L’heure de la retraite a sonné pour Guy Garand, l’âme dirigeante du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval qu’il a fondé il y a 25 ans cette année.
Âgé de 65 ans, il a officiellement quitté l’organisme le 27 janvier.
«C’est une grosse perte pour le CRE, ne cache pas le président du conseil d’administration Sylvain Loranger, mais la relève est là».
Guy Garand laisse derrière lui une solide équipe et une organisation en pleine santé financière, ajoute-t-il, précisant que le CRE n’a «jamais eu autant de subventions et de mandats».
Visionnaire
M. Loranger ne tarit pas d’éloges à l’endroit de son ex-directeur général qu’il dépeint comme «un grand visionnaire».
«La lutte aux îlots de chaleur, ça part de lui», rappelle-t-il.
De fait, sept ans avant qu’il ne fonde le CRE, Guy Garand pilotait une toute première étude sur les biotopes en collaboration avec l’Université de Sherbrooke et la défunte Communauté urbaine de Montréal.
Seize ans plus tard, en 2005, il revenait à la charge, cette fois à la faveur de la vaste Étude des biotopes urbains et périurbains couvrant l’ensemble de la Communauté métropolitaine de Montréal. Celle-ci allait révéler les dangers d’une forte minéralisation des surfaces au détriment des espaces boisés et milieux humides l’égard de l’environnement thermique, des eaux de ruissellement et de la pollution des rivières.
Jamais à court d’idées, il a multiplié les projets novateurs et collaborations avec les établissements universitaires, souligne M. Loranger. Le dernier en lice est ce projet de thermographie mené conjointement avec le département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). À bord d’un hélicoptère lors de vols de nuit, on détecte à l’aide de caméras infrarouges les pertes de chaleur des immeubles, ce qui permettra d’établir un portrait de la performance énergétique du parc immobilier lavallois.
Archipel du Mitan
On doit également à Guy Garand la protection et la conservation de l’archipel du Mitan, ce chapelet de cinq îles baignées par les eaux de la rivière des Prairies à l’extrême pointe est de l’île Jésus.
En 2004, l’environnementaliste avait réussi à convaincre le gouvernement provincial et l’administration Vaillancourt de financer à parts égales l’acquisition de cet archipel de 69 hectares au coût de 820 000 $ afin d’en faire une aire protégée. Trois ans plus tard, cet écosystème d’exception obtenait le statut de réserve naturelle.
Électron libre
Sous la direction de Guy Garand, le CRE peut se targuer d’avoir été le seul organisme à résister à la chape de plomb qu’imposait l’ex-maire Vaillancourt alors que ce dernier régnait sans partage à Laval.
Si bien qu’en 2005, pour le faire taire, l’administration Vaillancourt avait tenté de prendre le contrôle du conseil d’administration du CRE à l’occasion de son assemblée générale annuelle. Une tentative de putsch que M. Garand avait habilement déjouée par l’adoption in extremis d’un règlement limitant le droit de vote aux seuls membres en règle avant la convocation de l’AGA, ce qui écartait d’emblée la centaine de nouveaux adhérents dont le CRE avait fait le plein bien malgré lui au cours des jours précédents.
Acteur incontournable du débat public des 25 dernières années à Laval, ce libre penseur a toujours jalousement conservé son indépendance face à l’administration municipale en place, dont le financement du CRE dépend en partie.
À ce chapitre, Sylvain Loranger dit l’avoir toujours appuyé.
«Il y a des pieds endoloris encore aujourd’hui», image celui qui a dû servir de tampon depuis qu’il a pris la présidence du conseil en 2015.
«Guy est intransigeant, une forte tête, mais tout le monde va reconnaître son honnêteté, son intégrité et sa rigueur», enchaîne-t-il, tout en faisant valoir que son DG n’était pas contre le développement, mais militait pour que celui-ci se fasse dans «le respect de la capacité de support des écosystèmes».
Sa plus grande fierté
Aux yeux du principal intéressé, qui a combattu sur tous les fronts du développement durable, la contribution dont il est le plus fier demeure celle d’avoir éveillé les consciences au Québec quant à l’importance des fonctions écologiques des milieux humides.
On ne compte plus ses virulentes sorties publiques contre le ministère de l’Environnement dont il dénonçait le laxisme en autorisant les remblais de ces écosystèmes aux fins de développement.
À Laval seulement, les études du CRE chiffrent à plus de 600 hectares – équivalant à 850 terrains de football – les pertes en termes de tourbières, marécages, étangs, marais et plaine inondable ces 25 dernières années, ce qui contribue, entre autres, au phénomène des inondations.
Cheval de bataille
Quant à la conservation des milieux naturels, Guy Garand en a fait son cheval de bataille tout au long de son passage au Conseil régional de l’environnement.
Incidemment, nonobstant la retraite, ce citoyen engagé de Sainte-Rose promet de maintenir la pression sur l’administration municipale afin que celle-ci convertisse 17 % de son territoire en aires protégées, le seuil minimal pour assurer le maintien de la biodiversité selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, précise-t-il.
Jusqu’à ce que le successeur de M. Garand soit nommé, la coordonnatrice du CRE et responsable de l’économie circulaire, Elodie Morandini, assumera l’intérim à la direction générale de l’organisme.