Althea Seaman, Dominiquaise d’origine et Lavalloise pendant plus de 35 ans, était entrepreneure, bénévole, mère, femme ainsi qu’une activiste réputée pour sa vivacité et son engagement, pionnière des festivités du Mois de l’histoire des Noirs sur l’île Jésus.
Althea Seaman est à l’origine de deux organismes à but non lucratif: Dominica Island Cultural Association, qu’elle a cofondé, et Ville Laval Black Community Association.
En fondant cette dernière dans les années 1980, elle créa la première association noire de la municipalité.
Elle mentionne à cette époque, dans une lettre, son enthousiasme face à cette nouvelle organisation.
«J’ai été très excitée au sujet de l’idée parce que je respecte l’unité et puisqu’un bon nombre de francophones habitent maintenant dans Chomedey, comme dans l’est de Laval; j’ai pensé qu’une association bilingue serait appropriée. […] Mes intentions ont aussi été axées sur les interrelations qui sont extrêmement nécessaires dans la société pour que nous puissions vivre paisiblement ensemble avec la compréhension fondamentale nécessaire pour se tolérer pendant notre courte existence.»
L’association présidée par Althea Seaman organisa notamment un populaire déjeuner annuel en l’honneur du Mois de l’histoire des Noirs ainsi qu’une panoplie d’autres activités pendant presque 30 ans.
D’ailleurs, la Table ronde du Mois de l’histoire des Noirs a honoré la Lavalloise en février 2012 pour l’ensemble de son œuvre.
Rappelons que cette célébration est devenue officielle au Québec en 2006, puis à Laval en 2019.
«Elle était résolue à briguer les deux solitudes noires en faisant participer anglophones et francophones, peintres et écrivains, témoigne Alix Rey, président de l’organisme Artistes de Réminiscences, fortement ancrée dans la diaspora haïtienne. Elle avait une vision d’une communauté noire auto suffisante. J’ai collaboré avec elle jusqu’à son décès.»
La maman de trois enfants était également impliquée dans de nombreuses autres organisations telles Chomedey Seniors Club, SCAMA, Agape, Council for Black Aging Community of Montreal, Branch 251 of the Royal Canadian Legion et la Place des aînés de Laval.
«Sa véritable passion était le développement communautaire, se souvient sa fille Heather Seaman. Elle adorait rassembler les gens. Nous avions toujours des réceptions à la maison où elle invitait voisins et amis. Blanc, noir, anglophone, francophone… tout ça n’avait pas d’importance pour elle.»
Origines
Née en Dominique, île nichée dans les Caraïbes, Althea Seaman était enseignante au primaire lorsqu’elle a pris la décision d’explorer de nouveaux horizons.
Elle s’est enrôlée dans le programme d’immigration West Indian Domestic Scheme et est atterrie à Montréal en 1959.
Cette initiative avait pour objectif d’accroître la main d’œuvre domestique après la deuxième guerre mondiale.
«Plusieurs de ces femmes, comme ma mère, étaient éduquées, continue Heather. C’étaient des infirmières, enseignantes, travailleuses… Un préjugé existe parce qu’elles sont arrivées par le West Indian Domestic Scheme, mais non. Les femmes qui sont arrivées de cette façon avaient des emplois. Elles sont allées à l’école: elles étaient intelligentes.»
Ce sont quelques milliers de femmes qui, comme Mme Seaman, ont rejoint le Canada par ce programme dans les années 60. Jean Augustine, première femme noire à être élue à la Chambre des communes du Canada, a notamment été l’une des leurs.
Grâce à cette opportunité ainsi qu’à sa persévérance, Althea Seaman a été l’une des premières femmes canadiennes d’origine caribéenne a acheté un terrain à Longueuil en 1966 alors qu’elle n’avait que 28 ans.
Vie professionnelle
Cette grande Lavalloise a travaillé un an auprès d’une famille montréalaise tout en suivant des cours en soirée à l’école Sir George Williams University, devenue l’Université Concordia en 1974.
C’est de cette façon qu’elle a obtenu deux baccalauréats, tous deux dans la faculté des arts. Le premier comprenait une majeure en anglais (1986), tandis que le suivant était centré sur les études françaises (2001).
La bachelière a travaillé pendant 25 ans dans le domaine des télécommunications. Au cours de sa carrière, elle a également touché les secteurs de la vente, des assurances et finances.
Au niveau créatif, Mme Seaman possédait également un certificat en coiffure ainsi que des capacités impressionnantes en couture.
«Elle créait des vêtements pour elle et pour ses deux filles quand elles étaient enfants, exprime Heather. Elle a même conçu ma robe de graduation. C’est dire à quel point elle était talentueuse.»
Vie familiale
La famille Seaman a été l’une des premières familles noires à s’installer à Laval dans les années 70. Elle demeurait à Chomedey, sur la 100e Avenue.
Lorsqu’interrogée sur le potentiel racisme vécu par sa famille, Heather admet «que ce type d’incidents était définitivement un problème, mais que ses parents ne souhaitaient pas que leur enfance soit affectée et que leur mère ne tolérait pas cette absurdité.»
«Ma mère était très ouverte d’esprit. Elle nous a éduqué afin que l’on soit ouverts d’esprit, nous aussi.»
– Heather Seaman, fille cadette d’Althea Seaman.
Des événements communautaires tels des défilés de mode aux multiples activités parascolaires de la progéniture, la famille restait très active et présente au sein de la municipalité.
«Parce que ma mère fut élevée dans une éminente famille en Dominique, elle avait la mentalité que nous avons tous le droit aux mêmes opportunités, explique la cadette. Elle nous a élevé pour que l’on découvre les gens, qu’on ne pose pas de jugements.»
Récompenses
Althea Seaman a mérité la médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en 2012 afin de reconnaître sa contribution significative au Canada. L’Assemblée nationale du Québec l’a aussi honoré pour son implication cette même année.
À son tour, la Ville de Laval honorera Althea Seaman à titre posthume, 10 ans après son décès, lors d’une cérémonie de signature du livre d’or le vendredi 24 février à la salle du conseil municipal afin de souligner son implication communautaire.