Après près de 35 ans de service à la Société de transport de Laval (STL) au poste de chauffeuse d’autobus, Sylvie Fiset, première femme à avoir occupé ce poste au sein de l’entreprise, tire sa révérence à la fin de l’année 2022.
Entrée en poste à l’âge de 26 ans, Mme Fiset n’aurait jamais pensé devenir chauffeuse d’autobus auparavant. Inspirée par son frère en poste à Montréal, elle a posé sa candidature sans attentes particulières. Six ans plus tard, la société la convoque en entrevue.
« Je me souviens très bien de mon entrevue, raconte l’ex-chauffeuse. Je venais d’accoucher et je n’avais pas de vêtements qui m’allaient. Je croyais devoir venir pour midi, alors je me suis dépêchée d’habiller ma fille de huit mois, de me vêtir comme je pouvais et de me déplacer alors qu’ils m’attendaient plutôt au cours de l’après-midi. »
L’influence du genre
Le 8 octobre 1988, Mme Fiset intègre officiellement les rangs de la STL et marque l’histoire en devenant la première femme attitrée au poste de chauffeuse d’autobus, 17 ans après l’ouverture de l’entreprise.
Même si la retraitée indique que le genre a eu une influence positive sur sa carrière, elle témoigne aussi de certaines difficultés rencontrées lors de son parcours.
« Je suis fière d’avoir été la première femme chauffeuse de Laval, rayonne Mme Fiset. J’ai dû pousser des coudes un peu pour faire ma place. Au début, certains me disaient de retourner à mes chaudrons. Les jokes, je les ai toutes eues, mais j’ai grandi avec des frères, donc j’y suis habituée. C’est quelque chose de quotidien. J’ai la répartie facile par contre, donc ça m’a beaucoup aidé. »
Aujourd’hui, la STL compte en ses rangs 110 femmes chauffeuses, ce qui représente 17% de l’équipe de 640 chauffeurs.
L’évolution du transport
« Je voulais abandonner après deux ou trois semaines à l’emploi, confie l’ex-chauffeuse demeurant à Laval-des-Rapides. Je trouvais ça difficile. Je n’avais jamais conduit un autobus de toute ma vie, je roulais en petite Chevette. L’une des premières femmes chauffeuses de Montréal m’a prise sous son aile. »
Les autobus en fonction dans les premières années à l’emploi de Mme Fiset étaient très différents de ceux d’aujourd’hui. La conduite était plus ardue, les chauffeurs étant presque obligés d’être debout pour tourner chaque coin de rue. Sans ventilateur ni air climatisé, les chaudes journées d’été se faisaient longues.
« Avant, le métier de chauffeur d’autobus était très respecté, se rappelle Mme Fiset. Ça me manque beaucoup. »
Malgré tout, la retraitée adorait son travail et est dotée de centaines d’anecdotes touchantes, drôles ou farfelues de son temps passé dans les autobus lavallois.
« C’était l’un de mes premiers clients, ressasse Mme Fiset. Je n’étais pas habituée au fonctionnement des portes d’autobus. En sortant, un passager s’est retourné et a voulu me dire qu’il me trouvait jolie. J’avais déjà enclenché la porte, ça lui a fermé au visage et déplacé les lunettes (rires). »
L’experte de 30 ans d’expérience confie également utiliser la technique des bonbons avec les jeunes adolescents récalcitrants et affirme qu’ils se tiennent tranquille pendant toute l’année scolaire par la suite.
Clientèle
L’ex-chauffeuse insiste : l’amour du public est une caractéristique essentielle pour exercer ce métier.
« J’adore le public. Aider les gens, c’est moi. On ne me surnomme pas Mom sans raison. »
– Sylvie Fiset, première chauffeuse d’autobus de la Société de transport de Laval.
Toutefois, elle pense aussi que la clientèle est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était à ses débuts :
« Par exemple, le chauffeur doit maintenant attendre qu’un client termine son appel afin qu’il sorte sa carte et puisse entrer dans le bus, témoigne Mme Fiset. Je pense que je n’étais pas prête à partir, mais j’ai décidé de prendre tout de même ma retraite. C’est ce genre de comportements des passagers qui ont influencé ma décision. »
Selon la Lavalloise, le passager parfait est prêt à entrer dans l’autobus, évite le tapage, mais apprécie bavarder avec le chauffeur.
En y pensant bien, les chauffeurs d’autobus sont au cœur du quotidien de bien des gens. Ces piliers de la communauté ont assurément bien des choses à raconter.