Le nouveau règlement de la ville de Laval visant à encadrer la démolition des bâtiments d’intérêt patrimoniale a servi à la sauvegarde d’une première maison ancestrale, dans Vimont, à la suite d’une décision favorable du comité de démolition municipal.
L’ambiance était tendue le 9 décembre lors d’une séance publique d’information tenue à l’hôtel de ville.
Le propriétaire du bâtiment et des citoyens inquiets face à sa possible destruction ont tous exprimé leur inquiétude devant le comité qui analysait pour une deuxième fois un tel dossier, soit une demande de démolition, depuis que le règlement est entré en vigueur.
Au final, le comité a pris la décision de sauver la maison en arguant que «si la maison est restaurée, le propriétaire va gagner de la plus-value énorme, explique Dominique Bodeven, directrice générale de la Société d’histoire et de généalogie de l’Île Jésus. Non seulement une maison ancestrale sera préservée, mais le propriétaire fera du profit.»
«Si on commence à démolir les maisons patrimoniales, il n’y aura plus rien et Laval sera une ville des condos alors que l’histoire européenne de Laval a commencé en 1636», rappelle-t-elle.
Située sur le boulevard Saint-Elzéar à l’angle de la rue de Bruxelles, la maison en question a été construite en 1860 et témoigne de l’histoire agricole lavalloise et du travail des familles pour subsister en milieu rural.
De plus, cette demeure est l’une des six dernières maisons de style Boomtown (ou «à façade postiche ») restant dans le secteur après la démolition de nombreuses maisons ancestrales ces dernières années.
«Je ne prétends pas être un développeur qui vient démolir la maison pour mettre des condos partout, a fait valoir Franco Cirrito, le propriétaire vimontois des lieux. Moi aussi, j’aime les maisons ancestrales, mais économiquement, je ne peux pas mettre de l’argent pour préserver une maison qui ne vaut pas la peine d’être réparée.»
Le débat
En novembre, Franco Cirrito a fait une demande de démolition pour construire sur son terrain un bâtiment de 2 étages avec 12 logements.
«Tout le quartier a changé, c’est plus le même quartier qu’avant, se défend le propriétaire. Il y a beaucoup de nouveaux immeubles en construction. C’est le seul coin qui reste à rénover et, selon les chiffres du gouvernement, il manque encore des logements.»
Sylvie Nadon, la locataire qui habite la maison depuis une dizaine d’années, a déployé de nombreux moyens pour éviter la démolition, assistée par sa fille. Elles ont, entre autres, créé une pétition sur Facebook, rédigé une lettre d’objection et informé les voisins ainsi que le conseiller municipal de Vimont, Michel Poissant.
«Si la décision revient de démolir cette maison, notre génération et les générations futures perdront des connaissances, des repères de notre identité locale et nationale, explique Stéphanie Pasquin, fille de la locataire. Ma mère a investi du temps et de l’argent pour préserver cette maison qui se trouve encore en très bon état.»
«Le quartier a effectivement beaucoup changé dans les dernières années», convient Lyne Lacoursière, voisine du 125, boulevard Saint-Elzéar. Il y a des permis qui ont été donnés pour construire des condos. Ma plus grande inquiétude, ce sont tous les arbres qui disparaissent. Il y a une qualité de vie dans le quartier qui se perd à cause de la construction et des boisés qui ont été détruits.»
Même le comité a statué la préservation de la maison, le propriétaire pourra faire appel de cette décision devant le comité exécutif.
Nombreuses initiatives
Au cours de la dernière année, la ville de Laval a multiplié les initiatives visant à protéger et mettre en valeur le patrimoine de l’île Jésus.
«Maintenant, il y a une volonté politique du maintien du patrimoine à la Ville, mentionne Dominique Bodeven. Les gens ne savent pas qu’il y a encore du beau patrimoine à Laval. Il a juste besoin d’amour, d’entretien et, encore plus, de volonté politique pour continuer à être protégé.»
Cette année, la ville a aussi adopté un règlement visant à bonifier l’aide financière pour des travaux de rénovation et restauration des bâtiments d’intérêt patrimonial.
«Pour le moment, juste les maisons avec une valeur patrimoniale excellente peuvent bénéficier du programme de subvention, mais on aimerait inclure toutes les maisons qui sont assujetties à l’inventaire du patrimoine architectural de la ville de Laval pour avoir ce financement», conclut Yannick Langlois, conseiller municipal de L’Orée-des-bois et membre du comité de démolition.