«Six collègues de mon équipe et plusieurs membres de leur familles ont été testés positifs à la COVID-19 à cause de l’inaction et l’intransigeance de notre employeur, déplore Josée McGrath, une employée d’Info-social Laval. J’ai décidé de lever l’omerta pour tous les employés de la santé qui subissent cette même situation à la grandeur de la province.»
Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre et à la ministre de la Santé, Josée McGrath dénonce «une situation de crise sans précédent dans l’équipe d’Info-social Laval parce que les consignes émises par l’INSPQ en matière de santé et sécurité au travail n’ont pas été respectées par son employeur.»
Depuis le 23 mars, les employés d’Info-social Laval ont exprimé à l’employeur leur inquiétude face au manque de mesures de sécurité et santé au travail dans leurs bureaux situés au 4250, boulevard Dagenais Ouest.
«Je suis choquée aussi du fait que seulement certains bureaux ont été désinfectés les 6 et 7 avril, alors que depuis le 27 mars, 4 employés avaient reçu des tests positifs et au moins 10 membres de leurs familles avaient aussi été infectés», explique-t-elle.
Josée McGrath trouve «déplorable et honteux» que le syndicat et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) doivent intervenir pour que les bureaux soient nettoyés et que l’équipe puisse finalement travailler en sécurité.
Pour sa part, le Centre intégré de la santé et des réseaux sociaux (CISSS) de Laval affirme que «toutes les mesures ont été prises rapidement dès qu’on a été mis au courant des cas positifs au 811, a indiqué Judith Goudreau, la responsable des communications. De même que la CNESST a produit un rapport favorable à la suite de ces cas confirmés dans un lieu de travail.»
Télétravail possible ?
«On a demandé de faire du télétravail, mais notre employeur refuse, raconte Mme McGrath. J’ai des collègues qui pleuraient dans la voiture avant de rentrer au travail alors que mon équipe est des plus essentielles. Nous sommes à l’écoute de la souffrance et détresse de la population en ce temps de crise sanitaire.»
Selon le CISSS de Laval, le télétravail n’est pas possible parce que «la technologie softphone utilisée dans le système téléphonique provincial d’Info-social ne permet pas des appels à distance.»
Mme McGrath soutient que les mesures d’accommodement et de prévention pour assurer la sécurité devraient être aussi importantes chez les travailleurs de la santé.
«Je sais qu’il suffit d’acheter des licences pour que le système softphone puisse être utilisé à distance, ajoute-t-elle. Je me demande pourquoi aucune solution n’est proposée pour le télétravail.»
Problématique généralisée
«Je veux porter à votre attention ce que mon équipe a vécu n’est pas un cas isolé», écrit Josée McGrath vers la fin de sa lettre adressée au premier ministre François Legault.
Cette travailleuse, qui cumule plus de 20 ans d’expérience, a reçu une quarantaine d’appuis de syndicats et professeurs universitaires en travail social.
Marjolaine Goudreau, présidente du RECIF (association des intervenants sociaux du Québec) témoigne que cette réalité est vécue par de nombreux travailleurs sociaux. Ces derniers vivent de l’insécurité physique et psychologique, partout au Québec.
«Les consignes données aux travailleurs sont toujours contradictoires, s’exclame-t-elle. Dans la même semaine, les consignes peuvent changer tous les jours. Les directives ne sont pas les mêmes d’un CISSS à l’autre ou d’un coordonnateur à l’autre. La situation est toujours chaotique au niveau de la communication.»
Le RECIF continue de recevoir plusieurs témoignages de travailleurs sociaux en détresse psychologique.
«L’information d’en bas ne monte pas en haut et celle d’en haut ne se rend pas en bas, explique une travailleuse sociale du CISSS de Laval qui veut garder l’anonymat. Jusqu’à la semaine dernière, j’allais encore d’un CHSLD à l’autre. Je n’ai commencé à porter des masques que depuis Pâques. De plus, personne ne répond à nos questions. Aucune formation pour les nouveaux employés. Aucune directive claire.»
Le RECIF affirme qu’au niveau des directives, il est toujours difficile de suivre les consignes puisqu’il y a une lourdeur dans la bureaucratie et gestion.
«Le CISSS de Laval recrute toujours du nouveau personnel pour Info-social Laval, mais les consignes ne sont pas toujours claires, précise Josée McGrath, l’employé d’Info-social. Dans le babillard du bureau, c’est encore écrit que les employés doivent porter des masques si on a des symptômes alors qu’il est clair que les personnes avec des symptômes doivent être envoyées à la maison.»