À partir du moment où un bâtiment destiné à accueillir des personnes âgées respecte les conditions d’aménagement exigées au règlement municipal, la suite des choses est bien souvent hors du contrôle de la Municipalité, considérant que celle-ci n’a pas le pouvoir de discriminer en fonction de l’âge des citoyens.
D’ailleurs, la règlementation ne définit aucunement l’âge d’une personne âgée, ce qui laisse libre cours aux gestionnaires de ces résidences de vendre ou louer leurs unités d’habitation comme bon leur semble.
En somme, les Villes sont «obligées de se fier à la bonne foi du promoteur», explique Danielle Pilette, professeure associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQÀM et spécialiste en urbanisme et gestion municipale.
Solution
Pour Mme Pilette, le recours à un «urbanisme discrétionnaire» est la solution qui permettrait aux Villes de s’assurer du respect de la vocation des permis d’occupation qu’elle délivre pour des habitations dites pour personnes âgées et, du coup, d’assurer la conformité des usages au zonage prescrit.
«Ce qu’il faut faire à mon sens, c’est premièrement revoir le plan d’urbanisme, dit-elle tout en précisant le fait de contingenter le nombre de résidences et prévoir à l’avance les zones où elles seront permises. En dehors de cela, toutes demandes déposées nécessiteraient un projet particulier de construction [PPC]».
Cela ferait en sorte qu’une administration municipale puisse non seulement imposer des conditions et critères plus élevés, mais exiger d’un promoteur qu’il fasse la preuve de son expertise en matière de construction et/ou d’exploitation en matière de résidences destinées aux personnes âgées. «On pourrait, par exemple, exiger d’un promoteur qu’il ait réalisé ou opéré 5 résidences dans les 10 années précédentes […] C’est la beauté des instruments discrétionnaires», poursuit l’universitaire.
Ratio de stationnement à revoir
Par ailleurs, Danielle Pilette remet en question les normes urbanistiques réduisant le ratio des cases de stationnement pour une habitation de personnes âgées.
«Dans la plupart de ces résidences, il y a un grand manque de stationnement. Même les visiteurs ne trouvent pas à stationner», soutient-elle, ajoutant que ce sont les résidents autour de ces immeubles qui doivent composer avec toutes ces voitures garées en bordure de rue.
Cela dit, les gestionnaires de résidences pourraient toujours louer les cases excédentaires à des gens de l’extérieur. «C’est ce qui se fait à Montréal et ils trouvent très facilement preneurs auprès de résidents ou commerçants. Même à Laval, on constate qu’il n’y a pas suffisamment de stationnement. Les rues sont sur-sollicitées», fait valoir Mme Pilette.
Enfin, si la Ville rehaussait le ratio à 1,5 véhicule par unité de logement, les promoteurs de tours d’habitation s’en trouveraient soudainement moins tentés de déposer une demande pour un permis de résidences pour aînés.
Mine de rien, en raison des coûts astronomiques associés à l’aménagement de cases de stationnement en sous-sol d’un bâtiment, tel qu’exigé pour la grande majorité de ces espaces requis, le ratio actuel de 0,88 case par unité qui prévaut pour les résidences de personnes âgées représente une économie qui se calcule en millions de dollars pour un promoteur de gratte-ciels.
À point nommé
Les observations livrées par cette spécialiste en gestion municipale tombe à point nommé puisque la Ville lance ce soir, mardi 21 mai, une démarche interactive sur la révision de ses règlements d’urbanisme.
«Cet exercice est une opportunité sans précédent de réfléchir aux meilleurs outils permettant de traduire la vision d’avenir de la Ville décrite dans le schéma d’aménagement», fait valoir l’administration Demers dans un communiqué où elle invitait les Lavallois à la présentation du projet de révision règlementaire ainsi que la démarche qui sera déployée au cours des prochains mois.
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