Celui qui s’est fait élire en promettant de mettre fin au désordre ne chôme pas depuis son élection. La tâche est colossale, particulièrement pour un maire en apprentissage qui s’est investi d’élever au rang de modèle de transparence et d’intégrité une ville qui fut longtemps pourrie par la corruption.
En plus de veiller à la bonne gestion des affaires courantes, le maire s’emploie depuis 12 mois à rétablir la démocratie à l’Hôtel de Ville, où tout est à faire ou à refaire.
Refonte en règle d’une Charte complaisante et dépassée, réorganisation de fond en comble de l’appareil municipal, mise en œuvre d’un plan majeur de mesures de renforcement de l’intégrité et orchestration d’une vaste consultation citoyenne, visant à doter la Ville d’une vision stratégique et d’un premier plan directeur en 50 ans d’existence, voilà quelques chantiers qui occupent le quotidien de Marc Demers.
Respect des employés
«Mon travail, c’est de régler des problèmes», explique Marc Demers, qui y puise sa plus grande satisfaction.
Et pour lui, le moyen d’y parvenir passe invariablement par l’implication des quelque 3200 employés municipaux. «Ils ont une expertise; le conseil municipal a besoin de leurs conseils pour prendre les bonnes décisions.»
À cet égard, il a rapidement entrepris une tournée des bureaux, question de les rencontrer dans leur milieu de travail. «On en a pour un an à faire le tour», précise-t-il, ajoutant que les membres de son équipe sont «accueillis en héros» par des «employés contents de nous parler».
Pour rétablir une «administration ouverte et transparente», il fallait recréer un climat de confiance avec les employés et leur rappeler la portée de leur juridiction, enchaîne le maire.
Déresponsabilisée et privée à toutes fins utiles de tout pouvoir discrétionnaire sous l’ancienne administration, la fonction publique, qui reprend peu à peu confiance, est appelée à jouer pleinement son rôle et à occuper la place qui lui revient.
Le maire Demers en veut pour preuve la nouvelle délégation de pouvoirs vers l’appareil administratif, faisant en sorte que les directeurs de service n’ont plus à se rapporter au comité exécutif pour un oui ou pour un non.
Changement de culture
M. Demers reconnaît que le chapitre lavallois traité à la commission Charbonneau et l’arrestation de l’ex-maire Vaillancourt et de ses 36 présumés complices lui ont été d’une précieuse aide dans la foulée de changement de culture qu’il a implanté à Laval.
«Ç’a permis d’éclairer les citoyens, c’était essentiel! soutient-il. Cela a aussi permis de mettre une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ceux qui veulent transgresser les lois.»
Il ajoute du même souffle que les troublantes révélations entendues à la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction avaient grandement contribué «à briser et mettre fin à des systèmes» et faciliteront, espère-t-il, «la récupération de certaines sommes d’argent» dérobées aux Lavallois.
Rappelons que la Ville a mis en branle des procédures légales pour tenter de récupérer des dizaines de millions de dollars de fonds publics détournés sous le règne du maire déchu, Gilles Vaillancourt.
À cette fin, une première tranche de 200 000 $ a déjà été dégagée afin de financer l’embauche d’une équipe de juricomptables, sous la direction de l’avocat indépendant Me Daniel Chénard.
Lourdeur administrative
La lourdeur administrative demeure le plus important irritant avec lequel doit composer le maire Marc Demers.
«C’est un problème», dit-il au sujet de la bureaucratie gouvernementale, qu’il qualifie de lourde et inefficace.
Un constat que partage l’Union des municipalités du Québec, qui revendique une plus grande autonomie des villes auprès du gouvernement provincial.
Marc Demers souhaite vivement que Québec rende les gouvernements municipaux imputables, ce qui accélérerait grandement les prises de décisions et leur exécution à la satisfaction de tous, citoyens et corporations.
Il cite en exemple la révision des cotes de crues, dont les autorisations nécessaires auprès du ministère de l’Environnement, avant d’engager des fonds, ont contribué à prolonger les délais et, du coup, l’angoisse des riverains touchés par le décret.
Ce dossier figure d’ailleurs parmi ses priorités, considérant que des «gens ont peur de perdre l’économie de leur vie».
Rythme effréné
Les semaines de travail de Marc Demers s’étendent sur 6 à 7 jours et tournent autour de 70 heures, un rythme comparable à celui qu’il a tenu pendant ses 30 ans de service à titre de lieutenant-détective au Service de la police de Laval.
Le principal intéressé ne s’en plaint pas.
«Dans mon ancienne vie, j’enquêtais les crimes majeurs. J’ai longtemps été le seul responsable de la section. Je n’avais pas d’horaire», relate celui qui, bon an mal an, cumulait un millier d’heures en surtemps par année.
N’en demeure pas moins qu’à l’été 2012, après avoir cédé sa place à Léo Bureau-Blouin comme candidat péquiste dans Laval-des-Rapides, à l’approche des élections provinciales, M. Demers prévoyait «ralentir le rythme».
«Ma femme a acheté un ponton, dit-il. Ça faisait 30 ans que j’en parlais.» Un investissement de 32 000 $ pour une embarcation qui, à ce jour, ne lui aura servi que 5 fois!
C’est que peu de temps après cette acquisition, le Mouvement lavallois est revenu à la charge, lui offrant la chefferie du parti sur un plateau d’argent. S’il avait décliné l’offre initiale de 2009, Marc Demers se laisse cette fois courtiser pour finalement céder aux chants des sirènes en 2013.
De sa nouvelle vie, le plus grand sacrifice auquel il a dû consentir est de ne pas profiter de la présence de ses cinq petits-enfants aussi souvent qu’il le souhaiterait.
«Parfois, quand les activités s’y prêtent, ils viennent travailler avec grand-papa.»
Bien qu’il ait renoncé à l’entraînement, il trouve le temps de jouer une fois par semaine au racquetball, en double avec son garçon.
«Faudrait que je puisse jouer deux à trois fois par semaine pour maintenir la forme. À l’heure actuelle, ce n’est pas possible, mais éventuellement, on va prendre le contrôle de l’agenda.»
Cela dit, il se dit privilégié de jouir de la confiance des citoyens et apprécie le pouvoir de régler des problèmes. «J’ai passé 30 ans de ma vie à servir et protéger les citoyens, mentionne-t-il au passage, en reprenant la devise de la police. J’ai toujours été animé par ça.»
Et comment vit-il avec la critique?
«Assez bien!» répond le maire, avant d’ajouter «le plus frustrant est lorsque la critique, qui fait un peu partie de mon travail, a pour objet de berner la population».
Procès
À deux semaines du procès concernant son éligibilité à briguer la mairie de Laval en novembre 2013, Marc Demers répète qu’il a en main un avis juridique favorable, qu’il avait d’ailleurs rendu public en campagne électorale.
«Par respect pour la cour, je ne me prononcerai pas là-dessus», fait valoir celui qui refuse d’envisager une décision qui invaliderait son élection.
«Je ne veux pas aller là», insiste-t-il, tout en espérant un jugement rapide afin qu’on puisse passer à autre chose.