En plus de décrire comment elle a dû se placer entre ses élèves et un autre enfant qui lançait crayons et effaces, l’enseignante comptant 11 ans d’expérience a relaté qu’elle a reçu des menaces de mort à plusieurs reprises. «Quand tu vas sortir, je vais t’enfoncer mes ciseaux dans le dos et si tu te retournes, tu vas les avoir dans le coeur», lui a lancé une élève à qui elle avait demandé de faire son travail.
Dans la cour d’école, un élève à qui elle avait demandé d’enlever sa casquette avant d’entrer lui a fait signe qu’il allait lui couper la gorge avant de lui dire: «Tu vas en manger toute une.»
C’est avec émotion que Mme Corbeil relate ces épisodes. Elle confie qu’elle doit se contenir quand elle fait face à ces gestes violents. «J’ai 20 élèves qui m’attendent, je dois prendre sur moi. Je n’ai pas le temps d’aller prendre un verre d’eau. Je dois faire comme si j’étais en contrôle, continuer comme si de rien n’était», raconte-t-elle.
Dès le préscolaire
Le sondage mené par Léger Marketing et auquel 2284 enseignants membres de la FAE ont répondu montre que la violence est présente dès le préscolaire. Parmi les répondants, 85 % ont indiqué avoir été victimes de violence psychologique ou verbale et la moitié ont fait face à de la violence physique. Au préscolaire et au primaire, 69% des enseignantes et 57 % des enseignants en ont été victimes. Pour 11 % des enseignants, la violence physique à laquelle ils font face est régulière.
Au préscolaire et au primaire, plus de 60 % des enseignants rapportent que la violence psychologique et verbale était le fait d’un parent. Dans 97 % des cas de violence physique, les gestes avaient été commis par le élèves.
Selon M. St-Germain, l’intégration massive des élèves ayant des troubles de comportements, sans service, accentue le problème de la violence. «Il faut des locaux pour calmer un élève en crise et le ramener à la réalité, estime-t-il. Quand on doit faire sortir tous les élèves (parce qu’un élève est en crise), ce sont eux aussi qui subissent le manque de service.»
Dans tous les milieux
Le sondage montre que la violence est présente dans tous les milieux. Ce que confirme Kateri Corbeil. «Dans les milieux plus favorisés, il y a plus d’enfants-rois. Il y a plus de crises et de hurlements, mais pas moins de coups», dit-elle.
Quant aux parents, Kateri Corbeil ne leur lance pas le blâme. «Dans la majorité des cas, ce sont de bons parents. Certains sont mal à l’aise et s’excusent pour l’attitude de leur enfant, mais d’autres le protègent», déplore Mme Corbeil.
Pierre St-Germain, président de la FAE, insiste sur l’importance d’obtenir le soutien des parents. «Ils sont les premiers à intervenir», note-t-il.
Conséquences
Le sondage montre que la violence a des répercussions sur la santé des enseignants. Chez 14 % d’entre eux, les abus ont mené à un arrêt de travail. Léger Marketing rapporte aussi que 45 % des enseignants victimes de violence songent à quitter la profession.
Questionnée à savoir si elle remettait parfois son choix de carrière en doute, l’une des enseignantes présentes lors de la conférence de presse a ironisé: «Vous voulez dire combien de fois par an?»
Actions
Le FAE, qui regroupe neuf syndicats, demande aux directions d’école de mieux soutenir les enseignants qui rapportent des cas de violence. Le sondage montre d’ailleurs que huit fois sur dix, les enseignants qui ont reçu du soutien de leur école l’ont jugé adéquat.
«Souvent les directions vont demander à l’enseignant, ‘‘Qu’est-ce que tu as dit pour le provoquer?‘‘», dénonce pour sa part Chantal Crochetière, présidente du Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, qui aimerait que les directions aient le réflexe d’appuyer les enseignants et de rencontrer les parents.
La FAE exige que les commissions scolaires et le ministère de l’Éducation se dotent d‘un plan d’action. La Fédération annonce qu’elle lancera le sien cet automne, afin de faire connaître aux enseignants leurs droits et les inciter à signaler les actes de violence.