À moins de 24 heures de préavis, la Ville de Laval a annulé la procédure d’enregistrement des personnes habiles à voter, qui visait à déterminer si un scrutin référendaire devait être tenu en marge de l’implantation du controversé projet de Cité du cinéma dans Saint-François.
L’annonce est tombée peu après 12h le lundi 19 septembre.
L’avis public signé par la greffière, Me Valérie Tremblay, y mentionne que «la procédure d’enregistrement ne s’applique pas lorsque la majorité des personnes habiles à voter ayant le droit d’être inscrites sur la liste référendaire du secteur concerné» renonce à la tenue d’un scrutin référendaire.
«Par conséquent, le Règlement numéro L-2001-3795 modifiant le Règlement L-2000 de la Ville de Laval pour un territoire situé au sud de l’avenue Marcel-Villeneuve à l’ouest de la caserne de pompiers numéro 5 est réputé approuvé par les personnes habiles à voter», peut-on y lire.
Quiproquo
Vérification faite, ce n’est pas «la majorité des personnes habiles à voter» qui ont apposé leur signature au bas de la demande de renonciation à la tenue d’un scrutin référendaire, déposée au Service du greffe le 13 septembre.
«À moins que le greffier ou greffier-trésorier n’ait la liste de toutes ces personnes, leur nombre est présumé égal à la somme des unités de logement, des immeubles non résidentiels et des établissements d’entreprise situés […] dans le secteur concerné», explique dans un échange de courriels la conseillère aux Affaires publiques à la Ville, Myriam Legault, citant l’article 553 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM).
Incidemment, la Loi prévoit différentes méthodes de calcul pour établir le seuil à atteindre afin qu’un avis de renonciation puisse justifier qu’on ne tienne pas de registre référendaire.
Reste que dans ce cas-ci, ce n’est pas le nombre de personnes habiles à voter qui fut utilisé comme référant.
C’est plutôt le nombre d’unités d’évaluation recensées dans les zones autorisées à voter, soit 276. Selon cette base de calcul, la majorité représentait 139 signatures, et ce, indépendamment du nombre d’occupants des unités résidentielles ayant la qualité d’électeur. D’où la confusion.
Cela dit, s’il y avait eu référendum, toutes les personnes majeures au sein de ces 276 unités auraient – sauf quelques rares exceptions – eu droit de voter, indique Julie St-Arnaud Drolet, porte-parole d’Élections Québec.
Chiffre «confidentiel»
«Nous avons reçu 178 signatures et nous nous sommes assurés d’effectuer les validations nécessaires notamment en se référant à la liste référendaire du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) la plus récente», précise la porte-parole de la Ville.
Et cette liste, elle regroupe combien de centaines de personnes habiles à voter dans le secteur visé par le changement de zonage susceptible d’approbation référendaire ?
La question demeure sans réponse, la Ville invoquant l’article 659.1 de la LERM. «Tous les éléments y figurant sont confidentiels», précise-t-elle.
En fait, cette disposition légale interdit de communiquer – à d’autres fins que celles prévues par la loi – un renseignement contenu dans une liste référendaire. La question posée ne cherchait pas à divulguer un renseignement personnel au sujet d’un électeur, mais simplement à connaître le nombre de personnes ayant le droit d’être inscrites sur la liste référendaire. À titre d’exemple, Élections Québec chiffre le nombre d’électeurs pour chacune des 125 circonscriptions en vue du scrutin du 3 octobre prochain.
Toujours la même méthode
Par ailleurs, la porte-parole de la municipalité affirme que «la Ville utilise toujours la même méthode pour tous les règlements visés par cette procédure d’enregistrement».
«Il s’agit d’un processus rigoureux, conforme aux obligations légales et juste pour l’ensemble des parties prenantes. Par conséquent, dans l’avis public du 12 septembre dernier, le nombre de demandes requis pour qu’un scrutin référendaire soit tenu est de 39 signataires», ajoute Mme Legault.
De fait, ce seuil de 39 signatures était bel et bien calculé en fonction des 276 unités d’évaluation du secteur.
À cet égard, l’article 546 de la Loi permet aux Municipalités de se servir du rôle d’évaluation foncière pour la procédure d’enregistrement des personnes habiles à voter.
«La plupart des Villes utilisent leur registre d’évaluation comme base de calcul», fait d’ailleurs valoir la cheffe des Affaires publiques à la Ville, Anne-Marie Braconnier.
C’est la façon dont on procède à Laval depuis une vingtaine d’années, considérant que les listes constituées par le DGEQ nécessiteraient une mise à jour, poursuit-elle.
183 personnes pour la tenue d’un registre
Pendant que l’équipe derrière la Cité du cinéma amassait 178 signatures de citoyens renonçant au scrutin référendaire, des opposants au projet en récoltaient tout autant.
«Notre liste compte finalement 183 noms distincts de gens qui désiraient un registre référendaire», explique Jimmy St-Germain. Dans le porte-à-porte effectué dans les rues visées par le Règlement, les opposants identifiaient tous ceux qui répondaient par l’affirmative à la question «Êtes-vous en faveur de la tenue d’un référendum par Ville de Laval à propos du projet de Cité du Cinéma?»
Bien que l’avis de renonciation soit prévu par la Loi, M. St-Germain questionne le bien-fondé de cet exercice qui prend ici la forme d’une pétition positive.
«Il y a clairement une atteinte à la démocratie dans mon esprit lorsqu’on permet à un promoteur de contrôler le message, qui permet l’annulation d’un exercice démocratique», déplore-t-il.
Les rues du Bonheur, du Voltigeur, de la Clairière, de l’Arc-en-Ciel, Léonise-Valois et Quatre-Vents de même qu’une partie de la rue de l’Harmonie et des Balades étaient visées par le processus d’approbation référendaire.
La Cité du cinéma est un mégaprojet de studios hollywoodiens évalué à 200 M$, dont l’implantation était conditionnelle à une refonte du zonage et des usages autorisés sur les terrains situés au quadrant sud-ouest de l’avenue Marcel-Villeneuve et de la rue de l’Harmonie.
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