L’usage de médicaments pour faire diminuer le cholestérol, le glucose sanguin ou la pression artérielle pourrait être une barrière à l’amélioration de l’alimentation.
C’est ce que suggèrent trois études que vient de publier une équipe de recherche dirigée par le professeur à la faculté de pharmacie de l’Université Laval, Jean-Philippe Drouin-Chartier, dans le Canadian Journal of Cardiology Open.
CARTaGENEPour réaliser ces trois études, le professeur Drouin-Chartier et ses collaborateurs ont eu recours à la base de données CARTaGENE.
Mise sur pied en 2009, cette plateforme de recherche publique contient des informations sur plus de 43 000 adultes du Québec qui ont accepté de fournir périodiquement des informations sur leur santé et leur alimentation.
En utilisant CARTaGENE, l’équipe de recherche a sélectionné des personnes qui avaient des taux élevés de cholestérol ou de glucose sanguin ou qui avaient une pression artérielle élevée.
Une partie de ces personnes ne prenait pas de médicament pour traiter leur problème alors que d’autres en prenaient un ou plusieurs.
Les chercheurs ont ensuite comparé la qualité de l’alimentation dans chaque groupe.
Le professeur Drouin-Chartier, également chercheur au Centre nutrition, santé et société et à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval, constate le même résultat dans les trois études.
Les personnes qui utilisent des médicaments ont une alimentation de plus faible qualité que les personnes qui n’en prennent pas.
Dans certains groupes, particulièrement chez les personnes plus jeunes, la qualité de l’alimentation est inversement associée à l’usage des médicaments ou à l’intensité de la médication. Plus elles prennent de médicaments, moins leur alimentation est saine.
Problème de société
Selon le professeur, qu’il est tentant d’interpréter ces constats comme une indication que les personnes qui ont ces problèmes de santé jugent plus simple et plus facile de prendre des médicaments que de changer leur alimentation.
Il pense toutefois qu’au-delà de la responsabilité individuelle, des facteurs qui relèvent du système de santé et de choix de société contribuent à expliquer les résultats.
Les lignes directrices pour la prise en charge des personnes ayant ce genre de problèmes suggèrent d’abord, une modification des habitudes de vie. Lorsque les résultats ne sont pas satisfaisants, la médication est alors recommandée. Les résultats des études indiquent qu’il y a un manque important de complémentarité entre la qualité de l’alimentation, l’usage des médicaments et l’intensité de leur utilisation.
Le professeur Drouin-Chartier reconnaît qu’une partie du problème pourrait être attribuable au fait que les personnes qui prennent des médicaments pour traiter leur condition de santé peuvent se sentir protégées et croire qu’elles peuvent manger tout ce qu’elles veulent. Toutefois, selon lui, certaines causes ne relèvent pas des individus.
Pour lui, il est fort probable que la perception d’efficacité supérieure des médicaments par rapport à l’alimentation soit répandue chez les professionnels de la santé. Par ailleurs, dans le réseau public, il est beaucoup plus facile d’obtenir une prescription de médicaments que d’avoir accès aux conseils de nutritionnistes-diététistes. Investir davantage d’argent dans le traitement de la maladie qu’en prévention, est un choix de société.
Au vu de cette étude, le chercheur pense qu’il faut sensibiliser davantage les personnes aux prises avec des problèmes de santé à l’importance de modifier leurs habitudes de vie. Les médicaments agissent souvent sur un élément particulier, le cholestérol par exemple, alors que l’alimentation agit sur toutes les composantes de la santé. Il faudrait aussi miser davantage sur la collaboration entre les médecins, les nutritionnistes-diététistes et les pharmaciens. Il pense qu’il faudrait plus d’argent mis en prévention.
(M.D./IJL)