Sault-au-Récollet, Paul-Ragueneau, Sainte-Rose et Alfred-Pellan, voilà les noms des quatre comtés fédéraux de Laval tels que suggérés par une commission indépendante chargée d’établir les nouvelles limites des circonscriptions fédérales au Québec.
Une proposition qui n’a pas passé le test de l’audience publique, le 17 octobre, où les quelques intervenants entendus, dont les députés en place, se sont unanimement objectés au changement de noms des comtés de Laval, Laval-les Îles et Marc-Aurèle-Fortin.
Si la nouvelle désignation des comtés a suscité de vives réactions, le redécoupage proprement dit a été plutôt bien accueilli, malgré quelques petites modifications proposées dans le but de mieux refléter les frontières naturelles et les communautés d’intérêts de la ville-région.
Dans ce rebrassage qu’imposent aux dix ans le mouvement et la croissance de la population, seul le comté Alfred-Pellan conserverait son nom. On se rappellera que ce comté était désigné du nom de Laval-Est jusqu’en 2003, année où il a pris le nom de ce peintre de renommée internationale ayant vécu dans ce secteur de l’île Jésus.
Marc-Aurèle-Fortin
S’il salue la décision des commissaires de contenir dans les limites de l’île Jésus le comté de Marc-Aurèle-Fortin, qui chevauche actuellement la rivière des Mille-Îles, le député Alain Giguère milite en faveur du maintien du nom du comté.
Il a évoqué, d’une part, l’héritage important qu’a laissé à Laval Marc-Aurèle-Fortin et, d’autre part, la confusion que susciterait chez les électeurs la nouvelle appellation du comté de Sainte-Rose, considérant que le comté provincial nouvellement créé à Laval porte le nom de Sainte-Rose.
Même son de cloche du côté de la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus (SHGIJ), qui conteste le changement de nom proposé pour les mêmes raisons.
Sa directrice générale Dominique Bodeven a insisté sur le fait que les Lavallois de ce comté sont «très attachés» à l’illustre peintre qu’a été Marc-Aurèle-Fortin. «Né à Sainte-Rose, il est, de par son œuvre, le Lavallois le plus connu au monde.»
Laval
Quant à l’actuel comté de Laval, la nouvelle désignation suggérée du nom de Sault-au-Récollet a également été fortement contestée.
N’ayant pas la moindre résonnance à Laval, le toponyme Sault-au-Récollet est intimement lié à l’histoire de la colonisation de l’île de Montréal, a longuement exposé Vincent Garneau de Cité historia, chargée de l’animation du site historique du Sault-au-Récollet sur l’île de la Visitation, dans Ahuntsic.
Le seul lien avec l’île Jésus est le nom du rapide Sault-au-Récollet, rappelant la noyade du Père missionnaire récollet Nicolas Viel dans la rivière des Prairies, a terminé l’historien.
Le député néodémocrate en poste José Nunez-Melo a plaidé pour le maintien du nom actuel tout comme la présidente de l’Association libérale du comté de Laval, Eva Nassif.
Celle-ci a fait valoir que depuis 1867, le nom de Laval a toujours été accolé à ce comté et qu’il fallait maintenir la tradition.
Pour sa part, la SHGIJ a plutôt proposé le nom de Joseph-Hyacinthe Bellerose (1820-1899) pour désigner la nouvelle délimitation du comté de Laval. Cet homme politique, à qui l’on doit la construction du vieux Pen, a représenté l’île Jésus comme député à Ottawa et à Québec en plus d’avoir occupé la charge de maire de Saint-Vincent-de-Paul pendant un quart de siècle. «Il mérite que son nom soit connu et reconnu», a indiqué Dominique Bodeven.
Laval-les Îles
Le nom de Paul-Ragueneau (1608-1680) pour désigner le comté de Laval-les îles n’a pas passé la rampe non plus.
«Il n’a jamais mis les pieds à Laval», a d’abord fait remarquer le député de l’endroit François Pilon en évoquant le nom du grand patron canadien des Jésuites. S’il n’en tenait qu’à lui, l’appellation actuelle du comté demeurerait inchangée.
«Un nom qui ne correspond à rien pour personne», a renchéri le président de l’Association libérale fédérale de Laval-les Îles, Me Stéphane Lacoste, également partisan du statu quo.
Le prêtre missionnaire Paul-Ragueneau n’a pas été significatif dans l’histoire de l’île Jésus, en a rajouté Dominique Bodeven, soulignant que la région a connu son véritable développement sous le règne du gouverneur général de la Nouvelle-France, François de Montmorency-Laval, aussi connu sous le nom de Monseigneur de Laval.
«Ma suggestion ne sera pas conservée», a fini par laisser tomber, sourire en coin, le commissaire Me Michel Doyon. Ancien élève des Jésuites, Me Doyon croyait bien que le supérieur des Jésuites du Canada au milieu du XVIIe siècle était naturellement lié à l’histoire de l’île Jésus.
Pour le représentant du Parti libéral du Canada, les noms des circonscriptions devraient être reliés à la réalité géographique.
Dans le cas de Laval-les Îles, le comté regroupe notamment les îles Paton, du Tremblay, Bigras, Pariseau, Verte et Roussin, toutes des îles habitées, a souligné Me Lacoste, ajoutant que le nom de Laval est attaché à cette circonscription depuis la Confédération.
À l’inverse, la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus soutient qu’un «patronyme est plus rassembleur qu’un nom de lieu».
À cet égard, la SHGIJ suggère plutôt le nom de l’ex-député André-Benjamin Papineau (1809-1890), qui fut notamment le premier maire de l’ex-municipalité de Saint-Martin et fondateur d’une dizaine d’écoles dans l’ouest de l’île. «Son nom est très présent dans l’imaginaire collectif», a tenu à préciser Mme Bodeven.
Étapes à suivre
Au terme des audiences publiques tenues à la grandeur de la province, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Québec déposera une seconde proposition à la Chambre des communes, le 21 décembre prochain.
Un comité en fera l’étude, alors que les députés québécois élus à Ottawa feront à nouveau connaître leurs commentaires à la lumière desquels la commission tranchera.
La nouvelle carte électorale entrerait en vigueur lors de l’élection générale en 2015.