Il y a un coût à payer pour les pratiques discriminatoires exercées à l’endroit d’une main-d’oeuvre d’expérience en milieu de travail.
«Faire de l’âgisme, ça coûte cher aux entreprises», affirme Martine Lagacé, professeure titulaire au département des communication à l’Université d’Ottawa et spécialiste des coûts sociaux de l’âgisme.
Conférencière invitée, le 2 avril, dans le cadre d’un forum visant à mettre en lumière la valeur ajoutée des travailleurs de 50 ans et plus, Mme Lagacé rappelait aux employeurs et responsables des ressources humaines le rôle que joue le mentorat dans la mémoire organisationnelle.
«Une entreprise qui ne fait pas de transfert de connaissances aujourd’hui, c’est une entreprise qui va probablement mourir à moyen ou à long terme», explique-t-elle.
Biais inconscients
Psychologue de formation, Martine Lagacé illustre la dichotomie entre le discours des employeurs et les préjugés qu’ils entretiennent inconsciemment envers les travailleurs vieillissants.
Selon une étude menée auprès des 10 plus grandes entreprises canadiennes, toutes posent un regard «positif et favorable» sur ces travailleurs, et ce, malgré qu’elles concèdent qu’ils «s’adaptent peu aux changements numériques et technologiques» lorsque vient le temps d’identifier leurs limites.
Ces idées préconçues sont d’autant plus pernicieuses que ces grandes entreprises valorisent par-dessus tout la capacité à s’adapter rapidement au changement, innover et générer des idées nouvelles. Voilà «le véritable changement de paradigme» à opérer en entreprise, insiste la spécialiste. «Pour lutter contre l’exclusion des personnes âgées en milieu de travail, il faut prendre conscience de nos propres croyances sociétales et préjugés», poursuit-elle en évoquant le travail de déprogrammation à entreprendre.
Peu de mesures
Si les entreprises reconnaissent l’état de précarité auquel les expose l’actuelle pénurie de main-d’œuvre, elles négligent à mettre en place des mesures de rétention des travailleurs plus âgés.
Ironiquement, face au vieillissement de la main-d’œuvre, la mesure le plus populaire est d’offrir un plan de retraite progressive, ce qui a davantage pour effet de «les accompagner doucement vers la porte de sortie. Ça montre le chemin qui reste à faire», mentionne Mme Lagacé.
D’autres gestes contribuent au départ à la retraite non désirée des travailleurs expérimentés. Comme le fait, par exemple, de les soustraire aux programmes de formation continue, leur confier des mandats de peu de valeur et les tenir loin des projets stratégiques. «Les études le démontrent: quand ils perçoivent être la cible d’âgisme, ils finissent par se désengager et prennent leur retraite», dit-elle au sujet des effets sournois de ces pratiques discriminatoires âgistes. Sans compter que la perte de confiance et d’estime de soi qui en découlent ont des conséquences psychologiques dévastatrices chez ces travailleurs, ne manque-t-elle pas d’ajouter.
Modèle
Le modèle intergénérationnel semble être la solution au maintien des travailleurs âgés au travail. C’est du moins ce que révèle une étude effectuée auprès de quelque 800 travailleurs, relate l’universitaire.
La formation d’équipes mixtes et diversifiées combinée à une gestion des ressources qui ne discrimine plus une génération par rapport à l’autre «réduit significativement la perception de l’âgisme au travail et augmente la satisfaction et la rétention des travailleurs», les plus vieux comme les plus jeunes.