Revirement de situation entourant le dernier grand milieu naturel de Fabreville situé au croisement des autoroutes 13 et 440.
Avec la collaboration financière du gouvernement du Québec, la Ville de Laval en est arrivée à une entente avec le promoteur Montoni, permettant de protéger les deux tiers du milieu naturel du ruisseau Barbe dont la superficie fait 33 hectares.
«On n’a jamais baissé les bras, a déclaré le maire Stéphane Boyer par voie de communiqué le 12 décembre.
La Ville négociait depuis des mois avec les parties impliquées afin de sauvegarder ce grand milieu humide d’intérêt. «On a fait preuve d’ingéniosité pour protéger cet îlot de fraîcheur et de biodiversité au cœur d’un secteur très fortement urbanisé et minéralisé», ajoute le maire.
Fruits de l’entente
Concrètement, la Ville acquiert au coût de 6,5 M$ une portion de 3,5 hectares jouxtant le secteur résidentiel au quadrant nord-est du terrain. Cette transaction, que les élus municipaux seront appelés à ratifier ce jeudi 15 décembre, met fin au prolongement des rues Jasmine et Janvier ainsi qu’à la construction d’une quarantaine de maisons unifamiliales qui y étaient projetées.
Par ailleurs, Groupe Montoni cède à la Municipalité deux grands terrains privés couvrant 12,3 hectares, soit environ 38 % des milieux naturels au cœur du secteur, dont la majeure partie se trouve en milieu humide.
Enfin, la Ville décrète l’imposition d’un avis de réserve sur 7 autres lots totalisant 9,7 hectares en vertu de la Loi sur l’expropriation. D’une durée de deux ans, cette réserve renouvelable pour deux autres années devrait normalement permettra à la Ville d’en faire l’acquisition aux fins de conservation.
Faut-il rappeler que ce secteur figurait depuis 2020 au Règlement de contrôle intérimaire (RCI) protégeant de toute construction plus d’un millier d’hectares de milieux humides de grande valeur à Laval et qu’il est clairement identifié au Plan régional des milieux humides et hydriques adopté plutôt cette année.
Les projets industriels demeurent
Considérant qu’en 2018, une demande de développement avait été déposée au ministère de l’Environnement et de la lutte aux Changements climatiques, la Ville disposait de peu de leviers réglementaires pour protéger la totalité du site, rappelle-t-elle.
Incidemment, deux terrains en bordure de l’autoroute 13 seront développés.
Ceux-ci accueilleront deux projets industriels que contestaient notamment le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval et le Comité pour la protection du boisé du ruisseau Barbe.
En clair, ce développement industriel nécessitera notamment le remblaiement de 5,5 hectares de milieux humides, soit une superficie équivalant à 4 terrains de soccer, tel que l’avait autorisé en juillet 2021 le Ministère en retour d’une compensation financière de 4 M$.
Quant au titulaire de ce Ministère, Benoit Charrette, il a tenu à saluer l’initiative de la Ville de Laval dans la présente entente. «L’importance de la protection de notre territoire est primordiale pour notre gouvernement. D’ailleurs lors de l’ouverture de la 15e Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique [le 6 décembre à Montréal], le premier ministre a annoncé une somme de 650 M$ afin, entres autres, d’assurer la conservation des milieux naturels.»
Autres réactions
Ministre délégué à l’Économie, le député de Sainte-Rose, Christopher Skeete, a pour sa part indiqué que «la protection du secteur du ruisseau Barbe est l’une de [ses] priorités à titre de ministre responsable de la région de Laval».
«Notre gouvernement s’est engagé à ce que tous les citoyens soient entendus et ce dénouement démontre les grandes choses que nous pouvons réaliser en collaboration avec les Municipalités», a-t-il ajouté.
Du côté du CRE, la directrice générale, Elodie Morandini, s’est évidemment réjouie de la tournure des événements.
«Ce dénouement souligne l’ouverture de la Ville de Laval aux alertes et revendications des organismes locaux et des citoyens, écrit-elle. En pleine COP15, il est rassurant de voir que la Ville a la volonté de poser des actions concrètes pour la protection de la biodiversité. Nous ne pouvons que l’encourager à continuer dans ce sens.»
Écosystème d’exception
Ces derniers mois, le biologiste à l’emploi du CRE, Alexandre Choquet, avait défendu ardemment les vertus de cet écosystème qualifié d’exceptionnel.
«La forêt du ruisseau Barbe […] abrite un écosystème forestier d’une qualité telle qu’on n’en voit presque plus à Laval, ce qui lui confère une haute valeur écologique, peut-on d’ailleurs lire sur le site du Conseil régional d’environnement. On y trouve, entre autres, une grande érablière à sucre ponctuée de vieux hêtres, de chênes et de tilleuls, en plus d’une abondance d’autres végétaux typiques des très vieilles forêts, dont l’érable argenté et le noyer cendré, lequel est identifié comme une espèce à statut précaire. L’une des seules prucheraies du territoire lavallois domine le point le plus haut, alors que les dépressions plus humides sont principalement occupées par des érables rouges et des bouleaux jaunes».
Traversé d’est en ouest par le ruisseau Barbe, qui va se jeter dans la rivière des Mille-Îles quatre kilomètres plus loin, ce milieu naturel abrite également un des plus vastes marécages de l’île Jésus.
Au sujet de ce cours d’eau, M. Choquet soulignait l’été dernier qu’il s’agit du seul tronçon du ruisseau à ne pas être canalisé. «Le seul endroit où le ruisseau peu déborder dans un grand marécage au lieu d’obstruer nos canalisations qui mènent à la station [d’épuration] de Fabreville», faisait valoir l’environnementaliste.
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