui relève du ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS). Ce sont tous des usagers du CISSS de Laval.»
Pour la présidente-fondatrice, les trois offres du CISSS ne tiennent pas la route. L’entente chiffrée à 90 000$ a pour unique cible l’embauche de personnel. L’argent ne peut servir à payer les charges courantes.
«Je ne vois pas pourquoi PAP accepterait des miettes et aurait la responsabilité d’assurer la survie d’un organisme qui bénéficie à l’ensemble de la population, et principalement aux usagers du CISSS de Laval», souligne Mme Ceuppens, accentuant l’inutilité de bonifier son équipe alors que les factures de loyer s’accumulent.
Pouvoir décisionnel
À Laval, la CDC est mandataire du CROC, comité ayant la charge de recommander l’admission ou non des organisations en santé et services sociaux au PSOC.
Selon le rapport annuel de la CDC de Laval, deux de ses membres siégeaient au comité de l’admissibilité du PSOC en 2023-2024. Tous deux ont reçu une subvention du programme lors du dernier exercice.
«C’est ce qu’on appelle être juge et parti, parce que si on est bénéficiaire du PSOC, […] on a un intérêt dans ce dossier puisqu’on touche nous-mêmes la subvention», avance Marie-Paule Ceuppens.
Deux représentant.e.s du CISSS siègent aussi au CROC, sur un comité ad hoc. Ces nominés ainsi que les critères de sélection n’ont pas été divulgués.
Tant pour le CISSS que pour Marc Longchamps, la partialité du CROC est impossible, puisqu’il se base uniquement sur le Cadre normatif du MSSS (2023) et le Cadre de référence régional de Laval (2007).
Selon le directeur général de la CDC de Laval, le document lavallois est en cours de révision, mais aucun changement majeur n’y sera apporté, excepté l’ajout des seuils planchers, qui alimentent déjà les décisions du comité.
C’est au CISSS de Laval que revient la décision finale de financer ou non un organisme via le PSOC, sur recommandation du CROC.
«On reconnaît la pertinence de Pas à pattes, conclut Aslan Salah, adjoint par intérim au directeur général adjoint du CISSS de Laval. La noblesse de sa mission, on la reconnait. Ce n’est pas parce qu’elle n’est pas admissible au PSOC qu’on n’appuie pas l’organisme et qu’on ne le soutient pas par différents moyens. [Les trois options proposées] sont la preuve qu’on est là pour soutenir et accompagner l’organisme.»
«Donnez-nous les moyens non seulement de continuer, mais d’avancer, réclame la présidente-fondatrice écrasée par le stress financier. De faire en sorte que toutes ces personnes qui ont des besoins particuliers, une fois qu’elles ont terminé leur parcours scolaire […] puissent avoir leur place dans la collectivité. Quand on a vécu la pandémie, on a tous été en situation d’isolement et ç’a a été très difficile, mais pour trop de gens encore, c’est comme si la pandémie se poursuivait. Ils sont à la maison, privés de services.»
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