Libéré de son devoir de réserve qui l’empêchait d’occuper l’espace public comme il aurait souhaité, l’ex-fonctionnaire scientifique à l’emploi d’Environnement Canada dresse le bilan de ses recherches et observations colligées sur le terrain pendant plus de trois décennies.
Hippocrate
«Dans mes jeunes années de météorologue, je voyais bien l’impact sur la population d’un épisode de smog, mais je ne devais pas commenter la chose dans mes rapports quotidiens avec les journalistes, explique-t-il. Je devais me confiner à la météo et ne pas aborder le domaine médical.»
À l’inverse, l’Angleterre, l’Allemagne et la France recourent à des prévisions météo-santé depuis les années 1980, poursuit celui qui souhaiterait voir le Québec leur emboîter le pas.
Avec cet ouvrage, Gilles Brien dit partager ses découvertes en combinant ces deux champs d’études qu’il dit indissociables.
«Hippocrate, dans ses ouvrages, revenait souvent sur l’importance de bien connaître le climat d’une cité avant de pratiquer la médecine», note l’auteur pour étayer la thèse selon laquelle la biométéorologie remonte à des millénaires.
Cela dit, sa longue enquête sur le terrain de la pluie et du beau temps est largement teintée d’un regard lavallois, alors que plusieurs de ses recherches ont été menées et validées auprès de policiers, gardiens de prison, médecins, infirmières, caissières et serveuses de la ville-région.
Climat de violence
Si la météo forge le caractère national d’un peuple, elle influe aussi sur l’humeur au quotidien au point d’en exacerber la détresse mentale et les tendances suicidaires, affirme M. Brien, qui juge les îlots de chaleur dangereusement menaçants.
«Les premières vagues de temps chaud, en mai, provoquent toujours une hausse de comportements insolites, antisociaux. Par exemple, on observe plus d’appels à la bombe», mentionne-t-il, ajoutant au passage que les gens souffrant de problèmes mentaux sont plus particulièrement affectés par la chaleur.
«On sait que la température est reliée à l’augmentation de crimes violents», enchaîne l’expert québécois en biométéorologie, conscient des dangers que couve le réchauffement climatique.
À cet égard, une étude de l’école d’affaires publiques Kennedy de l’Université Harvard prévoit au cours des prochaines décennies une hausse de 10 % du taux de la criminalité aux États-Unis.
Au cœur de tout
De manière moins dramatique, la température affecterait également notre jugement, notre mémoire, notre concentration et notre capacité à performer.
«L’agitation des enfants avant une tempête est causée par la baisse de pression barométrique rapide qui la précède, rappelle celui qui a étudié le phénomène avec un psychologue. Les résultats de cette étude menée sur une période de six mois dans une école de Montréal sont publiés dans le livre.»
Les athlètes ne sont pas non plus à l’abri des facteurs météo, qui affectent leurs performances. À preuve, une étude documentée sur 66 saisons de hockey démontre que le Canadien de Montréal performe davantage à domicile lors des années marquées par de fortes tempêtes et des accumulations de neige record. C’est l’effet de l’acclimatation à ces conditions qui favorise le club local, précise le météorologue.
Un patron sera plus enclin à vous accorder une augmentation de salaire si celle-ci lui est demandée par une belle journée ensoleillée tout comme les femmes seront plus disposées à entreprendre une conversation avec un inconnu, poursuit Gilles Brien. «Les gens prennent plus de risque lorsque les conditions météo sont favorables.»
Bref, si on ne peut pas changer la météo, on peut à tout le moins la prévoir pour mieux s’y adapter, fait valoir l’ex-président de l’Association professionnelle des météorologistes du Québec.
Jusqu’à la vie foetale
Enfin, la météo irait jusqu’à conditionner la vie des fœtus, estime l’expert québécois en biométéorologie: «On est même affectés dans le ventre de notre mère.»
Rapidement, cette empreinte se préciserait dès les premiers mois de la vie, poursuit-il.
«On s’est rendus compte que les gens nés en été sont plus à risque de souffrir d’asthme. Les bébés exposés au pollen en avril ou mai développeront des allergies plus tard dans leur vie qu’ils n’auraient pas eues s’ils étaient nés en juin ou juillet.»
Quant aux gens nés en hiver, ils «souffriront davantage de certains types de cancer», termine Gilles Brien.