La Ville de Laval nie toute situation d’expropriation déguisée dont se dit victime le propriétaire de l’île Saint-Joseph, Luigi Liberatore, et défend le caractère raisonnable de sa décision de refuser sa demande de services municipaux.
Voilà ce qui ressort du document public déposé le 7 octobre par le Service des affaires juridiques de la Ville devant la Cour supérieure relativement au recours intenté par M. Liberatore.
À défaut de commenter le litige, en raison des procédures judiciaires en cours, la responsable des affaires publiques à Laval, Anne-Marie Braconnier, a transmis au Courrier Laval l’exposé sommaire des motifs de contestation à l’encontre de la demande introductive d’instance.
D’entrée de jeu, on signale la présence de multiples espèces protégées et le fait que des milieux humides occupent une grande partie des lots en litige, ce qui constitue une contrainte importante au développement en vertu du cadre normatif municipal et provincial.
«La délivrance d’un permis de lotissement ou de construction dans la zone concernée est notamment assujettie à l’approbation par la Ville d’un plan relatif à l’implantation et à l’intégration architecturale (PIIA), laquelle est discrétionnaire», précise-t-on.
Au même titre, la décision de prolonger ou non les infrastructures municipales (réseaux d’égout et aqueduc) afin de permettre un développement immobilier est laissée à la discrétion des autorités municipales.
«Finalement, les caractéristiques topographiques et biologiques (milieux humides, espèces vulnérables et en péril) font en sorte que plusieurs autorisations sont requises avant un éventuel développement, lesquelles pourraient ne pas être octroyées», fait valoir la partie défenderesse.
Situation connue
Par ailleurs, la Ville évoque la «jurisprudence constante» selon laquelle «on ne peut alléguer subir une expropriation déguisée relativement à un état de fait qui existait au moment de l’acquisition des lots en litige», affirmant du coup que «le développement potentiel de l’île St-Joseph» y était déjà «limité, incertain et spéculatif» en 2006.
Quant aux modifications réglementaires adoptées en 2009 (les habitations unifamiliales isolées ne sont alors autorisées que le long des voies déjà ouvertes à la circulation) et en 2011 (l’assujettissement de tout permis de construction à l’approbation d’un PIIA), elles n’ont jamais été contestées par le propriétaire de l’île, soutient la Ville. «Au moment de l’introduction des présentes procédures par la demanderesse, la réglementation de zonage précitée lui est toujours applicable et opposable et ne peut donc raisonnablement constituer une situation d’expropriation déguisée.»
Nouvelle réglementation
Considérant que la poursuite appuie son recours sur le Projet de règlement CDU-1 (Code de l’urbanisme en devenir), la défense plaide que ce recours est prématuré et que le poursuivant devra d’attendre l’adoption et l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation afin de déposer sa contestation.
Initiée il y a quatre ans, la présente refonte du Règlement d’urbanisme vise à rendre conforme la réglementation municipale au nouveau Schéma d’aménagement et de développement régional (SADR) adopté en 2017.
Également, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), les Villes ont – depuis 2017 – le pouvoir de prohiber tout usage du sol pour des raisons de protection des milieux humides et de l’environnement.
«En somme, la Ville a exercé valablement et raisonnablement un pouvoir qui lui a été délégué directement par le législateur, écrit le Service des affaires juridiques. Elle ne saurait donc être tenue d’indemniser la demanderesse pour l’exercice légitime d’un pouvoir prévu à la LAU.»
Responsabilité de tiers
L’administration municipale ne manque pas de rappeler que les contraintes présentes et futures au développement de l’île Saint-Joseph découlent en grande partie du gouvernement du Québec et de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), dont le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) doit être conforme aux Orientations gouvernementales.
Par exemple, l’intégration de l’île Saint-Joseph dans l’affectation «Protection» du SADR adopté en 2017 relève du PMAD.
Idem pour la mise en réserve de 2012 et son renouvellement en 2014 dont il est fait mention dans la Demande introductive d’instance. Ces décrets, «qui ont nécessairement freiné le développement des lots en litige», reconnaît la Ville, ont été rendus par Québec.
Décision raisonnable
Contrairement à ce que prétend la poursuite, la Municipalité affirme que sa décision de refuser la demande de services municipaux est raisonnable.
«La demanderesse omet de mentionner que la décision de la Ville s’appuie notamment sur les coûts importants qui y sont associés – incluant la construction d’un nouveau pont – et les incidences fiscales importantes pour les résidents actuels de l’île St-Joseph», peut-on lire à la toute fin de l’exposé sommaire. (Voir autre texte)