Le bilan de ce gigantesque chantier est assombri par cet écart de 350 % entre le budget de 179M$ annoncé en 1998 et le dernier décret adopté six ans plus tard à l’Assemblée nationale qui autorisait des dépenses de 803,6 M$.
Ironiquement, le métro de Laval n’a pas coûté plus cher que ce qu’il en coûte normalement pour des travaux de cette nature. Chargée de la maîtrise d’œuvre du projet, l’Agence métropolitaine de transport (AMT) affirme que le prolongement revient meilleur marché que celui des métros de Baltimore, Hong Kong et Los Angeles.
Mauvais calculs
Reste que dans les faits, ce projet est allé de dépassement en dépassement. Lors de l’annonce électoraliste du gouvernement Bouchard, le 7 octobre 1998, on estimait les coûts à 179 M$ et on parlait de deux stations.
L’année suivante, en 1999, on corrigeait le tir et, du coup, une erreur dans le calcul du tracé. Les ingénieurs avaient oublié un kilomètre sur un circuit de 5,2 km. Réévaluation des coûts : 250 M$.
La surenchère s’est poursuivie l’année d’après avec l’adoption, le 14 juin 2000, d’un premier décret de 378,8 M$, taxes incluses.
Seize mois suivant la première levée de terre par le premier ministre Bernard Landry, un
second décret porte le budget à 547,7 M$. Ça se passait le 3 juillet 2003. À l’automne 2004, le comité d’experts mis sur pied par le gouvernement libéral de Jean Charest pour faire le ménage dans la gestion du chantier recommandait un budget de 803,6 M$. Ces dépenses se déclinent ainsi : 785,3 M$ pour la part remboursée par le gouvernement et 18,3 M$ pour les projets (aires de stationnement) financés par l’AMT.
C’est d’ailleurs sur la base de 785 M$ que le gouvernement évalue à 154 M$ le coût de
revient du kilomètre, alors qu’à Baltimore, Hong Kong et Los Angeles, le prolongement
du métro a coûté respectivement 207 M$, 183 M$ et 166 M$ le kilomètre.
Improvisation
Porté au pouvoir en avril 2003, le gouvernement Charest mandate, le 12 décembre de la même année, le Vérificateur général du Québec pour passer au peigne fin la gestion, l’administration et la croissance des coûts du projet.
Dans son rapport déposé le 8 juin 2004, la vérificatrice Doris Paradis met en lumière
l’improvisation qui a entouré le projet. Elle fait ressortir qu’en 1998, «la décision du gouvernement d’entreprendre ce projet à un coût de 179 M$ ne s’appuie sur aucun document faisant ressortir la justification de ce prolongement, de ses coûts, de la localisation des stations et du choix du tracé.
On apprend également que la phase d’avant-projet aurait été bâclée. «Parmi les éléments escamotés, mentionnons que l’AMT a lancé un appel d’offres pour confier à un groupement d’entreprises l’ingénierie, l’approvisionnement et la gestion de la construction dans lequel étaient indiqués des honoraires fixes basés sur un coût de projet sous-évalué et irréaliste. En procédant de la sorte, l’AMT a agi trop tôt et elle s’est exposée à certaines conséquences négatives», peut-on lire dans le rapport.
809 M$
La révision de la prévision de coût total menée dans le cadre de l’examen du Vérificateur général du Québec s’établit, en mars 2004, à 809 M$.
Le gouvernement libéral de Jean Charest constitue, le jour même du dépôt du rapport du Vérificateur général du Québec, un comité d’experts dans le but de stopper l’hémorragie et de permettre à l’AMT de reprendre la pleine maîtrise du projet.
Quant à la possibilité de réduire la facture, la marge de manœuvre du comité demeure restreinte à ce stade du projet, considérant que l’ingénierie détaillée est à toutes
fins utiles complétée et que près de 70 % des coûts d’immobilisation sont déjà engagés.
Le comité d’experts a relevé l’échec de la formule IAGC qu’avaient retenue en l’an 2000 l’AMT et le MTQ. Selon cette formule le gouvernement confiait à un gestionnaire unique (SGTM) tous les travaux d’ingénierie, d’approvisionnement et de gestion de la construction.
Bien qu’assortie de primes et de pénalités reliées au respect des coûts et de l’échéancier, la formule IAGC n’a pas donné les résultats escomptés. «Une suite de décisions, changements et omissions survenus à différentes étapes du projet a empêché l’AMT et le MTQ de retirer les bénéfices attendus de la formule IAGC.»
Non seulement le gestionnaire n’a pas été pénalisé pour le retard de 18 mois face à l’échéancier original, mais le glissement a eu pour effet d’augmenter considérablement le coût du personnel de gérance et de surveillance au chantier. Résultat : les réclamations d’honoraires additionnelles s’élèvent à 77,6 M$, portant à 115,3 M$ le montant total des honoraires IAGC. Rappelons qu’à l’origine, le contrat octroyé le 6 juin 2001 à SGMT stipulait clairement que le budget de 378,8 M$ ainsi que les montants des honoraires fixés à 37,9 M$ ne pouvaient être dépassés…
Coussin de 50 M$
À quelques semaines de la traditionnelle coupe de ruban, le métro aurait coûté 803,6 M$, selon le dernier décret gouvernemental. Par contre, il appert que le gouvernement Charest annoncerait, le temps venu, la réalisation du projet en deçà de l’enveloppe budgétaire consentie.
Selon toute vraisemblance, ces «économies» seraient réalisées à même une provision de 50 M$ prévue, à l’automne 2004, pour pallier les risques du propriétaire reliés aux impondérables du marché, aux imprévus relatifs aux travaux en cours et aux litiges à régler une fois l’ouvrage terminé. Jusqu’à ce que le comité d’experts intervienne, l’AMT avait omis de prévoir un poste de dépense pour couvrir les contingences…