Des travaux de déboisement entrepris l’automne dernier sur une terre bordant le rang du Bas-Saint-François à l’est de la rue des Tisserands se sont intensifiés à la mi-mai, semant l’inquiétude dans le voisinage.
Épagnés jusque-là, les derniers arbres qui formaient un écran entre la terre agricole et les cours arrière et latérale des quelques habitations du secteur ont été soudainement anéantis par la machinerie lourde, se sont plaints les citoyens auprès de la Municipalité.
Celle-ci a réagi promptement, déclenchant une ronde d’inspections les 19, 23 et 24 mai impliquant les Services de l’urbanisme et de l’environnement et de l’écocitoyenneté de même que l’équipe de foresterie urbaine relevant du Service des travaux publics.
Empiètement dans la bande riveraine
Si la coupe d’arbres ne requiert aucun permis d’abattage dans un boisé non protégé situé en zone agricole permanente pour des travaux aux fins d’activités agricoles, ce qui est le cas pour le projet de culture en serre actuellement en développement, il est toutefois interdit d’empiéter dans la rive d’un cours d’eau.
Or, les inspecteurs municipaux ont constaté qu’une trentaine d’arbres et d’arbustes avaient été rasés dans la bande de protection riveraine «côté ouest» sur une superficie équivalente à 690 mètres carrés dans la portion sud du terrain.
«Le propriétaire devra renaturaliser la bande riveraine de 3 mètres par la plantation d’arbres et d’arbustes et stabiliser les berges également», indique dans un échange de courriels la porte-parole de la Ville, Nesrine Saci.
En milieu agricole, les producteurs ont l’obligation légale de maintenir une bande de végétation minimale de trois mètres le long des cours d’eau afin de prévenir la dégradation et l’érosion des rives et ainsi maintenir et améliorer la qualité de l’eau, stipule la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables.
Versions contradictoires
«Nous n’avons jamais eu cette information-là», s’est défendu l’un des promoteurs derrière le projet Les Serres Laval, Alexandre Dos Santos, lors d’un entretien téléphonique, précisant qu’il avait pris soin de consulter la Ville au départ. «Ce qu’on nous a mentionné clairement, c’est qu’en passant par le rang du Bas-Saint-François, on pouvait tout raser», ajoute-t-il.
Tout autre son de cloche du côté de l’administration municipale, qui soutient que des «mises en garde à cet effet avaient été données par les représentants de la Ville» lors d’une intervention effectuée l’année dernière. À cette occasion, un inspecteur de l’Urbanisme et un représentant de la Foresterie urbaine et de Laval économique avaient «rencontré les propriétaires sur les lieux afin de répondre à leurs questions». Aucun empiètement dans la bande de protection riveraine n’avait alors été constaté.
Le promoteur s’en tire à ce jour sans constat d’infraction en raison du fait que «la coupe d’arbres et l’aménagement de terrain sont autorisés dans le cadre d’une activité agricole», explique la Ville.
Le Ministère n’exclut aucun recours
Pour sa part, la Direction régionale du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) dit n’exclure aucun recours.
«Le Ministère effectue des vérifications, indique son porte-parole Frédéric Fournier dans un courriel du 29 mai. Advenant le constat de manquements à la législation environnementale, les suites appropriées seront données en conformité avec la Directive sur le traitement des manquements».
C’est au Centre de contrôle environnemental qu’incombe la responsabilité de voir au respect des lois et règlements en pareille matière et d’appliquer les sanctions administratives pécuniaires, le cas échéant.
Ultimatum de 14 jours
Par ailleurs, le 23 mai, le nouveau propriétaire lançait un ultimatum aux résidents du rang du Bas-Saint-François et de la rue des Tisserands, les enjoignant à «retirer tout bien ou construction» aménagé sur son terrain «dans un délai de 14 jours».
«Aucun empiètement ne sera toléré et nous nous réservons l’ensemble de nos recours», termine la signataire de la lettre, Fallon Paquin, au nom de l’entreprise propriétaire.
Au téléphone, le président de l’entreprise, Alexandre Dos Santos, disait être prêt à fermer les yeux sur les remises de jardin qui empiètent de quelques pieds dans la partie sud de la parcelle de 23 hectares acquise en juillet 2022.
Dans le cas de l’immeuble à logements sis au 5255, rang du Bas-Saint-François, dont les 16 mètres linéaires de stationnement occupent sa terre, il propose de concéder une allée de 5 à 6 pieds le long du bâtiment pour permettre aux locataires de garer leur voiture.
Pour ce qui est des cabanons, de la clôture, de la haie de cèdres et de la piscine qui débordent de 4 à 12 mètres sur sa propriété, l’homme d’affaires demeure intraitable. Ces installations devront être retirées, dit-il, non sans rappeler qu’elles ont été aménagées sans autorisation.
Terre morcelable
Accepterait-il de vendre la portion de sa terre squattée par les riverains si ces derniers en faisaient la demande? «C’est pas qu’on ne veut pas», répond M. Dos Santos, faisant valoir qu’une terre agricole ne peut être morcelée pour servir à d’autres fins.
Vérification faite auprès de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) «exige, selon la situation, une autorisation ou une déclaration d’exercice d’un droit pour procéder à l’aliénation ou au lotissement d’un lot en zone agricole».
Cela dit, il existe des exceptions selon lesquelles une cession peut être effectuée sans autorisation, ajoute la conseillère en communication à la CPTAQ, Marie-Claude Masson. «Par contre, en vertu des lois sous notre responsabilité, rien n’oblige un propriétaire à céder ou vendre; cela reste à sa discrétion», précise-t-elle.
Culture en serre
Alexandre Dos Santos et son associé Simon Léveillé projettent, entre autres, ériger quatre serres industrielles de 100 000 pieds carrés chacune pour y cultiver des fruits et légumes à l’année. Ils poursuivent le double objectif d’offrir à la population des produits frais du Québec et de réduire d’autant les importation des produits maraîchers et , conséquemment, les émissions de gaz à effet de serre liées à leur transport.
À quand la mise en chantier d’une première serre? «On souhaite que ça se fasse vite», se limite à dire M. Dos Santos, qui n’a pas encore déposé de demande de permis de construction.