Si l’organisateur politique Roland Dick est toujours membre du Mouvement lavallois (ML), ce n’est plus pour très longtemps.
Ce militant de la première heure, qui n’a jamais caché ses ambitions de briguer un jour la mairie de Laval, a décidé de se lancer et fonder son propre parti en vue des élections municipales de novembre 2021.
Cette décision, il dit l’avoir mûrie au cours des sept derniers mois, soit depuis cette fameuse réunion du 24 avril où le caucus devait avaliser les candidatures aux postes de direction du parti en vue de l’assemblée générale annuelle.
Selon une nouvelle règle décrétée par l’exécutif, pour avoir le droit de briguer un poste électif, les candidats devaient désormais obtenir l’appui des deux-tiers des élus, soit un minimum de 14 voix sur une possibilité de 20.
Affidavit
M. Dick a encore sur le coeur les gestes jugés antidémocratiques qu’aurait posés ce soir-là le chef Marc Demers, lesquels gestes avaient été dénoncés dans une déclaration sous serment signée par les 10 élus du parti qui ont mené la fronde du 5 juin.
«L’affidavit faisait état du trucage des résultats d’un second scrutin mené auprès des élus du parti», rappelle-t-il, ajoutant que le chef, insatisfait des résultats du premier tour, avait alors exigé la reprise du vote.
À la suite de ce second scrutin, le comptage des bulletins de votes (contrairement au vote précédent) se serait fait uniquement en présence du maire et d’un membre de son cabinet, en contravention avec les statuts et règlements du parti. Selon les nouveaux résultats annoncés, tous les candidats sur les rangs se qualifiaient, ce qui était «mathématiquement impossible» peut-on lire dans l’affidavit signé par les 10 signataires.
Le 13 juin, lors d’une brève mêlée de presse, le maire Marc Demers avait nié catégoriquement toute allégation de manipulation de bulletins de vote.
«Cette mesure [de contrôle] visait à bloquer ma candidature à la présidence. Des conseillers municipaux me l’ont confirmé», soutient Roland Dick au sujet de l’appui des deux-tiers du caucus. Dans les circonstances, celui-ci avait choisi de se retirer de la course.
Il a longtemps espérer «des excuses et une clarification» en lien avec cet accroc à la démocratie qui ne sont jamais venues de la part du chef, mentionne Roland Dick, qui ne croit plus aux valeurs démocratiques du parti.
Justification
En entrevue au Courrier Laval, Ray Khalil, un des officiers du ML, affirme que les statuts et règlements autorisent l’exécutif à modifier les règles sans passer par l’assemblée des membres.
«Faut pas oublier que l’assemblée générale, c’est une fois par année. S’il voit un problème, l’exécutif se doit d’agir. C’est facilement justifiable de dire qu’on voulait mettre un petit check pour s’assurer que tous ceux qui se présentent sont aptes à le faire et ne vont pas mettre le Mouvement lavallois dans l’embarras.»
Cela dit, il assure qu’aucun aspirant candidat n’était personnellement visé par cet amendement.
Lettre du maire
Par ailleurs, le parti a transmis au Courrier la lettre que le chef Marc Demers avait adressée aux élus dissidents lors d’une séance de médiation à la mi-août.
«Je suis tout à fait désolé des circonstances fâcheuses qui ont entouré le processus d’élection pour le comité exécutif de notre parti. C’est une situation qui, je vous l’assure, ne se reproduira plus», peut-on lire au 3e paragraphe.
«Dorénavant, je vous propose que, lorsque nous aurons d’importantes décisions à prendre concernant les règes constitutives de notre parti, nous désignions à la majorité un observateur neutre pour agir comme le gardien du respect des règles et des meilleures pratiques. Ainsi, nous nous assurerons que rien ne vienne brouiller l’exercice de la bonne gouvernance de nos instances.»
Vote de confiance
Estimant désormais «le parti entre les mains d’un seul homme», Roland Dick déplore le fait que le chef n’ait plus à se soumettre au vote de confiance des membres, ce qui constitue à ses yeux un déficit démocratique inacceptable.
«À l’occasion de la dernière AGA, il y a eu une refonte majeure des statuts pour les rendre plus actuels et cet aspect en faisait partie, fait valoir Christian Fortin, coordonnateur du Mouvement lavallois. Aucun chef de parti au Québec ne fait face à un vote de confiance chaque année. L’ancienne façon de faire permettait aux membres présents à l’Assemblée de remplacer un chef, et ce, même s’il a été élu maire, ce qui est un non-sens.»
M. Dick précise que cette modification a été apportée lors de l’assemblée où le chef a obtenu un vote de confiance de 57 % auprès des quelque 150 membres présents.
Un score qui détonnait avec les résultats précédents comme en témoignent une note parfaite de 100 % lors d’un vote secret tenu en 2014 et 2015, puis de 98 % en 2016. Exceptionnellement, le parti avait fait relâche en 2017 considérant qu’il s’agissait d’une année électorale.
Selon les nouvelles règles, ce n’est qu’au lendemain d’une éventuelle défaite électorale que le leadership du chef sera soumis au jugement de ses membres.