Le vendredi 16 février, la salle André-Mathieu vibrera aux sons du procès aussi épouvantable qu’absurde inspiré par la véritable histoire derrière la légende de La Corriveau.
Pour créer leur premier théâtre musical original à 100%, l’équipe tissée-serrée du théâtre, situé à Pointe-aux-Trembles, a été inspiré par l’actualité lors de la pandémie de la COVID-19.
«On voyait les chiffres de violence conjugale augmentés, les féminicides s’accumuler, se souvient Jade Bruneau, directrice générale, artistique et fondatrice du Théâtre de l’œil ouvert. On avait envie de parler de ça, mais on ne savait pas comment. C’est tellement un sujet dense, lourd et délicat… Ça prenait un angle particulier et c’est là que Geneviève Beaudet [co-autrice du spectacle] a eu l’idée d’aborder la légende de La Corriveau en disant «Hey, cette femme-là, elle est devenue une légende, une sorcière, mais c’est de la violence conjugale qu’elle vivait, dans le fond».»
Deux ans plus tard est née la plus populaire production originale de la troupe, qui franchira bientôt le cap des 60 représentations.
Légende versus réalité
Marie-Josephte Corriveau, dite La Corriveau, est l’une des figures mythiques du folklore québécois. Pourtant, peu de gens connaissent l’authentique histoire de cette femme ayant vécu au 16e siècle.
«Quand on se met à gratter, on réalise à quel point cette femme-là a été, au fond, un fait divers pour faire peur au peuple québécois, parce que les Britanniques arrivaient chez nous, explique Jade Bruneau,. Ils veulent imposer l’ordre au petit peuple, donc, on va leur faire peur avec cette sentence-là, qui n’était plus utilisée depuis des centaines d’années. C’était presque médiéval.»
Ici, celle qui interprète le personnage principal fait référence à la sentence atroce imposée à La Corriveau pour avoir été reconnue couple d’avoir tué son mari, un homme violent auquel elle a été forcée de se marier afin de respecter les mœurs de l’époque.
La jeune femme a effectivement été fouettée, pendue, puis sa dépouille a été mise en cage au cœur de la ville, à la merci des corbeaux.
Le spectacle explore notamment les raisons potentielles qu’avait le père de La Corriveau de dénoncer sa fille par la mise en scène de leurs deux procès successifs, tout en soulignant les aspects rocambolesques des événements ainsi que les enjeux d’égalité de genres.
Mise en scène
Les choix créatifs derrière La Corriveau – La soif des corbeaux oscillent entre l’historique et la modernité, tant au niveau des textes, des sonorités que des costumes.
La musique y occupe une place primordiale. Un trio de musiciens joue tout au long du spectacle, directement sur scène.
«C’est comme si la musique devenait le 9e personnage de la pièce dans le cas de La Corriveau, témoigne la metteure en scène. C’est très, très présent. Ça nous donne des clés, des indices.»
Un album est d’ailleurs disponible sur toutes les plateformes de diffusion.
Malgré les thèmes sombres explorés par la troupe, beaucoup de lumière et d’espoir se dégage finalement du spectacle. Les textes présentent beaucoup d’humour, étant donné l’absurdité du procès de La Corriveau.
Le choix de personnifier les jurés par un chœur de corbeaux constitue en lui-même un défi, mais illustre l’adresse des comédiens bougeant tous à l’unisson de façon ludique.
«[Les spectateurs] reviennent à la maison en ayant le désir de prendre soin de toutes celles qui les entourent, remarque Jade Bruneau, interprète de La Corriveau. Ça, c’est bien l’objectif premier du spectacle, je pense. C’est vraiment dans un désir de bienveillance, de douceur de prendre soin… et de semer de l’espoir. […] Même s’il y a des enjeux difficiles dans notre société, il y a quand même de l’espoir. Tout le monde ensemble, on peut améliorer les choses, et ce, sur plusieurs sujets. Là, celui qu’on aborde, c’est la place des femmes, la violence conjugale et le consentement.»
Des projections vidéo animent aussi la scène sur un grand voile, proposant une lecture alternative aux visages des personnages s’ils vivaient à notre époque.
La pièce de théâtre a une durée de 2h15 sans entracte dont la moitié est occupée par des performances musicales et l’autre par du texte.
La Corriveau – La soif des corbeaux aura lieu le vendredi 16 février à la salle André-Mathieu (475, boulevard de l’Avenir), à 19h30. Information: https://www.co-motion.ca/