Afin de créer un espace public autour de la station de la Concorde, la Ville démolira un bâtiment situé au croisement du boulevard de la Concorde et de l’avenue Ampère, au grand dam des trois commerces occupant toujours l’espace.
L’édifice de trois étages abrite actuellement les restaurants Pizza Paris, Pompom Rouge et Subway puisque les locataires des 2e et 3e étages ont déjà quitté.
«Je déménage à Laval, j’apporte l’argent, l’entreprise, plaide Paul Su, qui gère le restaurant Pompom Rouge. J’investis et en un instant, tout disparaît.»
Locataire depuis août 2015 avec un contrat de cinq ans incluant une option de cinq années supplémentaires, il ne s’attendait pas à devoir quitter si tôt.
«Si tu es chanceux dans ce domaine, tu commences à faire de l’argent après trois ans, indique M. Su. Je voyais long terme, j’attendais la construction de condos dans le secteur.»
Il devra évacuer les lieux d’ici la fin de 2019.
«Ma femme pleure tous les soirs. On doit réduire les heures d’ouverture sinon on va faire un « burnout ».»
– Paul Su, propriétaire du restaurant Pompom Rouge
Offre
«D’une fenêtre à l’autre, tout était à faire, ajoute M. Su, ancien franchisé avec Sushi Shop. J’ai rénové l’endroit complètement à neuf.» Celui-ci affirme avoir investi près d’un quart de million de dollars.
L’offre de la Ville, avoisinant 100 000 $, selon le résident de Chomedey, a donc été surprenante. «Quand ils veulent te taxer, ils disent que tu es un diamant, une perle, renchérit-il. Quand ils t’achètent, c’est comme si tu ne valais plus rien.»
Le maire Marc Demers s’est voulu rassurant lors du conseil municipal de juillet où Paul Su était présent pour obtenir des réponses. «Ce que vous devez garder en tête, c’est que c’est une négociation entre la Ville et vous, a-t-il lancé. Vous n’êtes pas obligés d’accepter l’offre.»
Relocalisation
Pour le duo de locataires en charge de la franchise Subway, Éric Beaudoin et Alain Vaillancourt, le problème est tout autre. «Il y a des Subway partout, le marché est saturé, mentionne le premier. Si on veut rouvrir, on doit sortir de Laval.»
Il ajoute par ailleurs que «le projet est bon pour le quartier, ça va être plus beau que ce l’est, mais on demande à être dédommagés.»
Surprise
C’est pendant une rencontre d’information organisée par la Ville qu’Alain Vaillancourt a appris la vente de l’immeuble que son restaurant occupe. «Ils ont pointé le bâtiment en mentionnant qu’il devra être détruit pour laisser place à l’espace public», a-t-il décrit.
Selon les plans de l’administration, la superficie occupée par la structure de trois étages servira principalement de voie piétonne et parc. «L’expropriation est dans le cadre de l’expansion de tout le transport en commun, a poursuivi M. Demers au conseil. L’édifice est dédié à être détruit éventuellement pour faire place [d’une part à un parc et de l’autre] à un immeuble plus moderne.»
Alors que l’endroit était en vente dès 2016, la Ville de Laval l’a acquis le 21 mars 2019 au prix de 1,65 M$. Pour référence, la valeur inscrite au rôle d’évaluation est de 1,14 M$.
Sur la glace
Depuis l’avis d’expropriation, déposé au Registre foncier le 13 novembre 2018, les locataires n’osent plus investir massivement dans des équipements ou réparations.
Au restaurant Subway, une climatisation déficiente demanderait une dépense d’environ 15 000 $. Ils mentionnent une diminution du chiffre d’affaire de plus de 30% depuis quelques années.
Pizza Paris vit une situation semblable, la porte d’entrée étant brisée. «Je ne la répare pas, exprime Boussad Azouani, gérant de la pizzéria. Ça ne vaut pas la peine puisqu’on ne connaît pas le moment de notre départ.»
Les commerçants ont également mentionné la difficulté de trouver des employés en raison de l’instabilité du poste.
Imprécisions
Les gestionnaires de Pizza Paris et Subway n’ont pour l’instant reçu aucune offre ni date limite pour quitter les locaux.
«C’est comme si ton patron te disait que tu es renvoyé, mais pas quand, donne en exemple Éric Beaudoin. Nous sommes en attente.»
La Ville reste quant à elle discrète sur la démarche. «Le processus d’expropriation dans le cadre du présent dossier visant le locataire du 540, avenue Ampère suit son cours normal, et ce, conformément à la Loi, a mentionné Anne-Marie Braconnier, porte-parole de la Ville. Des discussions entre les procureurs des parties sont toujours en cours et demeurent confidentielles.»