«Nous avons pris acte de la décision et appliquerons les conclusions de l’arbitre, de déclarer Valérie Sauvé, porte-parole de Ville de Laval. Nous n’entendons pas demander de révision judiciaire. Nous ne disposons pas de suffisamment de critères pour montrer que cette décision est irraisonnable.»
Après l’analyse de la preuve et jurisprudence, l’arbitre Nathalie Massicotte privilégie l’avis disciplinaire, soulignant que «la faute (…) est loin d’être anodine et qu’elle (l’employée) pourrait, si elle devait récidiver, perdre définitivement la confiance de son employeur.»
Surprise surprise
Employée civile de Ville de Laval depuis 2009, la préposée travaille au service des enquêtes criminelles depuis 2013.
«C’est une employée très appréciée de ses supérieurs et est décrite comme une personne intelligente qui s’acquitte bien de ses tâches», écrit l’arbitre en plaçant le contexte de l’affaire.
Cependant, à l’occasion d’une sortie personnelle au restaurant Le Balthazar, le 1er octobre 2015, l’inspecteur-chef aux enquêtes Dany Gagnon voit cette dame attablée en compagnie de trois autres personnes, dont deux qu’il identifie comme des membres du groupe de motards les Brotherhood.
Fondés en 2007-2008, ces derniers sont un groupe émergent sympathisant des Hells Angels qui possède un local en sol lavallois. Plus de la moitié d’entre eux ont un dossier criminel, dont 25 % en matière de violence, 20 % dans les stupéfiants et 10 % pour la contrebande de tabac.
Lien amical
En 2010, l’employée rencontre une femme qu’elle fréquente de façon plus assidue comme amie depuis deux ans. Le copain de celle-ci est un membre reconnu des Brotherhood. Elle a raconté connaître cette information, ayant croisé l’individu à environ 7 à 10 reprises, toujours en présence de son amie.
L’été passé, la préposée a pris part à un tour de moto avec son amie, son copain et un collègue motard de celui-ci dont elle ignorait le vrai nom jusqu’à l’audition de deux griefs l’impliquant. C’est à ce moment qu’elle remarque pour la première fois leur logo. Elle questionnera sa sœur, une policière de la section Antigangs, qui lui recommande de ne pas les fréquenter ou fraterniser avec eux. L’employée avertit son amie qu’il n’est plus question de balade en motocyclette avec eux.
Toutefois, le soir du 1er octobre 2015, un échange de clés de maison et la garde d’une adolescente de 14 ans en période de vacances mènent au souper dans un Balthazar bondé.
Ayant déjà été le supérieur de cette employée, l’inspecteur-chef Gagnon tient à la saluer avant de quitter. Le policier prend le temps de bien la regarder dans les yeux et de rediriger leurs regards vers les logos des motards pour bien faire comprendre la gravité de la scène. Après être sorti, il restera dans son auto et réclamera l’assistance de l’escouade Équinoxe pour mener une intervention d’identification à la sortie du quatuor.
L’employée devinera vite qu’elle se retrouve en eaux troubles. En audience, elle avouera avoir été naïve «car ils étaient gentils avec elle et considère qu’elle ne faisait rien de mal. Pour elle il ne s’agissait pas de fréquenter ces deux hommes», mais plutôt son amie.
Suspension et arbitrage
Lui reprochant ces mauvaises fréquentations qui la placent en situation potentielle de conflit d’intérêts, Ville de Laval l’a suspendue avec solde pour enquête interne, arguant qu’elle peut entendre notamment ce que peuvent dire ses collègues de l’Escouade régionale mixte (ERM) sur leurs enquêtes et techniques, eux qui s’attaquent aux hautes sphères du crime organisé, dont les motards et le trafic de stupéfiants.
L’enquête disciplinaire démontrera qu’il n’y a pas eu de fuite de renseignements confidentiels du poste de l’employée et qu’elle n’a pas de relation proche avec ces motards. La Police de Laval décidera alors de la relocaliser dans un autre poste.
Au vu du détail et des conclusions des enquêtes internes menées sur cet incident, l’arbitre a rejeté autant la suspension que le transfert de l’employée, tout comme la somme de 10 000 $ qu’elle réclamait pour dommages moraux et punitifs de la part de Ville de Laval en raison de son comportement.