Il y a 20 ans, dans le cadre enchanteur d’un théâtre d’été des Laurentides, le journaliste et chroniqueur Sylvain-Claude Filion approche Béatrice Picard et lui lance l’idée d’une biographie. «Pourquoi moi? Les gens me connaissent. Je raconte déjà tout dans les journaux.»
«L’an dernier, je reçois un coup de fil et Sylvain-Claude me convainc en me disant: « Vous êtes comme une survivante du show-business. Vous avez connu les débuts de la télévision, en noir et blanc d’abord, puis en couleur, les première compagnies théâtrales et l’évolution fulgurante de cet art, ainsi que les coulisses du métier ». J’ai dit oui.»
Au fil des pages d’Avec l’âge, on peut tout dire, publié aux Éditions La Presse, la célèbre comédienne de 89 ans relate son parcours, dans une volonté d’illustrer la condition des femmes dans le Québec de la seconde moitié du XXe siècle.
«J’ai connu les Thérèse Casgrain, puis Lise Payette, et une première femme première ministre avec Pauline Marois, ç’a pas mal évolué, souligne-t-elle avec le sourire, au haut de cet immeuble de Pont-Viau qu’elle habite depuis 2004, le majestueux décor de la rivière des Prairies sous les yeux. Je n’ai pas été une grande militante, mais j’ai été féministe avant l’heure, éduquant quatre enfants sans être mariée, à vivre ma vie personnelle et d’artiste sans rendre de comptes à personne et sans vouloir lever de vagues.»
Au départ, le projet ne devait que dévoiler de grandes lignes de son existence, mais plus le travail a avancé, plus les échanges se sont faits intimes.
«Un jour, je me suis exclamé: mon Dieu, je me sens à la confesse!»
Vie d’exception
Sylvain-Claude Filion a effectué un impressionnant lot de recherches pour aboutir à cet ouvrage de quelque 300 pages largement illustrées.
«Je voulais parler de comment on vivait à l’époque (années 1940 à aujourd’hui) comme femme, autant en tant que mère de famille que comédienne professionnelle.»
– Béatrice Picard
Bien avant que ce soit la mode, la Montréalaise s’envolera pour l’Europe à 17 ans, avec 5 autres Canadiens, pour un voyage d’échange interculturel avec des Suisses, Belges et Français.
«Nous étions curieux de savoir comment les autres jeunes vivaient, se souvient-elle. Ça ne se faisait pas à l’époque.»
Réclamant de l’argent à ses parents pour se rendre à Saint-Moritz où auront lieu bientôt les Jeux olympiques d’hiver, ceux-ci lui répondront par télégramme que la dépense s’avère beaucoup trop importante.
Quand elle s’attarde aux premiers pas d’un théâtre plus structuré, Béatrice Picard se remémore un été où un comédien, qu’elle ne nomme pas en tout respect, se présente totalement ivre avant le lever du rideau. Café, vitamines, rien n’y fait et l’acteur jouera avec un débit d’une lenteur démesurée, échangeant des boutades avec le public.
«Je n’ai jamais été autant furieuse à la fin d’une représentation! J’ai accosté ce collègue et je lui ai dit que s’il recommençait, nous arrêtions le spectacle et qu’il rembourserait les billets à même son cachet!»
Trouvant qu’il existe peu de témoignage de ce métier chez nous, la vedette de Cré Basile, Le Survenant et Symphorien a voulu que sa biographie soit en bonne partie un hommage aux gens du théâtre québécois.
«J’aimerais qu’au-delà du glamour de ma profession, les gens retiennent que la femme que je suis a été une battante très heureuse dans tous les rôles (actrice, mère) qu’elle a assumés, en travaillant très fort et avec rigueur. L’à-peu-près, je ne connais pas et ce n’est pas fini!» de conclure la porte-parole de la Société littéraire de Laval (SLL) qui souhaite que les Lavallois s’intéressent davantage encore aux écrivains de leur ville et participent en grand nombre aux diverses activités de la SLL.