Tout juste en aval du barrage du Grand-Moulin, situé au confluent du lac des Deux-Montagnes et de la rivière des Mille-Îles, les travaux d’aménagement d’une frayère pour le doré jaune et l’esturgeon jaune sont fraîchement complétés.
Cette frayère est le fruit du plan de compensation pour les pertes et dommages causés à l’habitat du poisson dans la foulée des travaux du Réseau express métropolitain (REM), dont la facture totale s’élève à 7,95 milliards de dollars. Le coût de construction de ce site de reproduction demeure toutefois confidentiel.
7000 mètres carrés
Couvrant près de 7000 mètres carrés du côté sud de la rivière face à l’île Turcotte, la frayère se trouve à quelque 30m de la grève bordée par la rue les Érables vis-à-vis les quatre immeubles de copropriétés de Laval-sur-le-Lac.
De dimension comparable à un terrain de soccer, cette vaste surface aménagée équivaut à l’ensemble des superficies d’empiètements permanents et temporaires en milieux aquatiques ayant pu détruire ou modifier de façon irréversible l’habitat du poisson, telles que définies à la Loi sur les pêches.
«Notre démarche environnementale est inspirée des meilleures pratiques de l’industrie et est basée sur trois piliers: éviter, minimiser et compenser, tient à précise Emmanuelle Rouillard-Moreau, conseillère aux relations médias pour CDPQ Infra. Lorsque nous ne parvenons pas à éviter complètement l’impact lié à la construction du projet, nous tentons de le minimiser et nous venons, finalement, compenser ce qui n’a pas pu être évité».
Tour de force
L’ironie du sort a voulu que la rivière des Mille-Îles, qui accueille le projet de compensation, ne subisse aucun impact lors des travaux menés sur le pont ferroviaire qui surplombe l’île Boisée, qui voisine avec l’île Turcotte.
Un tour de force attribuable à une méthode de construction novatrice utilisée par le consortium NouvLR, fait valoir en entrevue au Courrier Laval Élizabeth Boivin, directrice Environnement à CDPQ Infra.
«Notre entrepreneur a foré de nouveaux pieux à travers les piliers du pont de la structure existante pour s’ancrer dans le roc du lit de la rivière, ce qui fait en sorte qu’on n’a mis aucune jetée ni aucun nouveau pilier dans l’eau.»
Site tout désigné
En 2017, avant même la mise en chantier du REM, le promoteur avait déjà identifié cette portion de la rivière des Mille-Îles comme le site tout désigné en raison de la présence d’une «multitude de frayères» observée autour de l’île Turcotte, notamment dans le bras de rivière du côté de Deux-Montagnes, où se reproduisent le doré et l’esturgeon jaunes en période de fraie. Ce choix allait d’ailleurs être approuvé par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs ainsi que par Pêches et Océans Canada.
Recréer un habitat naturel
Sous la supervision de biologistes, les travaux en rivière ont été lancés à la mi-juillet suivant la fermeture temporaire des trois vannes du secteur sud du barrage du Grand-Moulin.
«On a dû construire deux batardeaux pour étanchéiser le fond de la rivière et nous permettre de travailler à sec le plus possible», relate Élizabeth Boivin. Une fois l’eau pompée et la zone de travail asséchée, la firme Indy-Co a procédé à l’excavation du roc à l’aide d’un marteau piqueur.
Selon la modélisation hydraulique, le lit du cours d’eau a été creusé entre 40 centimètres et 1,2 mètre de profond. Une opération rendue nécessaire en raison de l’affleurement rocheux qui empêchait les poissons de venir frayer, explique la directrice de la division Environnement chez CDPQ Infra.
S’en est suivi le remblai de substrats propices à la reproduction du doré jaune et de l’esturgeon jaune. Au terme de l’exercice, ce sont 4300 mètres cubes de galets ronds de rivière qui ont été déversés en plus de 16 grosses pierres.
Étapes à venir
Les batardeaux ayant été démantelés, les gestionnaire du barrage ont le feu vert pour rouvrir les vannes du secteur sud, ce qu’ils prévoient faire dès le début du mois d’octobre.
En 2024, après la crue printanière, on s’affairera à la stabilisation et la remise en état de la berge où une trentaine d’arbres ont dû être abattus en mars dernier pour permettre l’accès au chantier. La revégétalisation des lieux incluant la plantation d’arbres se fera à la satisfaction du Service de l’environnement et de l’écocitoyenneté de la Ville, indique le promoteur.
Enfin, pour les sept années à venir, CDPQ Infra verra à assurer un suivi environnemental quant à l’évolution et l’efficacité de la nouvelle frayère.