Le milieu du logement social et communautaire est aux abois.
Dans une lettre datée du 4 novembre, sept regroupements québécois au front de la crise du logement interpelle le premier ministre François Legault.
«Au chantier de l’électrification des transports, ajoutez celui de construire plus de logements sociaux administrés par des coopératives, des organismes sans but lucratif ou des offices municipaux d’habitation», écrivent-ils en évoquant les milliards annoncés la veille à la Conférence sur le climat (COP26) à Glasgow, en Écosse.
Portrait lavallois
Le groupe des 7 (le nom des organismes apparaît à la fin du texte) rappelle que déjà avant la pandémie, un quart de million de ménages étaient contraints à vivre dans un logement trop cher, insalubre ou inadéquat.
À Laval, selon le dernier recensement disponible, on estimait à quelque 10 000 le nombre de ménages aux prises avec des besoins impérieux en matière de logement.
«Quatorze pour cent (14 %) des locataires paient plus de 50 % de leurs revenus pour se loger», illustre Chantal Dubé, porte-parole de la Table régionale des organismes communautaires autonomes en logement de Laval (TROCALL). Cela représente près de 7000 des 49 045 ménages locataires lavallois recensés en 2016.
En fait, il faudrait tripler le parc actuel de logements sociaux et abordables pour régler le sort de tous les mal-logés à Laval.
Cette année, par exemple, le taux de disponibilité pour les logements de 3 chambres à coucher et plus s’établit à 0,7 %. C’est quatre fois sous le seuil d’équilibre fixé à 3 %, note Mme Dubé. «Les gens ont besoin de changer de logement, mais ne trouvent rien à leur budget», déplore celle qui agit également à titre de conseillère en logement auprès de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de la région.
Autre écueil majeur: des hausses de loyer abusives qu’elle observe depuis deux ans et dont elle tient pour responsable «la nouvelle cohorte de propriétaires [d’immeubles à revenus] qui ont acheté en pleine bulle immobilière». Résultat: «On les ramasse en détresse au bureau de l’ACEF», enchaîne-t-elle en parlant des locataires victimes de cette flambée des loyers, qui souffrent de l’insécurité du logement.
Zéro nouvelle unité en 3 ans
Depuis qu’il est au pouvoir, le gouvernement Legault n’a financé aucune nouvelle unité dans le cadre du programme AccèsLogis à Laval, dénonce Mme Dubé. Pour l’ensemble du Québec, seulement 500 unités ont été planifiées au total des 3 derniers budgets. Aux fins de comparaison, les programmations précédentes oscillaient entre 1500 et 3000 nouvelles unités annuellement, ce qui était déjà en-deçà des 5000 unités que réclamait le milieu pour combler le retard.
«Quand la ministre [des Affaires municipales et de l’Habitation] Andrée Laforest parle de 12 000 unités en développement, ça reste des unités qui étaient déjà dans la machine du temps du Parti libéral», souligne Chantal Dubé, ajoutant au passage qu’il faut attendre entre cinq et sept ans avant de voir «sortir de terre un projet»… après que la Société d’habitation du Québec (SHQ) en ait confirmé les unités.
Classe moyenne
Outre le sous-financement criant du programme AccèsLogis, visant à loger les clientèles les plus défavorisées, la crise du logement social touche maintenant la classe moyenne qui n’est même plus capable de se loger, ne manque pas de rappeler Mme Dubé en évoquant les nouveaux logements hors de prix qui poussent comme des champignons.
«Le loyer moyen inoccupé à Laval est à 1300 $ pour un 4 ½, c’est un gros scandale», s’insurge-t-elle.
En 2020, dans le Grand Montréal, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) observait une hausse de 4,2 % du loyer moyen par rapport à l’année précédente, la plus forte augmentation en 17 ans.
Les principaux acteurs oeuvrant en logement social invitent le gouvernement à s’inspirer des grandes métropoles qui investissent dans des logements à l’abri des bulles immobilières. «Pour résoudre durablement la crise du logement, la solution doit inclure un mode d’habitation complémentaire qui échappe à la seule logique spéculative», font-ils valoir.
À cet égard, le modèle de logements sociaux, communautaires et coopératifs au Québec a fait ses preuves, précisent-ils à propos des habitations à loyer modique (HLM), coopératives (COOP) d’habitation et organismes sans but lucratif (OSBL) d’habitation.
Les organisations signataires de la lettre expédiée le 4 novembre à François Legault sont le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, le Chantier de l’économie sociale, Vivre en Ville, l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), le Réseau des OSBL d’habitation, le FRAPRU et la Confédération québécoise des coopératives d’habitation.
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