La crise sanitaire des dernières années a accéléré un phénomène qu’avait déjà commencé à observer les intervenants lavallois en matière d’itinérance sur le terrain, soit un portrait de plus en plus diversifié des gens se retrouvant sans rien dans la rue.
Le visage de l’itinérance prend désormais plusieurs formes selon les différents organismes consultés.
Si auparavant il était surtout question de gens dits marginaux, aujourd’hui les organismes à but non lucratif (OBNL) voient passer dans leurs établissements une diversité de personnes vivant dans l’itinérance.
Portrait d’aujourd’hui
«À Laval, avant, on parlait surtout d’itinérance cachée. Maintenant, tous les organismes, que ce soit la police ou notre propre organisme le Refuge d’urgence, remarquent un changement du visage de l’itinérance», de corroborer Mathieu Frappier, coordonnateur du Réseau d’itinérance de Laval.
La situation est telle depuis quelques années que Statistiques Canada parle justement de ce phénomène d’itinérance cachée dans ses études.
Cette dernière expression est utilisée par l’agence fédérale pour désigner les personnes vivant chez un ami puis un autre, ou encore, d’un hôtel à un autre, sur une période donnée.
Ce phénomène est aussi connu comme le couch surfing [NDLR: qui pourrait se traduire par: d’un divan à l’autre].
Effritement social
Les deux dernières années, qui ont été marquées par la pandémie et maintenant par une dure inflation, ont exacerbé l’itinérance et étendu cette dernière à de nombreuses strates de la société.
«Avec les deux dernières années qui ont apporté la pandémie, la crise du logement, ou encore, l’inflation, on voit des gens qui sortent du portrait typique que la population se fait de l’itinérance, d’observer Mathieu Frappier. On voit des personnes, par exemple, arriver au refuge avec leur véhicule. Souvent, ils vont prendre tous les biens qui leur restent, remplir leur voiture et partir comme ça. On a même des personnes qui n’ont jamais cessé de travailler.»
La situation s’est aggravée à un tel point que des personnes plus âgées ont commencé à faire leur apparition au Refuge d’urgence ces dernières années, l’un des organismes soutenus par le Réseau d’itinérance de Laval.
«On a aussi commencé à voir des femmes plus âgées, poursuit Mathieu Frappier. Des femmes dans la soixantaine qui ne sont pas affligées par les problèmes sociaux plus typiques, disons, et qui se retrouvent en situation d’itinérance. Des femmes qui n’ont pas trouvé de logement pour le premier juillet et qui, malheureusement, se sont retrouvées à la rue.»
Pour le seul mois de juin dernier, le Refuge d’urgence de Laval a accueilli plus de 400 sans-abri et environ 14 000 Québécois auraient eu à faire face à l’itinérance l’année dernière.
Portrait plus global
Les études concernant l’itinérance menées par Statistiques Canada remontent à 2014. Elles permettent, entre autres, de cerner les enjeux globaux de la situation.
Par exemple, 8% des Canadiens âgés de plus de 15 ans, auraient vécu une période d’itinérance cachée au cours de leur vie.
De ce nombre, 55% ont fait du couch surfing pendant moins d’un mois et 27% pendant plus d’un mois.
Toujours selon la même étude, les Canadiens étant aux prises avec une incapacité physique ou cognitive, ont quatre fois plus de chance de vivre une période d’itinérance au cours de leur vie.
Il est question de 26% de chance pour une personne affligée des troubles susmentionnés versus 6% pour une personne sans ces incapacités.
L’Organisation canadienne sur l’itinérance (OCI) affirme que durant l’année 2014, 235 000 Canadiens ont vécu une situation d’itinérance, et ce, sous une forme ou une autre – itinérance cachée ou «conventionnelle».
Toujours selon ce qu’a pu observer l’OCI, les principaux facteurs susceptibles de mener à une situation d’itinérance, en 2014, étaient les causes typiques tels toxicomanie, problèmes de santé mentale et victimisation à la suite d’abus de toute forme, que ce soit des agressions sexuelles ou de l’intimidation.