Cet automne, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval a lancé un projet unique pensé par une de ses équipes, Les veilleuses de nuit, afin d’aider des familles souvent attristées, mais aussi dépassées par la fin de vie d’un proche.
C’est un projet de longue date que le CISSS de Laval a réussi à mettre en place.
«La mission des veilleuses de nuit, c’est d’apporter un répit dans les trois dernières nuits de vie aux familles qui s’occupent des usagers», explique la cheffe de service en soins palliatifs à domicile, Sylvie David.
Le projet provient d’une initiative personnelle née en 2018 avant d’être essayée sur le terrain.
«Ça n’existe pas nulle part ailleurs, de continuer Sylvie David. Nous, on l’a fait de l’intérieur, On a commencé en 2018 pour ensuite le tester durant des nuits en 2019 pour voir comment ça allait. Ensuite, la pandémie est arrivée».
Sur la glace
La pandémie apportant ses complications, la logistique du projet est devenue irréalisable. L’équipe des veilleuses de nuit a dû se résigner à mettre son projet sur la glace pour un temps indéterminé.
«Nous n’avions pas de masque pour aller à domicile et ainsi, protéger les travailleurs qui devaient se rendre auprès des familles. Il faut dire, aussi, qu’il faut être au domicile des patients pendant huit heures, ce qui ne simplifiait pas les choses».
Ne sachant pas quand les veilleuses allaient pouvoir recommencer leur mission, l’équipe a décidé d’utiliser ce temps pour consolider son projet.
«Cet arrêt m’a tout de même permis de débloquer des postes et ne plus être en expérimentation, c’est-à-dire d’avoir une pratique courante, affirme Sylvie David. Maintenant, dans nos services, nous devons avoir une veilleuse de nuit, soit avoir une présence professionnelle le jour, soir et la nuit».
Plus complexe qu’il ne paraît
Le projet d’origine lavalloise a été présenté au Congrès de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec (OIIAQ), le 12 octobre.
Avec la nature du projet et les horaires de nuit, la mise en place comportent plusieurs défis logistiques.
«C’est très chargeant sur une personne et c’est pour cela qu’on veut ouvrir un peu plus de postes. Juste le fait qu’il soit question d’un poste de nuit, ce n’est pas très attractif. Beaucoup préfèrent travailler de jour, donc les candidats manquent à l’appel. De plus, c’est vraiment une spécialité, les soins palliatifs. Ça demande une formation spécialisée et un intérêt particulier pour cette clientèle».
La mort n’est jamais facile à côtoyer. «On ne veut pas toujours la voir, bien sûr, alors ça prend une équipe solide pour accompagner les gens», de préciser Sylvie David.
Veilleuse de nuit
Julie Dubé, infirmière auxiliaire, est la première veilleuse de nuit en pratique au sein des soins palliatifs. Au-delà de la complexité du travail, Mme Dubé doit aussi mettre en confiance autant la famille que la personne en fin de vie, et ce, dans un délai très court.
«La première chose est de prendre contact avec la famille, commente Julie Dubé. Quand j’arrive chez les gens, je jette un coup d’œil rapide sur la personne que je dois veiller. Cependant, ce qui est prioritaire, c’est le contact avec la famille. Ils vont me laisser leur proche, donc je dois vraiment prendre le temps d’établir le contact et ainsi m’assurer qu’un lien de confiance est installé. Quand cette étape est faite, j’invite la famille à venir avec moi pour faire les premiers soins, afin qu’ils voient ma façon de travailler, ma façon de faire».
La veilleuse de nuit doit aussi expliquer ce qu’elle doit observer durant son travail.
«En même temps que mes tâches connexes, j’en profite pour faire l’enseignement des symptômes que je suis capable d’observer. Je fais aussi un topo aux gens de ce que je ferai. Quand le lien de confiance est établi, les familles n’ont plus qu’une envie: aller se coucher!»
Julie Dubé explique aussi à quel point les familles sont fatiguées et marchent sur l’adrénaline. Cependant, quand le lien de confiance, qui est primordial, est bien établi, elles acceptent d’aller se reposer.
«Le lendemain de mon arrivée, par exemple, ils me connaissent, m’ouvrent la porte et me disent: « Julie regarde, les documents sont là, je vais au lit », alors je sais que la confiance est installée, car ils me confient leur proche, leur maison, ils me confient tout finalement. Donc ça, c’est vraiment l’essentiel quand je commence, la personne à soigner et les proches».
Si un tel travail peut sembler laborieux et en effrayer plus d’un, Mme Dubé explique que pour elle il est davantage question d’une suite logique dans sa carrière.
«Ça faisait longtemps que je travaillais aux soins palliatifs du CISSS de Laval, raconte Julie Dubé. Cependant, moi, je voulais plus. Depuis longtemps, je voulais travailler en soins à domicile. J’accède vraiment à ce que je souhaitais dans ma carrière».
Mme Dubé poursuit en confiant que si le travail de nuit peut être dur, il est surtout très enrichissant, selon elle.
«Le fait de travailler de nuit apporte une proximité avec les proches qui est complétement différente. J’ai un sept heures trente complet avec le patient et ses proches. Alors vous pouvez imaginer les échanges que j’ai avec eux. C’est hyper enrichissant de travailler ainsi, même si c’est une contrainte sur un horaire de travail».
Agissant en précurseur avec un tel projet, l’équipe de soins palliatifs à domicile du CISSS de Laval espère désormais ouvrir plus de postes pour des veilleuses de nuit comme Julie Dubé, espérant aussi voir le projet faire des petits ailleurs au Québec.