«On vit un drame humain, de confier Jean-Claude Roy qui a sonné l’alarme auprès des autres proprios. Personne n’est heureux. Cet homme, un ami personnel, est un père de famille qui était le héros de ses enfants et parents. C’est terrible. C’est à eux que je pense d’abord. Ils viennent d’apprendre sa vraie nature.»
Après une enquête de plusieurs mois, la Police de Laval a interpelé Daniel Fortier le jeudi 26 mai. Après une première comparution, il retournera en cour le 22 septembre sous des chefs d’accusation d’introduction par effraction et de fraude excédant 5000 $.
Les propriétaires ont aussi déposé une poursuite au civil afin de réclamer près de 240 000 $ au policier de 53 ans et ses 2 vice-présidents de l’époque, Gail Campbell et Jihad Touchan.
Parmi les documents récoltés, on retrouve des factures de téléphonie de plus de 800 $, de nombreux billets de faveur pour le football professionnel dont on réclame la dépense, des fêtes, entre autres, un gargantuesque repas de poulet pour ses étudiants policiers, des factures de lavage d’auto personnelle, reçus d’essence et autres dépenses non reliées à l’administration de l’immeuble. M. Fortier recevait déjà une prime mensuelle de 500 $ pour occuper la présidence.
Croisière salutaire
En juin 2013, Daniel Fortier aborde Jean-Claude Roy, qu’il considère comme son deuxième père, pour lui demander de le remplacer à la présidence durant une croisière familiale d’une dizaine de jours. Il le prévient d’une autre chose. «À mon retour, je vais congédier la secrétaire, une menteuse, et la remplacer par un ancien lieutenant du métro de Montréal.»
M. Roy est abasourdi. Jusque-là, étant l’un des gouverneurs, on l’avait toujours consulté avant pareille décision et, surtout, il a toujours jugé la secrétaire, Ginette Leblanc, d’une efficacité extrême. «Avant que Daniel Fortier ne quitte, je lui ai dit de prendre note qu’à son retour, Mme Leblanc serait toujours là et son monsieur parti.»
Pourtant, autant M. Roy que le chanteur André Ouellet, l’une des victimes de fraude, sont reconnaissants du travail effectué par Daniel Fortier à son arrivée à la tête de leur syndicat de copropriété.
«Il a sorti la drogue et la prostitution d’ici, en plus de faire beaucoup pour la vie sociale en multipliant les balançoires extérieures, relate André Ouellet, le célèbre interprète des hymnes nationaux du Canadien de Montréal. Il a sécurisé l’immeuble.»
Secret et terreur
Après le départ en vacances de Daniel Fortier, Jean-Claude Roy insiste auprès de Ginette Leblanc pour voir les livres de dépenses. Celle-ci craint des représailles.
«Elle m’a confié avoir dit au président qu’il dépensait trop. J’avais déjà la puce à l’oreille. J’ai d’abord vérifié un mois au hasard, avant de faire de même avec trois autres. Ça variait autour de 3000 et 6000 $ de dépenses faites sur une carte de crédit non autorisée au nom du syndicat et dont peu avaient affaire avec nos activités.»
L’avocat de formation et retraité de la firme Pratt & Whitney fait monter les autres gouverneurs chez lui et leur expose les comptes de dépense.
Il est convenu de rencontrer Daniel Fortier dès son retour, ce qui est fait. Ce dernier refuse de démissionner. Se faisant accompagner du gardien et de sa vice-présidente finances un soir, le policier met la main sur les documents frauduleux.
«Heureusement, on a tout ça sur caméra et nous avions fait des copies des relevés de compte, observe Jean-Claude Roy. Mme Leblanc avait aussi été menacée. J’ai appelé la police.»
Dans la même semaine, six autopatrouilles débarqueront devant l’immeuble. Des perquisitions se dérouleront aux domiciles et bureaux de Daniel Fortier à Laval, Terrebonne et Boucherville, sans oublier l’une d’elles chez Gail Campbell. Après quelques retards administratifs, l’enquête avancera ce printemps pour mener à l’arrestation du policier soupçonné de fraude et ses complices.
La Police de Terrebonne confirme que son lieutenant se trouvait déjà en arrêt de travail personnel. On attendra la fin de cet arrêt pour le rencontrer et convenir d’une suspension administrative ou réaffectation temporaire.
«On espère maintenant qu’il sera condamné et que la communauté pourra récupérer quelques sous de cette action, d’ajouter M. Roy, 79 ans. Nous n’avions pas besoin de ça à nos âges. Ça ne se serait pas passé comme ça si j’avais encore 50 ans.»