Le problème est bien présent en terre lavalloise comme le rapportait le Courrier Laval dans l’édition du 5 novembre, alors que l’agrile a été identifié dans au moins 34 des 66 pièges installés durant l’été. Les trois foyers d’infestation sont situés à Vimont et Chomedey.
Sur le sujet, le chercheur Robert Lavallée est clair: l’agrile du frêne ne pourra jamais être complètement éradiqué. «Il faudra vivre avec, mais on peut tenter de diminuer sa population.»
Depuis quelques années, ce dernier travaille en collaboration avec Dr Claude Guertin, du Centre INRS–Institut Armand-Frappier à Laval, sur un piège dont l’arme meurtrière est un champignon découvert dans les Cantons de l’Est. «C’est un champignon qui était déjà pathogène pour certains insectes, dit le chercheur du SCF. Il est virulent et tue rapidement. Lorsqu’en contact avec ce champignon, l’insecte commence à mourir en cinq jours.»
Piège Lindgren
Pour attirer l’agrile, on utilise un piège Lindgren, du nom de son inventeur Staffan Lindgren, qui comprend une série d’entonnoirs superposés donnant sur une chambre et une pochette à contamination, sur laquelle on fait pousser ce champignon. Des pièges du genre ont d’ailleurs été installés sur le site du ministère de la Défense nationale au Mont-Saint-Bruno.
«Lorsque l’agrile marche sur la pochette, il devient tout blanc. Comme cet insecte peut faire des accouplements multiples, il contamine à son tour ses partenaires. On sait que ça fonctionne, mais il est difficile de voir dans quelle mesure cela a un impact sur la population en milieu urbain puisque l’agrile se perd ensuite dans la nature», explique M. Lavallée, ajoutant que le piège avait été testé en conditions urbaines cette année avec des installations au Jardin botanique de Montréal.
En 2015, il espère pousser les tests plus loin, cette fois-ci dans les rues de la métropole.
Guêpe de Chine
Une deuxième façon d’attaquer l’agrile est par le biais d’une guêpe parasitoïde, la Tetrastichus planipennis, une minuscule guêpe amenée du nord de la Chine sur le continent par le Département de l’agriculture des États-Unis.
«En Asie, il n’y a pas de problème avec l’agrile, parce qu’il y a un équilibre dans la nature. Ici, l’agrile n’a pas vraiment de prédateurs, à part le pic-bois et certains autres insectes, mais ce n’est pas assez. C’est un insecte qui passe encore pas mal incognito», explique-t-il.
Des études ont été faites entre 2003 et 2007 sur cette guêpe, maintenant élevée au Michigan. Depuis, 550 000 Tetrastichus planipennis ont été libérées dans la nature en terre américaine. Au Canada, ce prédateur a été libéré en Ontario en 2013 et cette année dans le parc de la Gatineau.
«C’est un contrôle biologique naturel qui est relativement efficace en Chine. Il faudra cependant faire des échantillonnages sur plusieurs années pour voir l’évolution», mentionne Robert Lavallée.
Des résultats à moyen et long terme
L’arsenal biologique que sont le champignon et la guêpe aura des résultats respectivement à moyen et long terme, analyse Robert Lavallée. Malgré l’amélioration des méthodes de lutte, «nous sommes en retard dans notre détection [de l’agrile]. Chaque année compte», dit-il.
Le chercheur s’inquiète de la disparition des frênes puisqu’on sait que la présence d’arbres apporte beaucoup de bienfait à l’humain.
«À Montréal, on retrouve 20 % de frênes. S’ils venaient à disparaître, on aurait des îlots de chaleur, par exemple», souligne M. Lavallée, ajoutant qu’un parallèle est souvent fait entre l’agrile du frêne et la maladie hollandaise de l’orme, cette dernière étant toutefois causée par un champignon, transporté par un insecte.
Finalement, le chercheur applaudit la décision de la Ville de Laval de faire un inventaire des frênes qui se trouvent près d’arbres infestés, mais il rappelle également l’importance de bien surveiller ceux qui sont sur des terrains privés.