«La personne qui m’a alors appelé n’arrêtait plus de crier, en panique, de relater le vétéran du 911. Elle essayait de parler mais rien ne sortait. Je ne comprenais rien.»
«Le plus dur, c’est justement quand on ne réussit pas à obtenir la collaboration des gens qui appellent, de continuer Sophie Gabouriault, en poste depuis 26 ans. D’autant plus quand c’est une langue étrangère, que la personne ne parle ni français ni anglais, cela rend notre tâche plus complexe.» Heureusement, une équipe de traducteurs appuie l’équipe du 911.
Alors que Marc Céré tentait d’apaiser la personne, un autre opérateur recevait l’appel de témoins qui avaient entendu les coups de feu. «Dans une telle situation, notre job est de calmer le jeu et récupérer un maximum d’informations pouvant être utiles aux policiers: descriptions de suspect et véhicule, fil des événements, de souligner Joëlle Poulin, l’une des deux coordonnatrices des opérations. Tout ce qui peut servir à l’enquête.»
Introduction par effraction
En 2013, une adolescente de 15 ans étudie pour le prochain examen. Elle entend frapper à la porte, regarde par la fenêtre et ne voit rien. Or, avant de se rasseoir, elle entend la vitre de la porte patio arrière exploser en miettes. C’est à ce moment qu’elle contacte le 911. Vincent Thibault est au bout du fil.
«Je lui ai demandé de se cacher dans un endroit sûr, se souvient-il. Elle a choisi la salle de bain. Elle chuchotait et derrière, j’entendais le voleur parler à un complice sur son cellulaire, lui disant qu’il y a de la grosse argent et une belle télé. J’ai dit à l’adolescente de se taire et juste respirer.»
La tension augmente vertigineusement quand Vincent Thibault entend la porte de la pièce s’ouvrir quelque temps puis se refermer. Ce junkie venant tout juste de sortir de prison finira par s’enfuir bredouille.
«Son complice devait avoir entendu l’auto-patrouille s’approcher, croit-il. Peu après, mon collègue recevait l’appel d’un voisin qui venait de voir quelqu’un se cacher sous sa galerie. Les policiers ont arrêté notre spécimen.»
En juin 2013, Vincent Thibault a remis une plaque à la jeune femme lors de la cérémonie annuelle des actes de mérite et de civisme pour le courage démontré dans des circonstances aussi dramatiques. «En plus de la féliciter, je tenais surtout à savoir comment le voyou ne l’avait pas vue. Elle m’a dit s’être dissimulée derrière la porte-miroir en vitre givrée de la douche!»
Accident rare
C’est aussi Vincent Thibault qui était de garde quand, de retour d’une fête, un jeune couple a effectué plusieurs tonneaux sur l’autoroute 13, en juin 2012. Pendant que son copain hurlait de douleur, un tuyau de clôture transperçant son corps de bord en bord après qu’il ait été projeté à travers le pare-brise, la jeune femme terrorisée appelait le numéro d’urgence.
«Le défi était de tranquilliser suffisamment la petite amie du conducteur pour l’amener à me révéler du mieux qu’elle pouvait l’emplacement précis de l’accident, de dire l’opérateur. Ça n’avait pas été évident!»
Détresse humaine
Aujourd’hui chef d’équipe et présente au Centre d’appels depuis 1994, Anick Doucet n’a jamais oublié un petit matin d’il y a 20 ans, quand un enfant de 7 ans lui a raconté qu’il venait de trouver sa maman couchée sous l’eau. «Je me suis empressée de prendre les informations de base l’adresse, l’endroit où se trouve le papa, s’il y a une voisine proche qui peut l’aider. Je n’ai jamais su la fin de l’histoire.»
Il en ira malheureusement autrement lorsqu’une dame lui confie sa détresse alors que son conjoint dépressif est sorti à l’heure du souper et ne donne plus de nouvelles. «J’ai entendu le fils de 10 ans rentrer d’une inspection à vélo et lui révéler calmement qu’il venait d’apercevoir son beau-père pendu sur le bord de la rivière. Malgré son malheur, elle lui a répondu: je vais aller le détacher.»
Suicide raté
Joëlle Poulin, l’une des deux coordonnatrices des opérations, peine toujours à se souvenir d’anecdotes passées. «J’ai toujours pris ce qui arrivait, gérer du mieux que je pouvais pour passer ensuite à autre chose, sans plus», dit-elle.
N’empêche, un de ses appels est demeuré célèbre. «L’infirmière d’un complexe immobilier nous appelle parce qu’une femme vient de sauter du 8e étage, mentionne-t-elle. Et là, j’apprends que la suicidaire se trouve bien debout, derrière l’infirmière, avec une simple égratignure au nez. On a retrouvé l’empreinte de ses lunettes dans le gazon. Sa mère, qui semblait habiter le même logement, a juste rétorqué: elle se rate tout le temps!»