Hier au palais de justice de Saint-Jérôme, l’ex-directrice générale de L’Entraide Pont-Viau, Claire Le Bel, a réenregistré un plaidoyer de culpabilité à des accusations de vol et demandé l’absolution conditionnelle.
On se rappellera que l’automne dernier, durant l’exposé de la preuve, la juge de la Cour du Québec Dominique Larochelle s’était récusée après que le procureur de la Couronne eut identifié une personne qu’elle connaissait, en l’occurrence l’ex-présidente du conseil d’administration de L’Entraide et juge à la retraite, Micheline Dufour.
Claire Le Bel témoigne
Témoignant devant la juge Kathlyn Gauthier, l’ex-conseillère municipale, aujourd’hui âgée de 57 ans, a reconnu ses fautes. «Je n’avais pas le droit de faire ça», a déclaré celle qui a utilisé à ses fins personnelles la carte de crédit de l’Entraide pour un peu plus de 40 000 $ entre 2012 et 2016.
Selon la preuve déposée, 80 % de ces dépenses injustifiées ont été effectuées en 2013 et 2014.
Or, ces deux années coïncidaient avec une période particulièrement éprouvante tant sur le plan financier, professionnel que familial, s’est défendue Mme Le Bel, s’estimant alors en proie à «une dépression non-diagnostiquée». Sa mère en fin de vie, sa fille en pleine crise d’adolescence, la tourmente provoquée par la commission Charbonneau, la création de son parti politique et les aléas d’une campagne électorale à la mairie qui l’ont mis sur la sellette, voilà le «tourbillon» qui lui aurait fait «perdre pied», selon ses dires.
Au printemps 2013, lors des audiences de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, on avait appris, qu’en vertu d’une pratique érigée en système au sein du parti du maire déchu Gilles Vaillancourt, Claire Le Bel avait servi de prête-nom en 2010 et 2011.
Remboursement
Depuis que son ancien secrétaire a alerté les autorités policières, en janvier 2016, Mme Le Bel a remboursé la totalité des sommes détournées, dont un montant de 33 327 dollars a été déposé au service du greffe de la Cour du Québec le 9 juin 2020.
Ce qui est «tout à son honneur», a reconnu le procureur du Directeur des poursuites et pénales (DPCP), Me Oliver Bérard Riccardelli.
Toutefois, contrairement à ce que prétend Claire Le Bel, il «doute fortement» que les abus auraient cessé n’eût été la dénonciation à la police.
L’avocat de la Couronne a qualifié de «hautement répréhensibles» et «totalement inacceptables» les gestes «répétés et réfléchis» posés par l’ancienne directrice sur une période de quatre ans. D’autant qu’elle s’est servie à même des fonds publics destinés à des clientèles dans le besoin, a-t-il souligné.
Quant aux admissions de Mme Le Bel, Me Bérard Riccardelli y a vu un témoignage en demi-teinte. À cet égard, il soulève le fait que, d’un côté, elle prend le blâme tout en faisant valoir, de l’autre, que les dépenses lui étaient autorisées par le conseil d’administration, et ce, sans jamais vouloir faire porter l’odieux aux administrateurs ni reconnaître avoir abusé de leur confiance.
La partie demanderesse suggère à la juge une condamnation avec sursis de 12 à 18 mois.
Demande d’absolution
Du côté de la défense, on demande plutôt l’absolution conditionnelle, plaidant qu’une condamnation criminelle et un casier judiciaire «hypothéqueraient» grandement l’avenir professionnel de Mme Le Bel.
«L’Entraide et la communauté bénéficieraient du fait qu’elle puisse poursuivre son travail», a plaidé son avocat, Me Philippe Lamoureux, précisant qu’un organisme communautaire n’a pas l’habitude de confier «un poste important» à une personne ayant des antécédents judiciaires en matière de vol ou de fraude. Un peu plus tôt, Claire Le Bel, rétrogradée au poste d’agente de développement au sein de l’organisme qu’elle a fondé en 1992, confiait qu’elle «aimerait reprendre son poste de direction».
Me Lamoureux a dépeint sa cliente comme «une dame de 57 ans au parcours exceptionnel, qui a donné 30 ans de sa vie au travail communautaire, aujourd’hui jugée pour un écart de conduite» qu’elle a commis dans une période difficile de sa vie.
Il a justifié le bien-fondé de sa demande en faisant valoir que Mme Le Bel n’avait pas usé de stratagèmes frauduleux et que ses dépenses avaient été faites au vu et au su de tous, en parlant des membres du conseil d’administration.
«Ce n’est pas quelqu’un qui a nécessairement enrichi son patrimoine», a-t-il continué, ajoutant qu’elle était rapidement passé aux aveux, avait remboursé l’organisme et s’était depuis réhabilitée.
La partie défenderesse estime qu’une absolution assortie d’une «probation de deux à trois ans avec un nombre important d’heures de travaux communautaires» n’est pas contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
«L’absolution est considérée comme une mesure efficace», a terminé Me Lamoureux pour qui «l’emprisonnement avec sursis demeure la dernière solution».
La juge Kathlyn Gauthier a pris l’affaire en délibéré et convoqué les parties le 4 mai pour la représentation sur la peine.
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