Contrairement à ce qu’affirme la Ville de Laval en appui à sa décision de résilier le contrat d’architecture pour son projet du complexe aquatique, le consortium NFOE | HCMA soutient avoir «toujours respecté ses obligations» contractuelles depuis la signature de l’entente au printemps 2017.
Dans un communiqué publié trois jours après que le conseil municipal eut mis fin à son mandat professionnel, le consortium y défend sa réputation.
«En aucun temps le consortium n’a refusé de poursuivre le projet. [On] demandait toutefois de recevoir, au préalable, le paiement des services supplémentaires fournis qui totalisait plus de 500 000 $ pour des services rendus à la demande de la Ville, dès le début du projet, et non payés plus de 2 ans plus tard.»
Alors que les négociations se trouvaient à nouveau dans l’impasse, une mise en demeure a été envoyée le 3 décembre dernier, menant à l’autorisation d’un paiement au montant de 539 046 $ à la séance du conseil municipal du 4 février. C’est à cette même assemblée que les élus entérinaient, quelques minutes plus tôt, la résiliation du contrat.
Révision des honoraires
La pierre d’achoppement qui a conduit à l’annulation du contrat se trouve à l’article 5.1.1 traitant des honoraires.
D’une part, la Ville y invoque le paragraphe «f» selon lequel elle peut ordonner la révision des dessins, plans, devis et cahier des charges au frais du consortium advenant un écart de 10 % entre la plus basse soumission conforme reçue et le coût estimé des travaux au moment de l’appel d’offres. À l’ouverture des soumissions, le 5 juin 2018, cet écart se chiffrait à 46 %.
Pour sa part, l’associé directeur principal – chef des opérations chez NFOE et patron du consortium, Victor Marques, fait valoir le paragraphe «a» du même article.
Celui-ci stipule qu’«après l’appel d’offres, un ajustement à la hausse ou à la baisse des honoraires professionnels sera appliqué sur les honoraires déjà payés et à venir, de manière à ce que la Ville paye toujours les honoraires professionnels sur la base du Coût réel des travaux.»
Deux options
En entrevue au Courrier Laval le 13 février, M. Marques mentionne qu’à la reprise des négociations, l’automne dernier, il a été proposé – en vain – au Bureau des grands projets de revoir les plans en prévision d’un nouvel appel d’offres au frais du consortium et d’ajuster éventuellement les honoraires au prix du plus bas soumissionnaire retenu, conformément à l’article 5.1.1.
L’autre option avancée par le consortium était de «refaire une partie substantielle des travaux de conception et d’ingénierie» moyennant «un paiement sur une base forfaitaire».
Celle-ci a fait l’objet de négociations qui n’ont cependant pas abouti. «On coupait, on coupait, mais ce n’était jamais assez. On n’est pas là pour travailler gratuitement», déplore M. Marques.
Litige
Le consortium rappelle qu’à partir de l’automne 2018, à la demande de la Municipalité, son équipe a effectué «une multitude d’études afin d’identifier des pistes de réduction des coûts de construction du complexe et remis tous les rapports demandés, sans obtenir d’orientations claires quant à la suite du projet».
Par courriel, le 9 novembre 2018, la Ville est toutefois avisée que des honoraires additionnels lui seront exigés pour la révision des plans. Voilà ce qu’on apprend dans un sommaire décisionnel approuvé le 16 décembre dernier par la directrice du Bureau des grands projets, Marie-Claude Le Sauteur, qui demandait l’intervention du Service des affaires juridiques afin de régler le différend.
«À compter de cette date, des discussions et échanges ont eu lieu avec l’Équipe [NFOE | HCMA] concernant la reprise des travaux dans le respect des obligations contractuelles. Malgré ces échanges et les demandes répétées de la Ville, l’Équipe refuse de procéder à la révision à ses frais», peut-on lire. Puis, dans une tentative de dénouer l’impasse, la Ville relance les pourparlers le 9 août 2019, sans succès. Les négociations avortent à l’automne.
Au moment de mettre en ligne, le Service des communications de la Ville n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue avec Mme Le Sauteur.
Double discours
Par ailleurs, Victor Marques reproche à l’administration Demers d’avoir pratiqué un double discours durant la négociation.
«Publiquement, la Ville reconnaissait une surchauffe du marché [pour expliquer l’écart entre les coûts estimés et soumissionnés], mais dans nos discussions elle disait qu’il n’y avait pas de surchauffe à Laval», mentionne-t-il.
Son équipe n’avait pas à faire les frais d’une crise contextuelle dans l’industrie de la construction, poursuit-il en rappelant qu’au moment de lancer l’appel d’offres public en avril 2018, les soumissions pour les bâtiments institutionnels et industriels au Québec excédaient largement les coûts estimés.
«Le marché avait changé. Ce n’était pas un défaut de conception ou d’estimation.»
Il en veut pour preuve la réalisation des deux premiers lots (excavation/réaménagement du stationnement et fondations] qui n’a pas posé problème.
Atteinte à la réputation
Bien qu’il concède ne pas avoir «grand envie de travailler [à nouveau] avec la Ville», le patron du consortium NFOE | HCMA estime toutefois préjudiciable et susceptible de nuire à la réputation de ces deux firmes d’architectes le fait d’être exclu de tout appel d’offres public pour deux ans à Laval, alors que les deux autres sociétés partenaires complétant le consortium ne sont pas sanctionnées.
Ses associés et lui envisagent-ils entreprendre des procédures relativement à la résiliation du contrat d’architecture pour le complexe aquatique et ce qu’ils considèrent une possible atteinte à leur réputation? «On n’a pris aucune décision» en ce sens, termine-t-il.