Dernière mise à jour: 6 avril, 20h25
Craignant pour leur santé, des employés du Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) de Sainte-Dorothée affirment que 8 résidents sont morts de la COVID-19 et que 123 autres personnes y auraient contracté le nouveau coronavirus.
C’est 18 de plus que les 105 cas confirmés ce lundi après-midi (6 avril) dans le bilan que dresse quotidiennement le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval.
Selon nos informations, 107 résidents de ce centre d’hébergement et 16 membres du personnel médical, dont 5 infirmières, 4 préposés aux bénéficiaires et 1 médecin, auraient testé positif à ce jour.
Inquiets, ces travailleurs de la santé déplorent une mauvaise gestion du matériel de protection depuis de nombreuses semaines. De même qu’ils considèrent que les mesures prises pour protéger le personnel ne sont pas suffisantes alors que les cas explosent.
Les employés qui travaillent au 350, boulevard Samson, se plaignent d’une situation qu’ils jugent «dangereuse et inacceptable» et qui se vit dans le centre depuis le début de la pandémie.
Employés demandent d’être testés
«Il y a au moins une centaine de cas confirmés et, pourtant, le personnel se promène encore d’un étage à l’autre, explique l’un des travailleurs qui désire garder l’anonymat. On ne comprend pas pourquoi les employés ne sont pas tous testés.»
Selon des informations obtenues par le Courrier Laval, les 285 résidents du CHSLD Saint-Dorothée ont passé un test de dépistage le vendredi 3 avril. Or, le personnel veut également être testé.
«Seulement les employés avec des symptômes sont testés, mais en ce moment, il y a des infirmières, préposés, du personnel de cuisine et même des médecins qui ont reçu des tests positifs, continue l’une de nos sources. Pourtant, ils ont été en contact avec d’autres collègues!»
Quatre nouveaux décès
«Quatre autres résidents sont morts en fin semaine, doublant le nombre de victimes dans l’établissement, ajoute un des employés interviewés. Les patients qui sont vraiment malades ne sont plus transférés à l’hôpital.»
Le lundi 6 avril, la majorité des résidents des deuxième et troisième étages du CHSLD Sainte-Dorothée ont reçu des résultats positifs de leur test.
Selon l’un des employés, le premier cas confirmé est survenu au premier étage, où résident notamment des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Le mercredi 1er avril, 15 personnes sur 24 étaient atteintes par la COVID-19 sur cet étage.
La semaine dernière, la plupart des cas confirmés liés à la COVID-19 se seraient retrouvés au second étage. Les semaines précédentes, on y avait reçu plusieurs transferts de patients provenant d’hôpitaux ou d’autres centres d’hébergement.
«Une résidente très malade est partie à l’hôpital, dans la soirée du vendredi 27 mars, poursuit l’un des employés du CHSLD Saint-Dorothée. On a appris qu’elle a été réanimée dans l’ambulance et qu’elle est finalement décédée à l’hôpital le lendemain.»
Sans masque au début
Rappelons que les employés du CHSLD de Sainte-Dorothée se sont vus obliger de rentrer travailler sans masque jusqu’au 29 mars alors qu’il y avait déjà 11 personnes infectées et 1 décès en lien avec la COVID-19.
«Les infirmières et préposés de jour n’ont jamais porté de masque et maintenant tout le monde est malade», affirment au moins deux travailleurs.
La situation a été seulement corrigée le lundi 30 mars. Depuis, les directives du CHSLD donnent accès à deux masques par quart de travail pour chaque infirmière et préposé aux bénéficiaires.
«On suit toutes les directives de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour protéger les travailleurs de la santé à Laval, explique Dr Olivier Haeck, responsable de la prévention et du contrôle des infections au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval. On a envoyé plus de masques au CHSLD Saint-Dorothée pour nous assurer que le personnel les utilise en tout temps. La direction du Centre nous assure que les mesures de sécurité ont été respectées.»
Manque de matériel
Les travailleurs ont peur: «La plupart utilise des masques de plongée sous-marine comme protection oculaire et d’autres ont payé de leur poche des visières pour se protéger», raconte l’un d’eux.
D’autres affirment que tout le monde porte des gants et jaquettes jaunes depuis le début de la crise. Par contre, «les problèmes sont survenus parce que des infirmières et préposés ont travaillé plusieurs semaines sans masque, tout en restant très proches des patients.»
«Il y a des personnes qui ne savent pas que les masques N95 sont exclusifs pour certaines procédures faites dans les hôpitaux, affirme Dr Haeck. Pour les masques utilisés dans les CHSLD, on en a des milliers disponibles au CISSS de Laval.»
«Pour ce qui est de la protection oculaire, le CISSS a engagé une équipe de soutien qui fabrique des visières pour les employés de la santé à Laval, commente Julie Lamarche, directrice des ressources humaines au CISSS. On espère pouvoir fournir de la protection oculaire au plus vite.»
Dr Olivier Haeck ajoute que pour ce qui est des lunettes sous-marines, ni lui ni ses collègues n’a vu un employé utiliser ce genre de protection.
Isolement obligatoire?
Des travailleurs du CHSLD Sainte-Dorothée se sont aussi plaints des consignes données par leurs supérieurs concernant l’isolement obligatoire. Certains d’entre eux, qui ont travaillé sans masque et qui ont été en contact avec des patients testés positifs, n’ont pas été renvoyés à la maison.
«Ç’a été très mélangeant pour les travailleurs parce qu’en premier lieu, les directives du Centre étaient de renvoyer à la maison toutes les personnes ayant été en contact avec des cas confirmés, ajoute un employé. La journée suivante, ils nous ont dit qu’on devait rentrer travailler pareil.»
Le CISSS affirme que toutes les mesures et normes données par le ministère de la Santé et l’INSPQ ont été appliquées pour protéger et soutenir le personnel.
«Tous les employés qui ont des tests positifs ou qui ont des symptômes sont mis en quarantaine, déclare Mme Lamarche. On fait une enquête sur les employés qui ont été en contact avec des personnes atteintes. S’ils ont porté tout l’équipement de protection, ils restent travailler. Ceux qui ne l’ont pas porté doivent partir en isolement obligatoire.»
«Les infirmières et préposés immunosupprimés ou avec des conditions de santé particulières peuvent être transférés ou placés ailleurs, ajoute Julie Lamarche. Les employés qui ne sont pas à l’aise peuvent appeler le Syndicat et la ligne de santé et sécurité. On est en contact avec les syndicats pour faire des ajustements même quand la situation évolue très vite.»