(NDLR) À la suite du décès à l’âge de 89 ans de Me Jacques Tétreault, le Courrier Laval revient sur ses huit années à la mairie de Laval, alors que la municipalité en était encore à ses tout premiers pas.
Premier maire lavallois élu, Me Jacques Tétreault prend les rênes de la ville le 7 novembre 1965, trois mois après qu’elle eut été créée par le gouvernement du Québec.
C’est à lui qu’incombe le devoir de faire des 14 anciennes bourgades fraîchement fusionnées une seule et même grande ville.
Un travail de terrain colossal qui consistait à regrouper tous les services municipaux, adopter un premier plan d’aménagement et développer un réseau de transport adéquat tout en composant avec un déficit consolidé de 8 M$.
«Nous avions hérité d’un enfant qui salissait ses couches et on en a fait un homme», s’amusait à dire le successeur du maire fondateur Jean-Noël Lavoie lors d’une entrevue réalisée en 2005. Le Courrier Laval l’avait alors rencontré à sa résidence de Laval-sur-le-Lac dans la foulée du 40e anniversaire de la Ville.
Maire à 36 ans
Farouche opposant à la fusion, l’ex-maire de Pont-Viau en avait surtout contre les motifs et la façon dont l’unification avait été imposée à la population, nuançait-il.
Porté au pouvoir à l’âge de 36 ans, Me Tétreault voit soudainement le nombre de ses commettants décupler, passant de 17 000 à 182 000 citoyens. Réélu pour un second mandat en 1969, il qualifiera ses huit années à la mairie de Laval comme les plus stimulantes de sa vie professionnelle.
«Le gérant de la Ville Marc Perron, le directeur du Service de l’urbanisme Claude Langlois et le trésorier Bernard Langevin ont été les principaux artisans de ces magnifiques années», soulignait-il avec humilité.
Un des premiers gestes posés en sa qualité de maire fut de mettre le holà à la spéculation et au développement sauvage qui avaient cours sur le territoire.
Ces mesures restrictives n’empêchent pas le développement résidentiel, pas plus d’ailleurs que les taux d’intérêt élevés qui sévissent à la même époque.
Infrastructures
Laval prend alors la forme d’une ville-champignon et force les autorités provinciales à investir dans les infrastructures de transport afin de soutenir cette croissance vertigineuse.
Déjà traversée par l’autoroute 15 en 1958, puis par l’autoroute 25 l’année de la fusion, Laval inaugure à l’automne 1969 le pont Papineau-Leblanc. Ce cinquième lien routier reliant Laval à l’île de Montréal donnera lieu quelques années plus tard au prolongement de l’autoroute 19.
Suivent en 1971 et 1973 deux annonces majeures du gouvernement Bourassa, à savoir la construction des autoroutes 440 et 13 qui nécessitera des investissements de plus de 160 M$. Encore faut-il rappeler que ces grands travaux d’infrastructures s’articulaient dans un contexte économique exceptionnel dû à l’avènement d’un nouvel aéroport international à Mirabel.
Déjà, les centres commerciaux pullulent sur le territoire, générant d’importantes recettes fiscales grâce à la taxe de vente, rappelait Me Tétreault. Puis, un premier grand centre régional fait son apparition avec l’ouverture au printemps 1968 du Centre Laval et ses 52 boutiques. Un an plus tard, la Corporation Fairview, Ivanhoé et la défunte maison Eaton annoncent les couleurs d’un ambitieux centre commercial de 125 boutiques dont la construction au coût de 25 M$ est conditionnelle à l’exécution des travaux de l’A-440. Le Carrefour Laval sera mis en chantier en 1972 et fera l’orgueil des Lavallois dès son ouverture le 28 mars 1974, donnant du travail à 2500 personnes.
Hôpital
Mais la principale bataille que mènera le maire Tétreault demeure la construction d’un hôpital qu’il réclame haut et fort dès le printemps 1966, à peine six mois après son élection. Son appel reste toutefois sans écho auprès du ministre de la Santé d’alors, Jean-Paul Cloutier, qui juge que Laval est suffisamment bien desservie par les hôpitaux environnants.
«Pour pallier la situation, il avait fallu aménager certaines auto-patrouilles pour conduire en cas d’urgence des femmes enceintes à l’hôpital Sacré-Cœur. Même qu’il est arrivé que des femmes accouchent dans la voiture de police…», se remémorait-il.
Me Tétreault s’acharne et l’Union nationale de Jean-Jacques Bertrand donne son aval au projet à l’automne 1968, mais le changement de gouvernement à la faveur des libéraux de Robert Bourassa en 1970 ramène tout le monde à la case départ avec l’imposition d’un moratoire
Il faudra attendre la fin de l’été 1973 avant que ne débutent les travaux d’excavation qui mèneront à l’inauguration de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé par le premier ministre René Lévesque le 10 avril 1978.
Montréalais d’origine, Me Jacques Tétreault, qui fut député conservateur de Laval-Centre de 1988 à 1993, avait fait de l’île Jésus sa terre d’adoption en 1957. «C’est vraiment ma ville», avait terminé celui qui y a élevé sa famille en 1957.