Mis à jour le 18 novembre 2025 à 09h45
Plusieurs dizaines d’emplois pourraient être supprimés par Autobus Chartrand dès le 1er janvier 2026 en raison du non-renouvellement de l’entente concernant le service de transport adapté lavallois qu’assure ce groupe depuis 18 ans.
Ce licenciement collectif toucherait une cinquantaine de chauffeurs et du personnel s’occupant de la répartition des quelque 1000 appels reçus chaque jour au centre de réservation.
Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe au sein de l’entreprise située au 1325, montée Masson, dans Saint-Vincent-de-Paul.
«Je ne peux pas croire que nous en sommes rendus là, affirme le propriétaire Éric Chartrand. Ça vient me chercher profondément. Ça me fait de la peine pour les chauffeurs. Ils veulent faire disparaître leur métier. Il y a aussi ce que ça implique pour la clientèle vulnérable qui utilise le service.»
Au-delà des pertes d’emplois, le transporteur pourrait aussi se retrouver avec 24 minibus flambant neufs inutilisables.
Ceux-ci avaient été achetés afin de remplacer la flotte précédente qui était en fin de vie utile. Qui plus est, ces véhicules sont adaptés aux normes de la Société de transport de Laval (STL), ce qui les rend invendables s’ils ne sont pas utilisés à cette fin. La facture, aux frais d’Autobus Chartrand, s’élèverait ainsi à plus de quatre millions de dollars.
La STL explique sa décision par «le contexte des optimisations requises […] en adéquation avec les orientations découlant du rapport gouvernemental des audits de performance réalisés en 2024».
«La STL est pleinement consciente des répercussions que la situation peut avoir sur les fournisseurs de services actuels à Laval et demeure sensible à leur situation, mais elle doit aussi agir dans l’intérêt de sa clientèle et en fonction des orientations budgétaires émises par l’ARTM [Autorité régionale de transport métropolitain]» détaille Anne-Sophie Harrois, conseillère en communications et affaires publiques à la STL.
Malgré cette fin d’entente, la STL soutient qu’elle «a toujours été très satisfaite de l’excellent service offert à ses usagères et usagers, et de la collaboration de longue date avec ses partenaires lavallois».
Dossier complexe
Le 6 février dernier, la Société de transport de Montréal (STM) a annoncé le transfert du service de minibus en transport adapté vers des partenaires externes à l’organisation à partir de 2026.
À pareille date, un article de La Presse annonçait le remplacement du service de minibus de la société de transport montréalaise par le modèle de taxis collectifs.
Un nouveau communiqué a été émis par la STM, le 2 juillet, confirmant le remplacement des minibus par des fourgonnettes accessibles ProMaster Creative 3500. Celles-ci seraient aussi conduites par les chauffeurs de compagnies de taxi montréalaises dès 2026, prenant la place des chauffeurs de minibus de transport adapté de la STM.
Dans cette même publication, il était mentionné que des négociations avaient cours entre la STM et la STL afin de confier toutes les opérations du transport adapté lavallois à la STM, ce que confirme la société lavalloise.
«La STL et la STM ont effectivement amorcé des discussions en vue d’établir un partenariat concernant les services de transport adapté à Laval, écrit Anne-Sophie Harrois. […] Ces discussions sont toujours en cours à l’heure actuelle.»
On comprend ainsi que la gestion du transport adapté lavallois relèvera désormais du milieu du taxi montréalais qui a obtenu le même mandat de la STM pour la métropole.
La nouvelle entente inclurait le centre d’appels de réservation, la logistique, la gestion des véhicules et les chauffeurs. Tous des rôles actuellement exercés par Autobus Chartrand.
Autre preuve que l’entreprise lavalloise ne s’attendait aucunement à cette fin de contrat: deux prototypes de minibus avaient été mis en circulation à l’essai dans les mois précédents l’annonce de la STL, ce qui a été suivi par l’achat des véhicules en question.
Questionnements
L’Association lavalloise pour le transport adapté (ALTA) a été tout aussi surprise d’apprendre la fin de la collaboration entre Autobus Chartrand et la STL.
«Le service d’Autobus Chartrand était excellent, affirme la directrice générale de l’organisme Annie Des Rosiers. On n’a jamais eu de problème avec eux. La STL nous l’a aussi confirmé.»
L’ALTA déplore le manque de transparence de la société de transport dans ce dossier, et ce, «bien que Chartrand ait commis un impair en commandant les minibus avant la signature officielle du contrat», lit-on dans le dernier bulletin du regroupement.
«Il est aussi connu, […] que la flotte de minibus de Chartrand était en fin de vie et prévoyait être renouvelée – un processus qui se planifie plusieurs mois à l’avance étant donné les délais de construction des véhicules avec des spécifications très précises», ajoute-t-on.
L’organisme craint que cette situation ait un impact sur les usagers lors de la prochaine période des Fêtes si des chauffeurs venaient à quitter Autobus Chartrand avant la fin de son entente avec la STL.
De son côté, Éric Chartrand assure que son entreprise honorera son contrat jusqu’à la toute fin et que l’objectif demeure de «toujours être en activité après le 1er janvier».
Utilisation illégale?
Un débat réside également autour du Ram ProMaster Creative 3500. Le choix de cette fourgonnette par l’industrie du taxi aurait été fait pour sauver des frais reliés aux obligations relevant des véhicules lourds, comme les minibus.

Toutefois, selon un avis juridique émis par la firme d’avocats Stein Monast obtenu par le Courrier Laval, «l’exploitation de cette Fourgonnette sous le régime de la [Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile] est illégale, comme elle contrevient à la fois au cadre législatif encadrant l’industrie du taxi et à celui régissant l’utilisation des minibus».
En d’autres termes, ce véhicule se qualifie de minibus au sens du Code de la sécurité routière et doit être immatriculé avec une plaque ayant le préfixe «A».
Il est ainsi assujetti aux mêmes obligations qu’un minibus, incluant un permis de conduire de classe 4b que ne détiennent pas les chauffeurs de taxi. Des mécanismes de surveillance et des processus de contrôle plus complets sont aussi requis pour la sécurité des usagers.
Un minibus utilisé par Autobus Chartrand afin d’offrir le service de transport adapté à Laval. (Photos gracieuseté)
«Les normes ont été établies selon des critères de sécurité pour l’usager et pour le chauffeur, rappelle M. Chartrand. Ç’a été réfléchie, la règlementation du transport adapté. On doit fonctionner à l’intérieur de ce cadre-là.»
Celui-ci dénote aussi plusieurs problèmes au niveau de la conception de ce véhicule, dont un manque d’espace pour les fauteuils roulants et une élévation au niveau du plancher bloquant la sortie d’urgence.
Il ajoute que les fourgonnettes n’offrent qu’une entrée via une rampe inclinée, tandis que les minibus proposent des marches, dont la hauteur a été ajustée pour la clientèle, et un élévateur qui peut prendre les personnes en chaise roulante et en quadriporteurs.

De son côté, Annie Des Rosiers mentionne que des usagers ont apprécié le confort de la fourgonnette Ram ProMaster Creative 3500, mais plusieurs questionnements persistent. On craint notamment un manque de véhicules pour couvrir les territoires de Laval et Montréal.
«Ils remplacent 120 minibus par 30 ProMasters qui ont 6 places à l’intérieur, dont une seule pour un fauteuil roulant, détaille-t-elle. On trouvait que ce n’était pas beaucoup, mais on s’est fait dire que c’était suffisant; nous conservons des doutes à ce sujet.»
Dans l’attente
Bien que les discussions entre la STM et la STL semblent bien avancées, Éric Chartrand garde espoir de pouvoir renouveler son entente.
Il dénonce toutefois qu’aucune annonce officielle n’a encore été effectuée par la STL à moins de trois mois de la fin de l’entente entre les deux parties. Cela l’empêche de pouvoir statuer sur l’avenir de Transport adapté de Laval, la filiale d’Autobus Chartrand.
De son côté, la Ville de Laval dit suivre de près les négociations entre les deux sociétés de transport.
«La Ville de Laval […] demeure confiante que celles-ci aboutiront à une entente favorable, tant pour les usagers du transport adapté que pour l’ensemble des contribuables, mentionne par courriel la conseillère en affaires publiques Carolanne L. Gagnon. La qualité et l’accessibilité du service demeurent une priorité.»
Elle ajoute que «la STL mettra en place tous les mécanismes de surveillance nécessaires afin de garantir la conformité du service offert selon ses standards de qualité» et qu’«elle veillera également à la bonne gestion et au suivi adéquat des plaintes auprès de la clientèle, comme elle le fait présentement […], et ce, même si l’opération du transport adapté est confiée à la STM».
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