Place Claude-Léveillée, sur le campus lavallois de l’Université de Montréal, plus de 120 personnes ont bravé le froid d’après-midi pour commémorer l’attentat antiféministe perpétré contre 14 étudiantes il y a 30 ans, le 6 décembre, à l’école Polytechnique.
«Cette année, il y a énormément d’émotion, car après de longues luttes par les mouvements de femme, on appelle enfin les choses par leur vrai nom en parlant de féminicide et d’attentat antiféministe», confie Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice de la Table de concertation de Laval en condition féminine (TCLCF), en cette journée nationale de commémoration et d’action contre les violences faites aux femmes.
«Comme société, nous avons un devoir de mémoire envers ce qui arrivé ce jour-là. L’une des survivantes de cette tuerie misogyne, Nathalie Provost, racontait qu’en 1989, on pensait l’égalité femme-homme acquise et que tout ça a disparu en seulement 10, voire 15 minutes. Or on a appris que ce ne sera jamais acquis. Faut garder ça en tête et continuer à travailler dans le bon sens» de continuer Mélanie Guénette, coordonnatrice de la Table de concertation en violence conjugale et agressions à caractère sexuel de Laval (TCVCASL), après un émouvant discours de la conseillère municipale d’origine libanaise, Sandra El Helou, soulignant que peu importe la provenance, peu importe la classe sociale de chacun, la lutte contre les violences faites aux femmes doit continuer de progresser à pas de géant.
«Le message de cette année est simple et crucial: croyez-nous! ajoute Marie-Eve Surprenant. Pour éviter encore d’autres morts, toute femme qui affirme être victime de violence doit être crue. Il est temps d’assurer leur sécurité, pour que plus jamais nous ayons à déplorer l’atteinte à la dignité et la perte d’aucune d’entre elles.»
«30 ans après, les choses sont enfin nommées. Le 6 décembre 1989, il y a eu 14 féminicides, un attentat antiféministe, à l’école Polytechnique.»
– Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice de la TCLCF
Émotion et solennité
Le 6 décembre, l’activité de commémoration à la mémoire des victimes de Polytechnique, ainsi qu’en solidarité avec toute femme victime de violence encore aujourd’hui, a résonné au rythme du carillon situé rue Claude-Gagné, sur l’air de Lux Aeterna créé par la compositrice et ondiste Estelle Lemire. Le Chœur Les Voix d’Elles a accompagné l’œuvre musicale, après que 14 jeunes filles du groupe eurent déposé 14 lampions au pied d’une gerbe d’autant de roses blanches.
Par la suite, l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (Aféas) de Laval a décliné les noms des 15 femmes et 3 enfants assassinés par des hommes depuis le 25 novembre 2018. Dix-huit lampions ont été allumés à la mémoire de ces victimes.
Chiffres toujours inquiétants
On sait désormais que 78% des victimes de violence conjugale sont des femmes (la plupart des autres victimes étant des enfants); qu’une femme sur trois a été victime d’au moins une agression sexuelle au cours de sa vie; que 60% des femmes en situation de handicap vivront de la violence au cours de leur vie adulte; et que 93 % des victimes d’homicides conjugaux sont des femmes (souvent en contexte de séparation ou post-séparation, moment de grande dangerosité pour les femmes).
«Nous profitons de l’occasion pour souligner la force de toutes celles qui osent briser le silence. Les voix et les histoires de toutes les femmes comptent», concluait Mélanie Guénette en fin de cérémonie.