Député libéral de Laval-des-Rapides, Saul Polo est sorti publiquement, le 21 mars, pour interpeller le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, relativement à des rejets d’eaux contaminées observés dans le ruisseau La Pinière depuis trois ans.
Le parlementaire joint sa voix à celle du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval et réclame «une intervention rapide» du ministre à qui il demande de se prévaloir de «son pouvoir d’ordonnance» pour faire «respecter la Loi sur la qualité de l’environnement».
«Comment le ministre de l’Environnement, qui est par surcroît ministre responsable de Laval, peut-il demeurer les bras croisés face à ces déversements récurrents dans le ruisseau La Pinière […] C’est totalement inacceptable!» écrit le député Polo dans un communiqué publié par l’aile parlementaire du Parti libéral du Québec.
Les faits
Depuis 2019, la situation a fait l’objet de «plusieurs plaintes» citoyennes auprès de la Direction régionale du contrôle environnemental de Montréal et Laval du Ministère, qui n’a toujours pu identifier à ce jour ni la cause ni la source de la contamination des eaux rejetées.
Selon les documents obtenus l’automne dernier par le CRE via une demande d’accès à l’information, sept inspections ministérielles ont été menées en amont et en aval du ponceau marquant le point de rejet des eaux pluviales de la carrière Demix de même qu’à l’arrivée d’eau #7 située au quadrant sud-ouest de la rue Notre-Dame-De-Fatima et du boulevard Saint-Martin de même que dans le Bois Papineau.
Bien que le Ministère reconnaisse que «toutes les plaintes reçues suivaient un épisode de pluie», les inspections se sont toutes déroulées par temps sec, note le CRE dans la rétrospective qu’il dresse des événements.
«L’arrivée d’eau #7, qui a été installée sans autorisation ministérielle lors de la construction de l’usine de béton bitumineux en 1976, représente un lieu de contamination potentiel identifié par le MELCC [ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques]», peut-on y lire dès les premières lignes.
On apprend également que «la majorité des échantillons d’eau prélevés présentaient des valeurs aux Critères de qualité de l’eau de surface (CQES) excédant les normes pour la qualité de l’eau et la santé de la vie aquatique».
15 octobre 2021
Par exemple, l’inspection effectuée le 15 octobre 2021 révèle en aval du ponceau de Demix une eau «plus opaque et grisâtre qu’en amont».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes: les échantillons prélevés y mesuraient la teneur des matières en suspension (MES) à 138 mg/L, soit une valeur 4 fois supérieure à la concentration de 34 mg/L observée en amont du point de rejet.
Selon toute vraisemblance, la fosse à gravier aménagée en 2020 par l’exploitant de la carrière pour capter un maximum de MES à l’arrivée d’eau #7 n’a pas produit les effets escomptés.
Pour mettre le tout en perspective, selon les normes ministérielles de qualité des milieux aquatiques, la teneur en MES d’un endroit à l’autre d’un ruisseau ne devrait jamais varier de plus de 25 mg/L en eaux turbides.
Dans une correspondance datée du 7 janvier 2022 avec le biologiste du CRE, Alexandre Choquet, la Direction régionale du contrôle environnemental de Montréal et Laval indique ne pas avoir été en mesure de localiser une source de rejet active lors de ses différentes inspections.
«[…] aucun point de rejet n’a été identifié permettant de localiser le responsable de la présence de MES dans le ruisseau, raison pour laquelle cette intervention a été fermée», écrit Fouad Ghafir, chef d’équipe par Interim – Secteur Industriel / Montréal-Laval, tout en précisant que le «dossier demeure ouvert».
Lettre au ministre
Le 24 février dernier, Elodie Morandini et Alexandre Choquet, respectivement coordonnatrice et biologiste du CRE, en appellent au ministre Charette.
«La réponse de la Direction régionale à notre courriel du 24 novembre 2021, qui détaillait nos constats et interrogations, ne nous a pas donné l’assurance que la situation est suffisamment prise au sérieux par votre Ministère», lui écrivent-ils.
Chronologie des faits à l’appui, ils demandent au ministre de l’Environnement de prendre les mesures afin «qu’une enquête exhaustive soit menée pour identifier clairement les sources de contamination du ruisseau La Pinière» et que soient mises en place «les actions appropriées afin de remédier» à la situation, voire qu’il utilise ses «pouvoirs d’ordonnance pour faire respecter la Loi sur la qualité de l’environnement» au besoin.
Trois semaines plus tard, jour pour jour, la Directrice régionale Marilou Tremblay confirmait au CRE de Laval que le Ministère procéderait ce printemps à une série d’inspections ciblées et préventives lors de journées pluvieuses.
«C’est ce qu’on demandait», se réjouit M. Choquet, rappelant que ces rejets de contaminants perdurent depuis trop longtemps.
Important cours d’eau
Le bassin versant du ruisseau La Pinière couvre près de 20 % de la superficie de l’île Jésus, ce qui en fait le plus important ruisseau de Laval.
Il trouve sa source dans le Bois du Souvenir, à Laval-des-Rapides, et se jette dans la rivière des Prairies à l’est de la montée Saint-François, non loin du pont de l’autoroute 25. Les ruisseaux Pariseau, des Terres Noires et Paradis se connectent à ce cours d’eau qui traverse le Bois Papineau.
Outre les fortes concentrations de matières en suspension observées, le ruisseau La Pinière doit également composer avec les déversements des eaux d’égout lors de fortes pluies et de la fonte des neiges au printemps.