Le milieu communautaire dénonce l’effritement des droits des locataires en cette crise du logement qui n’en finit plus de finir.
Le 18 janvier dernier, l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de Laval accueillait dans ses bureaux le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et des représentants de la Table régionale des organismes communautaires autonomes en logement de Laval (TROCALL) à l’occasion d’une sortie publique conjointe.
Ces regroupements reviennent à la charge, réclamant à nouveau du gouvernement Legault un programme durable avec un financement prévisible et exclusivement dédié à la construction de logement social.
Portrait 2021
Ce point de presse s’inscrivait dans le cadre de la tournée entreprise l’automne dernier par le FRAPRU, soucieux d’exposer les données locales et régionales du Dossier noir sur le logement et la pauvreté, tirées du dernier recensement de Statistiques Canada.
Les chiffres dévoilés témoignent d’une réalité qui prévalait en 2021, alors que la situation s’est depuis grandement dégradée, a-t-on pris soin de rappeler en évoquant l’inflation galopante des deux dernières années et les multiples hausses du taux directeur de la Banque du Canada qui ont contribué à exacerber la crise du logement partout au Québec.
Selon le recensement 2021, plus d’un ménage locataire sur quatre (28 %) à Laval consacrait déjà une part démesurée de ses revenus pour son logement.
En clair, quelque 16 000 ménages lavallois y laissaient plus de 30 % de leurs revenus, excédant ainsi le seuil à partir duquel un ménage paie trop cher pour se loger selon la norme reconnue par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
En 2021, le revenu annuel médian de ces locataires se chiffrait à 26 600 $ et le loyer médian à 1000 $, relève Carl Lafrenière, organisateur communautaire au FRAPRU, pour illustrer l’ampleur du phénomène.
Quant aux plus durement touchés, ils étaient près de 5500 à payer plus de 50 % et 1600 ménages à débourser plus de 80 % de leurs revenus pour acquitter les seuls frais du loyer.
Pour en rajouter, ce portrait est encore plus sombre qu’il n’y paraît, précisent les organismes de défense du droit au logement. La raison étant que les données du recensement sont basées sur les revenus de 2020, lesquels étaient «dopés» par les prestations d’urgence ponctuelles mises en place par les gouvernements pour soutenir les revenus des ménages durant la pandémie.
À l’échelle de la province, toujours selon le recensement 2021, les personnes seules qui représentent 52 % des ménages locataires sont les plus vulnérables tout comme les femmes, les jeunes de 15 à 24 ans et les personnes âgées de 65 ans et plus.
Crise amplifiée
Depuis le dernier recensement, la situation des ménages locataires à faible et modeste revenus n’a fait que se détériorer.
« À Laval, le taux d’inoccupation des loyers de moins de 725 $ par mois et de prix intermédiaire de 725 à 925 $ était de 0,5 % en 2022», indique Chantal Dubé, conseillère à l’ACEF. C’est six fois sous le seuil d’équilibre fixé à 3 % reconnu par la SCHL.
À cette pénurie de logements abordables s’ajoute une augmentation des reprises de logement frôlant les 30 % au Québec, selon le rapport 2021-2022 du Tribunal administratif du logement (TAL).
Incidemment, l’ACEF de Laval a observé une hausse de 400 % des appels de locataires en détresse, victimes de reprise de logement, d’éviction ou de hausses abusives de loyer.
Quant aux logements disponibles à la location, les prix ont explosé en l’espace de deux ans.
Carl Lafrenière en veut pour preuve le loyer médian qui, à Laval, s’élevait à 1650 $ par mois en 2022, soit une hausse de plus de 300 $ par rapport à 2020.
À la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ), Louise Constantin parle d’une «tempête parfaite» qui vient gonfler les rangs de l’itinérance.
«Plusieurs anciens locataires évincés se présentent aux ressources en hébergement», constate pour sa part Mathieu Frappier, coordonnateur du Refuge de Laval en itinérance.
«On est plein à tous les soirs», ajoute-t-il en parlant de ce centre d’hébergement d’urgence mixte de 45 places qui se trouve à proximité du pont Lachapelle, dans Chomedey.
À cet égard, on observe une augmentation du nombre de nouveaux visages fréquentant cette ultime ressource. «Deux dames de 74 ans qui se sont retrouvées au Refuge nous ont appelés, témoigne la directrice de l’ACEF, Micheline Côté. Ce n’est vraiment pas leur place».
Du côté de la Fédération des OSBL d’habitation des 3L – Laval, Laurentides, Lanaudière (FOH3L), sa p.-d.-g. Jessie Poulette déplore l’effritement du droit au maintien dans les lieux. «La crise s’empire, les droits des locataires ne sont pas respectés et on attend de la ministre [France-Élaine Duranceau] un plan d’action en habitation qui ne cesse d’être reporté. Ce qu’on veut, ce sont des mesures structurantes et pérennes en logements hors marché privé; c’est la seule solution pour revenir à l’équilibre dans la relation locateur-locataire».
«Après six ans de mandat [du gouvernement Legault], je pense qu’on n’est pas trop impatients», termine-t-elle. (Autre texte à venir)