La mort par électrocution d’un jeune couvreur survenu sur un chantier résidentiel, le 22 octobre 2012 dans Chomedey, aurait pu être évité.
Dans son rapport d’enquête, rendu public le 13 mars, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) identifie une planification déficiente du travail pour expliquer la cause de l’accident, qui a coûté la vie à Pierre-Luc Chalifoux.
Les mis en cause sont l’auto-constructeur, qui agissait comme maître d’œuvre du chantier, et le sous-traitant Les Toitures PL Nepveu inc.
Ni l’un ni l’autre ne disposait d’un programme de prévention identifiant les dangers spécifiques à un chantier, tel que l’exige la Loi sur la sécurité et la santé du travail.
«Le maître d’oeuvre n’avait émis aucune directive concernant la santé et la sécurité [des travailleurs] et le sous-traitant n’avait prévu aucun mécanisme de vérification du respect des règles», explique l’inspecteur et ingénieur Jean-Paul Otsama, à la CSST régionale de Laval.
Tous deux sont passibles d’une amende oscillant entre 1542 $ et 3084 $, selon le constat d’infraction qui leur a été délivré, la semaine dernière. Ils ont jusqu’au 5 avril pour le contester.
Manœuvre dangereuse
Le jour fatidique, la méthode utilisée par le couvreur et contremaître Pierre-Luc Chalifoux pour déplacer l’échelle à proximité de lignes électriques était dangereuse, indique le rapport.
Fixant les bardeaux d’asphalte sur la toiture avant d’une maison de 2 étages, le travailleur déplaçait l’échelle alors que celle-ci était déployée sur une hauteur de 7,8 mètres et que la ligne électrique la plus rapprochée de la maison s’élevait à seulement 6,4 mètres du sol.
L’enquête a aussi révélé qu’au moment de l’incident, le travailleur était contraint à passer dans un corridor de 0,8 mètre. Voilà la distance entre la projection au sol de la ligne électrique de 14 400 volts et le système de coffrage de l’escalier d’entrée qu’il devait contourner avec, au bout des bras, une échelle en aluminium de 28 kilogrammes à maintenir en équilibre.
L’instant suivant, ses deux collègues ont aperçu une boule de feu et entendu un cri avant de retrouver M. Chalifoux au sol. Ce dernier a été transporté d’urgence à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, où il a rendu l’âme quelques jours plus tard.
La CSST rappelle que lors de travaux à proximité de lignes électriques de moins de 125 000 volts, la distance minimale d’approche prescrite par le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) est de 3 mètres.
Chargés de l’enquête, les inspecteurs Jean-Paul Ostama et Maxime Robert ont aussitôt ordonné l’arrêt des travaux et, avant de lever l’interdiction, exigé à Les Toitures PL Nepveu d’élaborer une méthode de travail sécuritaire, et ce, autant pour la pose des bardeaux d’asphalte, la manutention des échelles que pour la formation et la supervision des travailleurs.
La CSST lui a notamment interdit d’utiliser des échelles sur la façade de la maison et a obligé l’entreprise à rabattre les échelles avant de les déplacer à l’horizontale.
Recommandations
Quatre mois plus tôt, le 6 juin 2012, un travailleur avait perdu la vie dans les mêmes conditions à Saint-Jérôme, déplore Jean-Paul Otsama.
Afin d’éviter qu’un tel accident ne se reproduise, la CSST demandera à l’Association des Maîtres Couvreurs du Québec et à l’Association des entrepreneurs en construction du Québec d’informer leurs membres des conclusions de cette enquête.
Dans la même foulée préventive, le ministère de l’Éducation diffusera à titre informatif et à des fins pédagogiques le rapport d’enquête dans les établissements de formation professionnelle et technique offrant les programmes liés à la pose de revêtement de toiture, la charpenterie et menuiserie et à l’entretien général d’immeubles.
Le directeur régional à la prévention et l’inspection de la CSST, Mohamed Aiyar, a pour sa part indiqué qu’en 2012, son équipe d’inspecteurs avait délivré quelque 360 constats d’infraction à Laval.
«Le montant des amendes a triplé ces dernières années pour inciter les employeurs à se prendre en charge et ainsi assurer une saine gestion de la santé et la sécurité sur leurs chantiers», a-t-il fait valoir.