Dans tous les quartiers de la municipalité, on peut observer des dindes sauvages, ces imposants animaux ailés qui en intriguent certains, mais qui effraient d’autres. Faudrait-il agir afin de limiter leur population ou encore pour assurer une cohabitation harmonieuse?
Judith Deslauriers demeure à Sainte-Rose depuis presque 20 ans. La présence régulière de dindes sauvages dans le quartier n’est qu’une addition récente datant du printemps 2022. Depuis, le groupe composé d’une dizaine d’individus a élu domicile dans le quartier.
«J’adore les animaux et j’aime aussi le dindon sauvage, précise-t-elle. Je ne suis pas dérangée par leur présence. À la limite, je trouve que c’est beau, que ça donne une touche de campagne à notre banlieue. Je suis tout à fait consciente qu’on doit apprendre à cohabiter avec la faune. Par contre, ce qui me préoccupe, c’est surtout l’enjeu de sécurité.»
Même si, de son côté, elle n’a pas été affectée par leur présence, elle affirme avoir déjà vu une femelle protéger ses petits en attaquant piétons, cyclistes ou chiens en laisse. Les dindes semblent n’avoir peur de rien, incluant l’humain, et sont fréquemment aperçues sur les voitures ou dans les cours du voisinage.
«Comme n’importe quel animal, s’il y a des jeunes, les parents peuvent être agressifs, ça, c’est certain, déclare Nathalie Gendron, chargée de projets en milieux naturels au Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval. […] Les oiseaux peuvent faire un peu de grabuge à cause de leurs griffes. […] Sinon, comme on parle d’un gros groupe, de gros oiseaux, s’ils essaient de traverser une rue, ça peut être assez complexe pour les voitures, le même genre de problème qu’on a avec les bernaches aussi.»
Pour sa part, Maxime Carpentier-Cayen, résident de Fabreville, pense que la présence de dindes en milieu urbain «peut amener des désagréments de propriétaires, mais des problèmes réels, non».
Actions
Par contre, le citoyen ne prône pas le statu quo, mais propose plutôt d’envisager la création de corridors verts et de favoriser la chasse urbaine à Laval.
«C’est de trouver une façon de connecter les différents parcs, milieux verts et milieux humides […] pour que les animaux puissent circuler, se déplacer et avoir leur espace à [eux], explique le Lavallois. Ça peut aider aussi à régler quelques problèmes. Par exemple, si les animaux envahissent les cours des gens, c’est parce que nous occupons leur territoire, donc, en leur accordant une meilleure place, ça peut limiter les problématiques.»
Judith Deslauriers abonde dans le même sens: «L’enjeu de la cohabitation de la faune, c’est un problème qui est très systémique. Plus on détruit leur habitat naturel, plus ils vont se retrouver en milieu urbain. […] Je pense qu’il faut apprendre à vivre avec ces animaux-là, mais, pour ça, il faut que l’information circule.»
Pour les deux citoyens, la Ville de Laval aurait un rôle à jouer au niveau de la présence de dindes sauvages.
«À l’heure actuelle, la Ville n’applique pas de mesures spécifiques afin de limiter la présence de dindes sauvages sur le territoire lavallois, confirme l’équipe des affaires publiques de la municipalité, par communication électronique. Nous n’avons pas suffisamment de données pour savoir s’il est requis de limiter leur présence.»
«Pourquoi attendre qu’il y ait un événement qui survienne avant de faire quelque chose, alors qu’on pourrait être plus dans l’action et la prévention?»
–Judith Deslauriers, citoyenne de Sainte-Rose.
Prévention
«L’oiseau est très présent et probablement de plus en plus présent, mais est-ce qu’il y a des mesures à prendre? s’interroge Nathalie Gendron. Pour le moment, je ne penserais pas.»
Toutefois, si un citoyen souhaite limiter la présence de dindes sauvages sur son terrain, il peut retirer toute source de nourriture et installer une clôture basse autour de sa cour.
Comme pour n’importe quel animal sauvage, il est recommandé de ne pas s’approcher, surtout si l’animal fuit ou démontre des signes d’impatience.
«Les dindes sauvages, tout comme plusieurs autres animaux sauvages sur le territoire, peuvent avoir des comportements qui ont un impact sur la vie des Lavallois.es, soulève la municipalité. Ces derniers font partie intégrante d’un sain équilibre des écosystèmes. Si nous respectons certaines règles, une cohabitation harmonieuse est tout à fait possible.»
La Ville invite les Lavallois.es à consulter la page web Animaux sauvages de son site web, qui n’inclut aucune section sur les dindes sauvages.
Population lavalloise
Ce n’est pas la première fois que les dindes sauvages attirent l’attention dans la région. Toutefois, leur présence est en pleine expansion, favorisée par le réchauffement climatique.
«Le dindon sauvage est probablement l’une des espèces les plus fréquemment observées par la population lavalloise, témoigne Alexandre Choquet, responsable des milieux naturels au CRE de Laval. À raison, les populations de cette espèce arrivée au Québec au tournant des années 70 croissent sans cesse et colonisent des territoires de plus en plus nordiques à mesure que le climat se réchauffe et que des habitats deviennent disponibles pour elle.»
Ni la Ville de Laval, ni l’organisme environnemental ne conserve des données précises sur le nombre de dindes sauvages sur le territoire, mais certaines autres statistiques peuvent donner des indices.
La base de données eBird, élaborée par le Cornell Lab of Ornithology, permet aux citoyen.ne.s de signaler la présence de dindes sauvages sur le territoire gratuitement.
En 2023, la présence de dindes a été répertoriée sur environ 80 sites lavallois, donc 30 sont publics.
En observant la carte où les sites sont géolocalisés, on remarque qu’elles sont partout sur le territoire, avec des concentrations plus élevées dans l’Est et dans l’Ouest de l’île.
Au cours de la dernière année, la Ville de Laval affirme avoir reçu 22 requêtes citoyennes en lien avec les dindes sauvages, ce qui représente une diminution par rapport à l’année précédente.