Joseph Polossifakis n’a aucune idée du moment ni de l’endroit où sera disputée la dernière compétition d’escrime permettant d’accumuler des points pour la qualification olympique. Mais une chose est certaine: le Lavallois sera frais et dispo pour l’occasion, ce qui fait contraste avec sa situation pré-pandémie.
Très peu d’athlètes font le choix de poursuivre leur rêve olympique tout en occupant un travail à temps plein. Joseph Polissifakis a toutefois pris cette décision après avoir pris le 23e rang aux Jeux olympiques de Rio, en 2016. Et de ses propres dires, il n’a pas toujours été facile de jumeler les deux, particulièrement en période de qualification.
«Honnêtement, c’était rendu difficile, avoue celui qui occupe un poste de directeur de territoire chez Petro-Canada. Le stress, la compétition, le voyagement et le travail, c’est beaucoup. J’étais fatigué physiquement et mentalement. Quand j’étais au travail, je stressais pour le sport et quand j’étais en compétition, je stressais parce que je n’étais pas au travail. Au final, ça affecte les deux.»
La pandémie de la COVID-19 a ainsi permis au sabreur de souffler quelque peu et de reprendre des forces en vue de la dernière étape de qualification vers Tokyo. «C’est une situation horrible, mais j’ai essayé d’en tirer le plus de positif possible. Présentement, je peux vraiment dire que je me sens mieux qu’au début de la pandémie.»
Après s’être entraîné à la maison pendant près de trois mois, Polossifakis est maintenant de retour à l’Institut national du sport du Québec, où il a accès aux installations dans des plages horaires fixes, mais surtout, où il redécouvre cette passion qui l’anime depuis l’adolescence.
«Je reviens avec moins de pression sur les épaules et je retrouve l’amour de faire mon sport, explique-t-il. C’est un retour aux sources et j’en profite pour revenir à la base. Pour l’instant, on s’entraîne seul avec un entraîneur et on ne peut faire d’assauts, alors c’est le moment parfait pour ça. C’est toujours important de travailler sur ces petits détails.».
Aidé par le maître d’armes Jean-Marie Banos, celui avec qui il a effectué ses premiers pas en escrime au Collège Jean-de-Brébeuf à l’âge de 12 ans, Polossifakis sait qu’il est entre bonnes mains pour peaufiner sa préparation.
«C’est drôle comment la vie fait les choses! Je reviens à la base, avec la personne qui m’a enseigné le sport pour la première fois. Nous avons recommencé à travailler ensemble il y a plus d’un an et je me sens très à l’aise. Lorsque nous pourrons faire des assauts, je serai prêt et motivé grâce au travail effectué.»
Toujours dans le coup
Afin d’obtenir un laissez-passer pour les Jeux olympiques de Tokyo, Joseph Polosiffakis doit détenir le meilleur rang nord-américain à l’issue du calendrier de la Fédération international d’escrime (FIE), excluant tous les représentants des États-Unis, déjà qualifiés au tournoi olympique par équipe.
Avec une seule compétition à faire, cette place est présentement occupée par son coéquipier Shaul Gordon, qui détient une priorité de 21 points sur Polossifakis. Et malgré le néant qui entoure la reprise des activités de la FIE, ce dernier sait que tout peut changer le temps d’un tournoi.
«Je vais revenir sans pression et implémenter mon plan de match, promet l’athlète de 29 ans. Je dois arriver à faire ce que je suis capable de faire, sans penser au reste. Souvent, c’est là qu’on perd des points et des matchs. Chaque touche est importante et je vais être prêt.»
D’ailleurs, il ne se laisse pas déconcentrer par cette «lutte» avec son comparse qui s’entraîne lui aussi à Montréal. «Ça fait partie du jeu. Je n’ai aucun problème avec ça et nous pouvons simplement faire de notre mieux. C’est sûr que ça peut être difficile parce que c’est un bon ami et nous faisons de compétitions par équipe ensemble. Heureusement, il n’y a jamais eu de tensions entre nous et c’est parfait ainsi.»
Le but ultime de Polossifakis demeure de voir un représentant du fleurdelisé atteindre le tableau principal des Jeux de Tokyo.
«Tout ce qu’on veut, c’est d’amener un Canadien aux Jeux, assure le Lavallois. Shaul et moi avons eu une très bonne année et nous sommes bien positionnés au classement, étant les deux premiers Nord-américains. C’est une très grande zone avec beaucoup d’escrimeurs, alors c’est très difficile de se qualifier.»
C’est pourquoi, peu importe ce qui adviendra au cours des prochains mois, Joseph Polossifakis ressortira de ce cycle olympique la tête haute. «Je ne baserai pas les 16 dernières années de ma vie sportive sur ça», note-t-il.
«À la fin, je pourrai dire que j’ai tenté cette expérience-là, de poursuivre deux rêves à la fois. Pour moi, ce n’est pas juste d’atteindre les Jeux. Le cheminement pour en arriver là et toute l’expérience acquise en cours de route sont tout aussi importants. Il faut apprécier le processus parce qu’éventuellement, tout ça sera fini. C’est une aventure enrichissante, parfois difficile, mais je n’ai aucun regret. Ce sont des années que je n’oublierai jamais.» (N.P.)