Depuis plusieurs années, on entend les experts lever le drapeau pour alerter dirigeants et population sur la crise de la main-d’œuvre qui se profile. Voilà! La société y est maintenant confrontée comme un réveil brutal, espérant que ce ne soit qu’un mauvais moment. Rien de moins sûr si rien ne change. De surcroît, une corrélation semble se profiler entre la surcharge de travail, conséquence de cette crise, et l’augmentation des accidents de travail.
Avant la pandémie, cette crise sonnait comme une rumeur plus qu’un état de fait. Quelques entrepreneurs ici et là sortaient pour décrier leur situation, mais le tout restait bien abstrait. Sans un réel support tangible qui puisse fouetter l’opinion publique sur la question. Seulement, cette réalité est maintenant très concrète. Entre locaux vides et fermetures, un autre dessein se profile à l’horizon. La surcharge des travailleurs est manifeste.
Si autrefois être multitâches dorait un curriculum vitae, aujourd’hui c’est avec parcimonie que chacun s’avance investi d’une telle qualité. Il est dorénavant pris pour acquis qu’un poste vient avec plus d’une fonction, ce qui va de soi, mais la situation perdure. Elle n’est guère temporaire et ses conséquences tirent vers le haut le nombre de lésions corporelles qui se font au travail.
L’état des choses
Si d’un premier regard il semble ressortir une baisse des accidents professionnels entre 2019 et 2020, ce recul ne serait dû qu’au phénomène de travail à domicile en ascension. En se penchant avec attention sur les chiffres fournis par la CNESST, dès 2020, il ressort une augmentation des blessures causées par un heurt d’objet et les travailleurs. Les blessures attribuées à une telle collision passent de 290, en 2020, pour atteindre 494, en 2021. On en compte ainsi presque le double en un an.
Invité à commenter la situation, M. Antoine Leclerc-Loiselle, conseiller en relations publiques pour la CNESST, a répondu aux questionnements du journal:
«L’évolution du marché du travail et les besoins grandissants de main-d’œuvre se répercutent sur les risques en matière de santé et de sécurité du travail. Malgré les efforts en prévention déployés par les différents acteurs du marché du travail et de la CNESST, on observe depuis 2017 une augmentation du nombre de lésions professionnelles.»
Autre fait qui corrobore ces appréhensions, le nombre d’accidents causé par une inattention due à ces surcharges de travail. Les blessures causées par un employé coincé ou écrasé, par exemple, par de l’équipement professionnel, sont passées de 135 à 175 entre 2019 et 2021. M. Leclerc-Loiselle explique au journal les raisons probables de telles blessures d’inattention :
«Avec un taux de chômage exceptionnellement bas, des postes vacants multiples, le vieillissement de la population active et une économie qui fonctionne à plein régime, le marché du travail se retrouve soumis à de fortes tensions. Il y a ainsi de plus en plus de travailleuses et travailleurs en situation de nouvel emploi, plus ou moins expérimentés, en mouvement d’un secteur à un autre.»
Pour l’instant, les statistiques prévoient que la situation perdure jusqu’en 2030, ou la société aura un répit en la matière, mais de courte durée pour refaire pression sur les travailleurs dès la décennie suivante.