Plusieurs oncologues se sentent dépourvus devant ces refus de Québec et ne savent pas comment justifier cette décision auprès des patients. Cette situation serait de plus en plus courante, surtout pour les cancers touchant les femmes.
«Des gens à Ottawa peuvent avoir accès à un médicament, par exemple, mais pas à Montréal, indique-t-il. Généralement, il finit par être approuvé, mais après un très grand délai. Certains peuvent prendre deux ans et demi.»
Séparé du Canada
Au Québec, c’est l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) qui accepte ou refuse qu’un médicament soit couvert par le régime public. D’ailleurs, Dr Bestavrios fait parfois partie des experts appelés par l’INESS pour parler des bienfaits d’un médicament.
L’Institut étudie son efficacité. S’il est jugé inefficace, tout s’arrête, sans calculer le coût social. «Les critères ne sont pas si publics que cela et il y a du politique là-dedans», témoigne l’hémato-oncologue.
«On a trouvé un bon médicament contre une forme de cancer du sein, le HER2, qui fonctionne très bien et augmente la survie des personnes qui le prend, laisse savoir le médecin. L’INESS l’a refusé sur la base pharmaco-économique, alors que l’efficacité était démontrée. On l’a refusé deux fois en 2013 et 2014. Ce n’est qu’en septembre 2015 qu’on l’a approuvé, alors que le reste du Canada y avait accès. Il y a des groupes de patients bien organisés qui se sont mobilisés pour dénoncer ce problème-là.»
Comment explique-t-on cette situation?
Dans le reste du Canada, toutes les provinces sont liées par le Programme commun d’évaluation des médicaments de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Un comité évalue l’efficacité d’un médicament et le coût, et fait un rapport pharmaco-économique afin d’évaluer les bénéfices sociaux d’un médicament.
Il agit également à titre de négociateur pour faire diminuer les prix auprès des pharmaceutiques. Seul le Québec en est exclu.
Les médicaments étant de plus en plus dispendieux et les budgets plus difficiles à gérer, les provinces, et surtout le Québec, ont commencé à ralentir ce processus pour essayer d’économiser ici et là, en refusant d’ajouter des médicaments à la Liste des médicaments de la RAMQ, soutient le spécialiste.
«Les plus riches vont pouvoir payer eux-mêmes, alors que ceux étant dans le réseau public ne pourront pas se le permettre, s’insurge-t-il. L’INESS fait un bon travail, mais le seul problème, c’est que cela conduit à des décisions divergentes dans le même pays, ce qui crée un malaise. Si un médicament était refusé partout au Canada parce qu’il est trop cher ou jugé non efficace, ce serait beaucoup plus acceptable pour les médecins et les patients.»
25 200 femmes par année
Au Québec, plus de 25 200 femmes seront diagnostiquées du cancer. En plus d’être atteintes par les autres cancers, qui touchent autant les hommes que les femmes, ces dernières sont aussi traitées pour certains types de cancer dits «féminins».
En 2015, plusieurs nouveaux cas, soit le cancer du col de l’utérus (290) et du corps de l’utérus (1450), le cancer de l’ovaire (700) ainsi que le cancer des organes génitaux et surtout du sein (6 100) ont été diagnostiqués. On prévoit également qu’il y a aura une augmentation de 35 % de nouveaux cas de cancer d’ici 2035. (Source: Association féminine d’éducation et d’action sociale)
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