Le directeur du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, Guy Garand, est d’accord avec la proposition du premier ministre François Legault de racheter les propriétés de sinistrés les plus lourdement affectés par les présentes inondations.
«Il faudrait les indemniser à la hauteur de la valeur foncière», nuance-t-il toutefois en évoquant le plafond de 200 000 $ du programme provincial annoncé par M. Legault lors d’une mêlée de presse à Gatineau, le 22 avril.
À cet égard, Guy Garand estime que les Municipalités doivent répondre de l’aménagement de leur territoire et des permis de construire qu’elles ont délivrés en plaine inondable et assumer leur part de responsabilités.
«Elles collectent les taxes, mais quand arrivent des catastrophes environnementales, ce ne sont les Villes qui indemnisent les citoyens inondés. On pellette dans la cour du gouvernement du Québec.»
S’il n’en tenait qu’à lui, les administrations municipales seraient également mises à contribution.
Entente tripartite
Pour le patron du CRE, il y aurait sûrement moyen d’en arriver à une entente tripartite fédérale-provinciale-municipalités pour faciliter le rachat des maisons des sinistrés. «Si les trois paliers subventionnent l’achat de voitures électriques pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, pourquoi ne paieraient-ils pas pour indemniser les sinistrés et ainsi éviter que des gens perdent tout?» questionne-t-il, tout en rappelant qu’ils sont victimes des changements climatiques.
Réaction
Appelé à réagir, le cabinet du maire Demers juge la question prématurée.
«On n’est pas prêts à se prononcer à ce moment-ci», indique la directrice des communications au cabinet du maire, Valérie Sauvé, alors en pleine gestion de crise des inondations. Actuellement, la priorité est de porter assistance aux sinistrés, ce à quoi s’emploient les équipes des différents services municipaux, fait-elle valoir.
Considérant l’impact financier d’une telle décision, la «réflexion» devra évidemment être soutenue par des analyses menées par les services de la Ville et prendre en compte les mesures d’aide déployées par le gouvernement provincial, termine-t-elle.
UMQ
Compte tenu du programme d’indemnisation aux victimes d’inondations annoncé par Québec et de la situation financière déjà précaire des Villes, il serait étonnant que l’Union des municipalités du Québec mette en place un fonds de compensation, reconnaît d’emblée le conseiller aux communications et aux relations médias à l’UMQ, Patrick Lemieux.
«Notre réflexion a beaucoup plus porté sur comment les Municipalités peuvent mieux se préparer pour faire face aux impacts des changements climatiques, dont les inondations par exemple, et comment mieux adapter leur aménagement et les infrastructures», dit-il.
Quant aux finances, la fiscalité municipale a atteint ses limites, réaffirme l’UMQ qui réclame du gouvernement de nouvelles sources de revenus. Le nouveau pacte fiscal qu’elle négocie actuellement vise justement à rendre ses membres moins dépendants de l’impôt foncier.
Revoir le modèle
Œuvrant en environnement depuis 40 ans dont bientôt 25 ans à la tête du CRE qu’il a fondé en 1996, M. Garand le répète depuis longtemps: il faut revoir coûte que coûte le modèle d’aménagement du territoire dans le respect de la nature.
Les crues printanières dévastatrices sont «l’effet cumulatif de la perte de milieux humides, du drainage des terres agricoles, du redressement et de la canalisation des ruisseaux, des remblais en plaine inondable, des murets érigés le long des cours d’eau et de la minéralisation de nos surfaces terrestres», soutient-il.
Selon lui, en moins d’un quart de siècle, il s’est perdu seulement à Laval une superficie équivalente à 850 terrains de football en termes de tourbières, marécages, étangs, marais et plaine inondable. Autant d’infrastructures naturelles qui agissent comme des éponges et permettent la régularisation des débits des cours d’eau.
En foi de quoi, Guy Garand implore le palier provincial de cesser d’autoriser la destruction de milieux humides dans la région du Grand Montréal. «On a dépassé la capacité de support des écosystèmes», insiste-t-il.
Retourner à la nature
Au sujet des propriétés inondées qui ne rencontreraient pas les modalités du programme de rachat instauré par Québec, M. Garand souhaiterait que la Ville exerce «un premier droit de regard» sur celles qui pourraient éventuellement se retrouver sur le marché.
«On a empiété sur les rives, il faut [maintenant] sortir les gens de l’eau, fait-il valoir en privilégiant en lieu et place des parcs riverains avec des pistes cyclables le long des rivières. Tranquillement avec les années, on redonnerait aux citoyens l’accès aux berges.»