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Il y a dix ans, le viaduc de la Concorde s’effondrait…
Tous deux s’étaient retrouvés rapidement au cœur de l’action. Des images et réflexions ne les quittent plus depuis.
«Comment une si grande masse peut-elle se couper en deux et s’écrouler ainsi? s’interroge encore Daniel Guérin, aujourd’hui lieutenant responsable du poste de quartier de Vimont-Auteuil (PDQ 6). Je me souviens de voir clairement une motocyclette à travers les décombres.»
«Tous ces véhicules détruits, comprimés dans le béton effondré, c’était surréaliste, de continuer Maxime Beauséjour. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a quelqu’un dedans et de les aider le plus vite possible. On aurait dit une scène de guerre.»
Déjeuner et congé abrégés
Le samedi 30 septembre, à 12h30, Daniel Guérin prenait un déjeuner tardif du côté de Rosemère en compagnie du journaliste Jean-François Francheboud aujourd’hui enquêteur à la Sûreté du Québec.
«Jean-François a reçu un appel, m’a regardé en me disant qu’un viaduc venait de tomber à Laval, se souvient-il. Je croyais à une blague, mais j’ai rapidement eu la confirmation. Je disais toujours à mon monde de se garder une tenue d’urgence dans leur casier du quartier général. Ç’a été une première pour moi.»
Sur place, des curieux affluaient de partout. Un poste de commandement a été installé sur la chaussée du boulevard de la Concorde, côté est, durant une bonne semaine.
«Des collègues étaient déjà à l’œuvre, occupés notamment à fermer une passerelle de piétons et un autre viaduc afin de prévenir un autre écroulement, souligne-t-il. On voulait aussi faire au mieux pour récupérer des gens encore en vie. On se souvenait du viaduc du Souvenir où une Volvo avait absorbé suffisamment le choc pour sauver deux des trois personnes se trouvant à l’intérieur.»
Assis devant sa télé, Maxime Beauséjour savourait un congé bien mérité quand il a eu cette «vision apocalyptique» en direct.
«J’ai appelé au poste pour dire que je voulais aider et eux m’ont justement dit qu’ils avaient besoin de renfort, ayant de la difficulté à rejoindre le monde en fin de semaine, raconte l’agent. Mon second appel a été pour mon partenaire Jimmy Mourelatos. Peu après, nous étions là pour prendre des déclarations de témoins. Il fallait accumuler le plus d’information possible pour une enquête éventuelle.»
L’important était d’abord de déterminer l’heure exacte de l’écroulement et quelle partie de la structure avait cédé.
«J’ai vite réalisé que pour plusieurs citoyens ébranlés, ç’avait été une affaire de secondes entre la survie et la mort, précise Maxime Beauséjour. L’un d’eux avait freiné juste à temps. Tout le monde était touché, secoué. On savait qu’il allait y avoir des morts.»
24 heures sur 24
En cours de journée, Daniel Guérin a enfilé les entrevues auprès des médias d’ici et d’ailleurs, les réseaux américains ne restant pas indifférents à la tragédie. À minuit, il s’est dirigé vers sa demeure de Terrebonne pour se coucher, pensant reprendre le boulot au petit matin après quelques heures de sommeil.
«Ç’a commencé à sonner chez moi, c’était la radio britannique de la BBC, se remémore-t-il. L’Europe se levait et voulait savoir ce qui se passait. Des journalistes de la Belgique et l’Australie m’avaient contacté. Des reporters chinois avaient aussi interrompu leurs vacances pour emprunter le signal satellite de Radio-Canada.»
Au lendemain, deux priorités ont dicté les interventions. D’abord, récupérer les dépouilles se trouvant sous les décombres. Les carcasses de véhicules ont été transportées dans un garage et les corps extraits dans le plus grand respect. Également, mettre en place un plan d’atténuation de la circulation.
«J’ai pris fierté de voir les gens actifs pour répondre à cette situation difficile, affirme Daniel Guérin. Il n’y a pas eu de trafic monstre, car nous avions encouragé le covoiturage, transport en commun. L’Agence métropolitaine de transport avait ajouté des trains pour répondre à la fermeture de l’autoroute 19.»
Le lieutenant Guérin n’a pas oublié non plus la visite d’Infoman. «Ils sont repartis en spécifiant qu’ils n’allaient rien faire avec ça, mentionne-t-il. Nous avions également créé une ligne d’urgence pour tenter d’identifier les gens se trouvant peut-être coincés. Il y avait des véhicules que l’on n’apercevait même pas sous l’amas de roches.»
Recueillement et expertise
Quelques jours après l’événement, l’agent Beauséjour se souvient de ses heures de surveillance de nuit comme si c’était hier.
«Des gens, particulièrement des citoyens de Duvernay, venaient sans cesse se recueillir, amenant parfois des fleurs, dit-il. Une façon pour eux d’absorber le choc et faire leur deuil.»
Un an après l’événement lavallois, le 1er août 2007, un pont autoroutier s’est écroulé au-dessus du fleuve Mississippi, à Minneapolis, dans l’état du Minnesota.
«Disposant désormais d’une expertise dans le traitement d’un tel événement tragique, nous avions envoyé des effectifs là-bas pour les aider et conseiller, d’ajouter Daniel Guérin. Malgré toute la tristesse du drame, ce malheur nous aura permis de grandir comme service de police.»