«Ce jour-là, le président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke, nommé Personnalité de l’année par le magazine Time, déclarait au Congrès que les États-Unis s’en allaient vers une crise fiscale», confie la fiscaliste et auteure Brigitte Alepin en entrevue au Courrier Laval.
“We’re Much Closer to Total Destruction Than You Think”, disait le grand patron de la banque centrale américaine. Une déclaration qui a eu un effet apaisant sur la fiscaliste diplômée de Harvard.
«C’est insécurisant d’écrire un livre sur les crises fiscales quand jamais personne sur la planète n’a écrit sur le sujet», confesse la principale intéressée lorsque rencontrée au Palace de Laval, où elle faisait la promotion de son livre le 22 février dernier.
Elle mentionne qu’il a été abondamment question ces dernières années de la crise financière, de la crise de la devise et du surendettement, mais jamais de la crise fiscale proprement dite.
Un régime fiscal désuet
Sept ans après avoir publié le best-seller «Ces riches qui ne paient pas d’impôt», Mme Alepin récidive en dénonçant un système d’imposition désuet, qui ne colle plus à la réalité d’aujourd’hui.
Elle cite dans son livre la multiplication des fondations caritatives, l’essor du commerce électronique, le recours croissant aux paradis fiscaux et la défiscalisation des entreprises, qui résulte de la concurrence que se livrent les pays pour attirer les grandes sociétés.
«Le régime d’imposition actuel n’a pas été adapté à ces phénomènes dont tirent avantage les sociétés et contribuables. C’est assez pour mettre un pays en faillite», affirme-t-elle, en parlant de toutes ces fuites de capitaux qui échappent aux gouvernements.
Toujours selon la fiscaliste, les économies occidentales sont à risque de crise fiscale en raison des déficits sous lesquels croulent plusieurs pays surendettés, dont les contribuables sont déjà surimposés.
Canada, paradis fiscal?
De l’avis de Mme Alepin, le régime fiscal canadien est le plus généreux du G-7.
À l’échelle internationale, certains spécialistes vont jusqu’à considérer le Canada comme un paradis fiscal pour les grandes entreprises, soutient la fiscaliste.
Elle en donne pour preuve leur taux d’imposition qui a chuté de 50 % depuis l’an 2000, passant de 29,9 % à un taux prévu de 15 % en 2012.
Seule une entente mondiale décrétant un taux unique d’imposition pour les grandes sociétés pourrait mettre un terme à cette course effrénée vers une défiscalisation, estime Brigitte Alepin.
Incidemment, dans le cadre de ses études à Harvard, celle-ci a planché en 2006 sur un contrat de recherche qui ciblait l’implantation d’un régime d’imposition mondial.
Idem pour le commerce électronique, qui s’exerce dans «un monde sans impôt et sans taxes», déplore la comptable agréée. «Il faudrait que tous les pays s’entendent pour appliquer une taxe de vente au moment de l’achat en ligne», suggère-t-elle, ajoutant que les géants du Web sont tous établis dans des paradis fiscaux, citant au passage les Facebook, Skype, eBay et Amazon de ce monde.
Les fondations
Côté fondations caritatives, la spécialiste propose de revoir à la hausse leur contingent de versement.
Elle explique qu’un don de charité de 100 M$ à une fondation privera l’État de 53 M$ en recettes fiscales, alors qu’en revanche, la fondation privée n’est tenue par la loi de redistribuer que 3,5 % à des fins charitables.
À ce rythme, il faudra attendre «environ 20 ans» pour que l’économie d’impôt soit retournée à la société, observe-t-elle.
Mine de rien, les actifs gelés à l’intérieur des fondations canadiennes de charité représentent plus de 2,5 % du produit intérieur brut du pays, écrit-elle dans son livre.
«Aux États-Unis, la part minimale [de versement] exigée aux fondations est présentement de 5 % de la valeur en dons et le président Obama voudrait l’augmenter à 6 % ou 7 % », laisse-t-elle entendre en conclusion.