Plus de la moitié des PME canadiennes (55 %) peinent à trouver le personnel dont elles ont besoin pour mener à bien leurs projets en cours ou pour répondre à la demande, alors que cette proportion atteint près des deux tiers (64 %) au Québec.
Seule une PME sur six (16 %) dispose de tout le personnel nécessaire, mais au prix d’importantes dépenses supplémentaires. Ces constats sont extraits d’un nouveau rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) intitulé Retour en force des pénuries de main-d’œuvre. Une majorité de PME touchées par ce problème ont augmenté les salaires pour attirer les candidats, sans succès. Beaucoup d’entre elles se sont ainsi tournées vers l’automatisation et les travailleurs étrangers temporaires (TET), deux solutions particulièrement efficaces, dit-on.
« Au début de l’année 2020, il y avait déjà des pénuries de main-d’œuvre sévères dans les PME. La pandémie n’a fait qu’exacerber et compliquer ce phénomène. Les secteurs contraints de rester longtemps fermés, comme l’hébergement/restauration, ont été touchés par un exode massif des travailleurs qui se sont requalifiés ou ont accepté d’autres emplois. De plus, presque tous les secteurs font face à des défis démographiques et n’ont pas assez de travailleurs pour remplacer ceux qui sont partis », signale Simon Gaudreault, vice-président de la recherche nationale à la FCEI.
Trois facteurs aggravants
Le manque de candidats, l’inadéquation des qualifications et les perturbations du marché du travail sont identifiés comme trois facteurs aggravants par la Fédération.
Près des deux tiers (63 %) des PME touchées par les pénuries de main-d’œuvre disent avoir du mal à trouver les candidats ayant les compétences ou l’expérience nécessaires, tandis que 52 % déplorent l’absence pure et simple de candidats. Cela s’explique notamment par la distribution inégale de chercheurs d’emploi par rapport aux emplois dans les différentes catégories de niveau de scolarité. Au premier trimestre de 2021, 22 % des chômeurs avaient un niveau de scolarité égal ou supérieur au baccalauréat, alors que seulement 15 % des postes vacants exigent ce niveau d’études.
La pandémie a également changé la relation entre les employeurs et les employés et a poussé les travailleurs à déserter certains secteurs. Près d’un quart (24 %) des PME disent que la COVID-19 a conduit leurs employés à changer de secteur, ce taux étant encore plus élevé du côté des services sociaux (37 %) et de l’hébergement/restauration (48 %).
Hausser les salaires ne suffit pas
En moyenne, les PME confrontées à des pénuries de main-d’œuvre comptent augmenter les salaires de 3,7 % au cours des 12 prochains mois, soit plus que la moyenne nationale de 3,1 %.
Plus de 82 % des PME affectées ont déjà haussé leurs salaires, mais cette mesure n’est efficace que dans 31 % des cas, selon l’analyse de la FCEI. En fait, 60 % des employeurs qui ont haussé les salaires disent ne pas avoir trouvé de travailleurs qualifiés ou n’en ont reçu aucun.
« Les propriétaires de PME sont dans une situation difficile et doivent trouver le juste équilibre entre les attentes des candidats et leur capacité à maintenir la compétitivité de leur entreprise. Face à cette situation, on voit apparaître de nombreuses solutions souples et créatives. Cela dit, il faut en faire plus pour soutenir les PME parce qu’elles font face à un défi à long terme », ajoute Laure-Anna Bomal, analyste de la recherche à la FCEI et auteure du rapport.
Autres solutions
Parmi les autres solutions vers lesquelles se sont tournés les propriétaires de PME, soulignons l’automatisation et le recours aux travailleurs étrangers temporaires (TET). Les entreprises qui doivent composer avec des pénuries de main-d’œuvre sont 33 % à avoir investi dans l’automatisation avec un taux de succès de 81 %.
Le taux d’utilisation des TET est moins élevé (16 %) parce que les critères, la complexité et les coûts du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) sont souvent des freins. Quoi qu’il en soit, le taux de succès des entreprises qui ont fait une demande au titre du PTET est de 52 %. Le rapport entre le taux d’utilisation bas et le taux de succès élevé suggère que les TET pourraient être une solution prometteuse aux pénuries de main-d’œuvre du pays, surtout si le PTET est élargi à d’autres secteurs.
Attentes envers l’État
La FCEI exhorte les gouvernements à s’attaquer aux pénuries de main-d’œuvre et à aider les propriétaires de PME à combler leur manque de travailleurs en adoptant les mesures suivantes :
- Améliorer et simplifier les processus d’immigration et de recours aux travailleurs étrangers temporaires pour obtenir plus rapidement la main-d’œuvre nécessaire, en veillant à ce les immigrants correspondent bien aux postes à pourvoir et en leur offrant une voie vers la résidence permanente.
- Ouvrir temporairement le PTET pour que les PME exigeant des compétences et des niveaux de salaires plus variés puissent bénéficier des TET afin de se rétablir.
- Stimuler l’automatisation avec des programmes adaptés ou des crédits d’impôt.
- Défiscaliser les heures des travailleurs de plus de 65 ans qui souhaitent rester actifs.
- Mettre en place des programmes de formation pour des groupes spécifiques, tels que les jeunes qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni stagiaires (NEET), les minorités racisées ou les personnes handicapées.
- Faire en sorte que l’assurance-emploi (AE) ne dissuade pas le retour au travail.
- Réduire les taxes sur la masse salariale pour les PME, notamment les cotisations à l’AE, afin de compenser leurs coûts d’embauche et de formation.
- Encourager les programmes d’apprentissage intégré au travail dans les universités et les collèges (p. ex. programmes d’alternance travail-études, stages) en tenant compte des besoins des PME et en y répondant.
- Ajouter des crédits d’impôt pour la formation des travailleurs (surtout informelle en cours d’emploi) et le recrutement des jeunes diplômés et des étudiants.
« La route vers la reprise sera longue et sinueuse pour les PME. Pour se rétablir, elles ont surtout besoin d’employés qui répondent à leurs besoins et d’autres outils pour atténuer l’impact des pénuries de main-d’œuvre. Elles font déjà tout ce qu’elles peuvent pour attirer les travailleurs. Les gouvernements doivent leur venir en aide en adoptant des mesures qui permettent d’accroître la productivité et facilitent la connexion entre les chercheurs d’emploi et les employeurs sans imposer des coûts d’embauche déraisonnables », conclut François Vincent, vice-président à la FCEI.
Les propriétaires de PME préoccupés par les pénuries de main-d’œuvre sont invités à signer la pétition de la FCEI destinée au gouvernement : fcei.ca/penuriesmaindoeuvre.