En cours de semaine prochaine, la Ville de Laval se retrouvera devant le Tribunal des droits de la personne après avoir refusé de donner suite à deux décisions prononcées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) en faveur d’un citoyen noir anglophone handicapé.
C’est ce que soutient le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) et son président, Fo Niemi, dans une communication publique envoyée à de nombreux médias.
C’est que le 16 octobre, dans une seconde décision rendue en neuf mois pour des dossiers de profilage racial, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a exigé de nouveau à la Ville, ainsi qu’à deux agents du Service de police de Laval (SPL), des dommages et intérêts, cette fois évalués à un total de 13 000 $.
Seconde plainte
Cette sentence récente de la CDPDJ porte sur un incident s’étant déroulé le 12 juillet 2018, vers 22h30.
Lui qui se déplace à l’aide d’une canne et souffre de douleurs chroniques au dos, Pradel Content discutait dans l’aire de stationnement avec deux voisins.
Deux agents sont alors passés devant en autopatrouille. M. Content a commencé à les filmer.
Les policiers Kévin Langlois et Philippe Bélisle se seraient alors arrêtés, le second demandant à M. Content «As-tu une question avec ton téléphone?»
Dans sa langue, l’anglais, M. Content, aurait répliqué qu’il «voulait tout simplement protéger ses droits», peut-on lire dans le jugement officiel.
Par la suite, «les agents mis en cause auraient décidé de poursuivre leur échange avec lui en le ridiculisant et le faisant trébucher. Même si M. Content a demandé aux agents de quitter les lieux, ceux-ci seraient restés sur place sans raison valable», ajoute-ton plus loin.
Au lendemain d’intervention, ces policiers auraient émis un constat d’infraction de 77$ à l’encontre de Pradel Content pour les avoir insultés.
Ce dernier a contesté en Cour municipale. Le 21 février 2019, après avoir entendu la cause, la juge Chantal Paré a ordonné un arrêt des procédures en faveur du citoyen lavallois après avoir conclu que les agents avaient abusé de leur pouvoir.
«Selon elle, la version des policiers est contredite par la vidéo (…) La juge Paré est arrivée à la conclusion tout à fait exceptionnelle qu’en raison de leur comportement et de leur bousculade psychologique de M. Content, les policiers ne pouvaient pas à ce moment-là être considérés comme étant dans l’exercice de leurs fonctions», rapporte le CRARR.
Nouvelle étape
À la lumière des éléments recueillis en enquête, la Commission a conclu que la preuve selon laquelle M. Content aurait été victime de discrimination, sous forme de profilage, fondée sur la race, la couleur et le sexe, est suffisante pour soumettre le litige au tribunal et «qu’il y a lieu, avant de s’adresser au tribunal, de proposer des mesures de redressement aux parties mises en cause (…)»
La CDPDJ a ainsi recommandé que soient versées les sommes suivantes: Ville de Laval, 10 000$; l’agent Bélisle, 2000$; et l’agent Langlois, 1000$.
De son côté, la Ville dit avoir pris connaissance de ce nouveau dossier et qu’après évaluation, elle y donnera suite selon la démarche prescrite.
«À l’heure actuelle, aucune condamnation n’a été prononcée, la Commission a émis ses propositions, de rappeler Anne-Marie Braconnier, porte-parole de la Ville de Laval.. La Ville respecte les principes de discrétion, d’intégrité et de confidentialité du processus en cours. Elle a aussi à cœur les intérêts de la population, c’est pourquoi, elle communiquera les détails des conclusions du dossier au moment où les droits de tous et chacun seront respectés. Nous réitérons que la Ville ne tolère aucune pratique discriminatoire: une culture d’inclusion est partagée tant par l’Administration que les services de l’ordre.»
Du côté du SPL, le document de la Commission est également à l’étude avant d’émettre tout commentaire.
Deux autres événements
Dans une première décision envers un cas de profilage racial impliquant Pradel Content, en 2017, la Commission réclamait déjà 24 000 $ de la Ville et de deux policiers.
À l’époque, l’homme avait déposé sa plainte après avoir été présumément poussé et menotté par un agent du SPL dans une station-service.
Le policier en cause l’aurait aussi forcé à supprimer une vidéo de l’incident filmée avec son téléphone intelligent. La CDPDJ a donné raison au résident de Pont-Viau dans ce dossier.
Soulignons qu’il y a deux mois, le CRARR a de nouveau déposé une plainte pour M. Content.
Celle-ci fait suite à une autre interpellation policière, datant de mars dernier. Pradel Content aurait reçu un constat d’infraction pour avoir utilisé son téléphone au volant, «alors qu’en fait il avait déjà stationné sa voiture devant chez lui et utilisait [ledit] téléphone pour filmer le policier qui avait fait demi-tour pour le suivre jusqu’à chez lui sans aucun motif», relate le Centre de recherche-action sur les relations raciales.
Cette troisième affaire poursuit actuellement son cours.