À la mi-janvier, le chef de l’opposition officielle, Michel Trottier, expédiait une mise en demeure au maire Marc Demers relativement à des propos jugés «diffamatoires» tenus à son endroit à la séance du conseil municipal de décembre.
Lors d’un échange entre les deux élus, M. Demers avait laissé planer le doute quant à une situation de conflit d’intérêts dans laquelle se serait placé Michel Trottier à l’été 2020. Plus précisément à l’assemblée municipale du 7 juillet. Ce soir-là, le chef de Parti Laval avait proposé que la Ville acquière aux fins de conservation les lots vacants de l’île Gagnon, lesquels faisaient l’objet d’un controversé projet de développement de quelque 700 unités de condos en plus d’un hôtel cinq étoiles et d’un centre de santé/bien-être.
«Je vais prendre mes responsabilités et faire étudier la proposition d’acheter l’Île Gagnon déposée par M. Trottier», à savoir «s’il n’était pas en conflit d’intérêts puisque M. Trottier habite immédiatement en face de l’Île Gagnon et [y] avait un intérêt personnel.»
C’est ainsi que M. Demers répliquait à son vis-à-vis qui le pressait d’assumer ses «responsabilités» et «d’assurer l’intégrité du conseil municipal» en relevant, sans solde, la conseillère Virginie Dufour des différents comités et conseils auxquels elle siège, le temps que la lumière soit faite sur les allégations de financement politique illégale qui la visent.
Voisin de l’île
Depuis le 5 août 2020, Michel Trottier est copropriétaire dans Sainte-Rose d’une résidence riveraine ayant pignon sur la rue Bertrand avec vue sur l’île Gagnon.
Si ce changement a été apporté à sa Déclaration annuelle d’intérêts pécuniaires dans le délai prescrit de 60 jours et dûment signifié au Service du greffe de la Ville le 30 septembre 2020, M. Trottier n’avait cependant pas jugé bon de rendre publique cette information le 11 août précédent au moment où le conseil municipal débattait de sa proposition d’acquérir 71 % de l’île Gagnon aux fins de parc.
En fait, la question éthique ne s’est jamais posée, assure le principal intéressé, affirmant n’avoir en aucun temps cherché à cacher cette information.
«Il n’y a aucun cas de conflit d’intérêts», se défend Michel Trottier. Citant un extrait du Guide des bonnes pratiques produit par la Commission municipale du Québec, il précise qu’il y a conflit lorsque «l’intérêt de l’élu est différent de celui de l’ensemble des citoyens. Faut comprendre qu’il y a à peu près 2000 personnes qui se sont opposées à ce projet-là […] Les citoyens veulent un parc».
Et si c’était à refaire? Il agirait exactement de la même façon, persiste et signe celui qui s’engage «à continuer de porter la parole des citoyens de Sainte-Rose» dans le dossier entourant l’avenir de l’île Gagnon.
Des recours?
Mis en demeure de se rétracter, le maire Demers avait jusqu’à l’assemblée du conseil du 2 février pour présenter des «excuses formelles», faute de quoi Michel Trottier n’écartait pas la possibilité d’entreprendre les procédures judiciaires appropriées, incluant les recours en dommages et intérêts.
«Ça ne serait pas sa première condamnation pour diffamation», a lâché le chef de l’opposition en évoquant la décision rendue par la Cour du Québec le 25 juillet 2018. Ce jour-là, le Tribunal avait condamné le maire Demers, l’ex-président du Mouvement lavallois Anthony Giosi et leur formation politique à payer à l’ancien élu Pierre Anthian la somme de 7500 $ avec intérêts pour les propos diffamatoires qu’ils avaient tenus à son égard à l’hiver 2016.
Au cabinet du maire, ce mercredi 3 février, la seule réaction aura été de faire valoir qu’en décembre dernier, M. Demers avait «exprimé son souhait qu’une situation, laquelle peut raisonnablement être perçue comme un conflit d’intérêts, soit étudiée par les autorités compétentes».